Joe R. Landsdale : L'arbre à bouteilles




Hériter de cent mille dollars et d'une petite bicoque dans un quartier délabré n'est pas si mal et l'oncle Chester a fait un beau cadeau à son neveu Leonard... Même s'il faut tout nettoyer, que le plancher est pourri et que les voisins sont ce que l'on pourrait craindre de pire. Même si retaper une maison pour la vendre et abattre des murs, c'est prendre le risque de découvrir des squelettes cachés...


Je viens de retrouver pour la seconde fois deux types formidables. Deux types qui vivent dans une petite ville paumée de l'Est du Texas. Deux types liés par une amitié indéfectible, une amitié que rien ne semble pouvoir ébranler. Hap Collins et Leonard Pine qu'ils s'appellent. Ah oui, j'allais oublier, Hap est blanc et hétéro, tandis que Leonard est noir et gay. Pas le genre de détails sur lesquels je m'attarde en général mais ici, ça a son importance.
Quand je les ai rencontrés, Leonard venait de perdre son oncle, Chester Pine. le genre de vieux un poil excentrique qui devait d'ailleurs perdre un peu la boule les derniers temps. Figurez-vous qu'il lui a laissé par testament la somme rondelette de 100 000 dollars, rien que ça ! Comment a-t-il pu accumuler une telle somme ? Mystère… Mais le plus étrange, c'est qu'il lui a aussi légué une flopée de bons de réductions pour des repas dans des pizzérias ou autres endroits du même genre. Quand je vous disais qu'il déraillait le vieil oncle Chester !
Mais j'allais oublier, il lui a aussi laissé sa vielle bicoque complètement délabrée. Oubliez le « home sweet home » du légendaire « american way of life », elle ne tient que « par un grand miracle et deux piquets tout droits » comme dirait Yves Duteil ! En plus, elle est située dans un quartier bien pourri juste à côté d'une « crack house ». Voilà qui nous promet quelques moments mémorables…
On s'est donc mis au travail pour vider la baraque des énormes tas de vieux journaux qui l'encombraient pour la restaurer un peu. Leonard hésitait entre la retaper pour y vivre ou la vendre, vu le voisinage… Quand, pendant les travaux, on a trouvé sous le plancher un coffre contenant le squelette découpé d'un gosse, avec Hap on a commencé à douter vraiment de l'oncle Chester. Les revues pédophiles qui étaient avec, ça a été le pompon ! Mais pour Leonard, impossible de croire que son oncle ait pu faire un truc pareil…
Bon, mais je ne vais pas tout vous raconter, Hap fait ça beaucoup mieux que moi. le bouquin s'appelle L'Arbre à bouteilles en référence à ce truc bizarre qui trône dans le jardin de la maison de son oncle. C'est violent, c'est noir, c'est glauque mais c'est bien écrit, c'est cash, c'est direct ! On appelle un chat, un chat et une queue, une queue ! Vous allez voir que Leonard n'est pas du genre à se laisser emmerder et que Hap est toujours là pour soutenir son pote, quoi qu'il lui en coûte et quelques soient les risques. Une amitié sincère et vraie comme il en existe peu ! En plus, ces deux gars sont bourrés d'humour et ont un putain de sens de la répartie, ce qui ne gâche rien ! Par contre, après avoir lu ça, je ne suis pas sûr que vous ayez envie d'aller passer vos prochaines vacances dans l'Est du Texas…

L’on découvre donc dans L’arbre à bouteilles un Hap occupé à bouturer des rosiers pour un entrepreneur texan flirtant avec l’esclavagisme lorsque Leonard lui demande de l’accompagner. Son oncle Chester est mort et il vient d’hériter de cent mille dollars et d’une maison délabrée voisinant avec une crackhouse dans le quartier noir de LaBorde. Outre les conflits avec les dealers voisins, nos héros ne tardent pas à découvrir, en tentant de rafraîchir l’héritage immobilier de Leonard, une caisse contenant les ossements d’un enfant et des photos pédopornographiques. De quoi perturber un Leonard très attaché à la mémoire de son oncle et déterminé à prouver son innocence.

Tous les ingrédients de cette série à part dans l’œuvre protéiforme de Joe Lansdale[1] sont là : une enquête sur des faits particulièrement sordides prétexte à une peinture au vitriol de la société texane – racisme, homophobie, corruption, violence – portée par une plume acerbe et bourrée d’humour et de scatologie :

« -Vous creusez un nouvel égout ?

-Naan, répondit-il, en finissant sa cannette de bière et en la balançant sur le tas. C’est l’ancien. J’ai perdu mon dentier.

-Ah ! souffla Leonard.

-J’étais tellement bourré, la nuit dernière, qu’jai laissé tomber mes dents en vomissant dans les chiottes et j’ai tiré la chasse. Elles sont là, que’qu’ part dans le tuyau. Si elles ont filé dans la fosse, j’crois bien que j’suis baisé. »

Tout, bien sûr, n’est pas de la même eau, mais se lancer dans la lecture de L’arbre à bouteilles c’est se confronter à l’imagination débridée de Lansdale jetée dans un Texas arriéré qu’il aime parce qu’il y est né et y vit et dans lequel il prend plaisir à démolir tout ce qu’il y déteste. Les lecteurs chastes l’éviteront, ceux qui savent apprécier les véritables talents de conteur (car un roman de Hap et Leonard pourrait et même devrait être lu à haute voix tant il se rapproche plus de l’oralité de l’écrit) et ne crachent pas sur l’humour bien gras même quand il s’agit de faire passer un message plus fin qu’il n’y parait n’hésiteront pas à se lancer dans l’aventure.

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