philippe labro . La traversée




«La maladie qui m'a conduit à la réanimation m'a amené plus loin que la réa, bien au-delà du cap Horn, dans ce qu'il convient d'appeler une expérience de mort approchée.Au cours de cette traversée, j'ai vu et entendu toutes sortes de choses. Des monstres, des anges, des paysages et des visages, du vide et du trop-plein, de la compassion, de l'horreur et de l'amour. Aux prises avec un bouleversement constant du temps et de la durée ; quand les jours et les nuits n'avaient plus aucun sens, aucune construction ; lorsque je perdais tout repère ; lorsque je revoyais des moments de ma vie ancienne et de ma vie à venir. Lorsque deux Moi-même s'affrontaient en un dialogue permanent, quand l'un de ces deux Moi disait :. - Tu vas mourir, laisse aller, c'est foutu, tandis que l'autre Moi répliquait :. - Non, bats-toi, il faut vivre.».
C'est le récit, dépourvu de toute fiction, d'une expérience vécue. Victime d'une bactérie qui attaquait son système respiratoire, Philippe Labro s'est retrouvé dans un service de réanimation et il raconte son combat contre la mort.
« La traversée » est celle de la réanimation à la suite de l'opération du larynx. Les soins thérapeutiques ont d'abord lieu dans un endroit précis, la salle de réa : « le mot définit bien la fonction de l'endroit. Il s'agit de vous ré-animer, c'est-à-dire vous maintenir puis vous redonner de la vie et de l'âme, de l'animation. ». Alors qu'il est entubé et éprouve des difficultés à respirer, l'infirmière vient « aspirer » « cette matière à la fois fluide et épaisse » qui étouffe. « Cela fait du bruit, cela fait du mal, mais c'est un mal qui te délivre d'un autre mal et donc cela m'a fait du bien. ». La médication : « On vous a donné beaucoup de sédatifs, des produits pour atténuer vos douleurs. »
Le récit s'ouvre sur une vision des morts qui appellent le héros à les rejoindre : « Ce sont les morts de ma vie. Je me demande pourquoi je devrais les rejoindre ». La mort, le risque de mourir, sa vision parsèment l'ouvrage. À cause de la maladie, mais aussi à cause des risques pris, durant l'existence du narrateur, par exemple en Algérie. La Mort apparaît aussi de façon allégorique : les hommes-toupies, un lieu derrière lui à gauche et la mystérieuse infirmière Karen la Coréenne : « Mais la mort c'était quoi ? C'était qui ? Ce n'était pas seulement ce coin vide, à gauche, derrière moi, à l'angle de la pièce de réa. C'était peut-être Karen… » La mort des autres, par exemple le suicide de May, l'assassinat du président Kennedy ou de son voisin de chambre, monsieur Picolino. Jusqu'à son acceptation dans la trame de l'existence : « L'ennemie était ensuite devenue, sinon une amie, du moins une notion plus familière. » L'Expérience de Mort Approchée : EMA, tunnel noir, cap Horn… autant de façon de nommer cette expérience. le narrateur, durant son séjour en réa, fait plusieurs expériences de mort approchée où il rencontre ses proches morts. Pour donner crédit à son discours mystique, l'auteur commence, dès le début du livre, à attaquer la raison, la logique. « La vie est un mystère, le temps est un mystère, et chacun d'entre nous obéit à des lois différentes, et la raison ne constitue pas la loi. » Il adopte une tactique où il fait passer l'émotionnel comme supérieur à l'intelligence, à l'entendement, à la logique et à la raison pour comprendre le mystère du monde. « Dans l'histoire qui m'est arrivée, ce n'est pas seulement la raison ou l'intelligence qui ont joué un rôle, mais d'autres éléments bien plus forts : le coeur, la volonté, l'amour, l'imprévisible. » Ainsi, il peut semer le trouble dans l'esprit du lecteur et faire passer des hallucinations dues aux médicaments, la fatigue et la maladie pour des expériences mystiques.
Dans ce roman autobiographique, les souvenirs sont omniprésents. On découvre ainsi de nombreuses anecdotes, dès le prologue l'ascension de la Faille de l'aigle, l'enquête sur l'assassinat de Kennedy par le journaliste Labro, souvenirs d'enfance aux Pyrénées, avec son père, de la guerre d'Algérie, avec des motards aux États-Unis, de travail avec Johnny Hallyday.

J'ai surtout aimé le dernier quart du livre,quand il s'agit pour l'auteur de retrouver la vie après son expérience de mort imminente et qu'il s'aperçoit des changements qui s'imposent d'eux mêmes

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