Jean Cocteau : La machine infernale





La Machine infernale est une pièce de théâtre de Jean Cocteau, rédigée en 1932 et jouée pour la première fois le 10 avril 1934 à la Comédie des Champs-Élysées à Paris, théâtre alors dirigé par Louis Jouvet, dans les décors de Christian Bérard. Elle se fonde sur Œdipe roi de Sophocle. Jean Cocteau dédie la pièce « à Marie-Laure et à Charles de Noailles ». Cette pièce reprend, avec humour et émotion, le mythe d’Œdipe.
Acte I : Le Fantôme[modifier | modifier le code]

L'acte s'ouvre sur l'intervention de la Voix qui raconte l'intégralité du mythe.

Il se passe dans une attente marquée d'inquiétude. Sur les remparts de Thèbes, deux soldats veillent. Ils sont chargés de protéger la ville contre le Sphinx. Depuis des mois, ce monstre, posté non loin des portes de la ville, tue les jeunes gens qui s'aventurent dans ses parages, mais personne ne sait ce qu'il est véritablement.

Pour Cocteau, le Sphinx, « tueuse d'hommes », incarne donc tout simplement la Femme (c'est sans doute le vrai sens du mythe).

En fait, nos deux gardes n'attendent pas le Sphinx, ils attendent le « fantôme ». Justement, leur chef vient leur demander des comptes et les interroger sur cet étrange personnage qui leur rendrait visite depuis plusieurs nuits (Le Soldat et le jeune soldat racontent au chef ce que le « fantôme » veut vraiment). Celui-ci se présente, disent-ils, comme étant le roi Laïus : il s'agirait d'un fantôme très gentil, très poli, mais bien pitoyable, car il semble terrorisé par une chose horrible qu'on veut l'empêcher de dire. Ils n'ont pas compris de quoi il s'agissait ; ils savent seulement que le roi doit absolument avertir sa femme et que le danger est imminent.

La reine arrive, ayant elle aussi entendu parler de ce fantôme. Au grand émoi du chef, qui cherche à se faire bien voir d'elle, celle-ci n'a d'yeux que pour le jeune soldat. Elle espère obtenir par lui des renseignements sur celui qui serait son défunt mari, peut-être même l'apercevoir ou l'entendre. Hélas, lorsqu'il essaie de se manifester, occupée qu'elle est par la beauté du garçon, elle ne perçoit pas ses appels pathétiques. Quand elle s'éloigne, le fantôme désespéré, lance aux soldats, qui eux le voient, ce message pressant : « Rapportez à la reine qu'un jeune homme approche de Thèbes et qu'il ne faut sous aucun prétexte… »

Puis disparaît pour toujours le seul qui aurait encore pu sauver Œdipe.
Acte II : La Rencontre d'Œdipe et du Sphinx[modifier | modifier le code]

Il se déroule dans le même temps que le précédent. En bas, devant les portes de la ville, il met en marche le processus que là-haut, sur le rempart, le fantôme essaie d'arrêter, et il nous dévoile le « mystère » de la victoire d'Œdipe. Le Sphinx est fatigué de tuer et nous découvrons que ce monstre est une jeune fille en robe blanche, lasse de tuer, et disposée à tomber amoureuse du prochain joli garçon qui passera, et peut-être à se sacrifier pour le sauver. Mais le chien Anubis, dieu égyptien de la mort, veille au respect des consignes données par les dieux : il n'est pas question de s'attendrir sur les humains.

Lorsque apparaît Œdipe, elle s'éprend de lui d'emblée et s'efforce de l'éloigner pour lui éviter une mort certaine, mais la froide détermination du jeune homme et sa présomptueuse conviction qu'il vaincra le Sphinx l'amènent à se révéler sous sa forme animale et à montrer son pouvoir. Terrassé par le monstre qui lui inflige le supplice de ses précédentes victimes, il oublie toute dignité et crie grâce. Quand il se croit perdu, il apprend, de la bouche même du Sphinx, le secret de l'énigme. Les liens qui le paralysaient se dénouent et il se sauve. Mais Anubis ne se satisfait pas de ce simulacre, il exige que la question soit posée. Œdipe, interrogé, donne alors la réponse que le Sphinx vient de lui apprendre. Il a remporté la victoire, mais sans montrer aucun mérite. Il accroît son ridicule, aux yeux du spectateur, en recherchant la pose la plus avantageuse pour porter la dépouille du Sphinx jusqu'à Thèbes, afin de prouver son succès.

Fou de joie, il court vers la ville, vers la reine qui lui est promise et vers la royauté, oubliant celle dont il n'a pas compris l'amour ni le dévouement.

Pour calmer sa terrible crise de dépit, Anubis annonce alors au Sphinx redevenu femme après sa défaite, l'avenir monstrueux qui attend Œdipe. La vision en est si atroce qu'elle éveille la pitié dans le cœur de la Vengeresse, avatar final du Sphinx, qui apparaît en apothéose sous l'aspect de la déesse Némésis.

Mais rien ne peut plus sauver Œdipe, pas même la compassion d'un dieu.
Acte III : La Nuit de noces[modifier | modifier le code]

Œdipe et Jocaste, cédant à leurs penchants, refusent tous les avertissements, mais leur amour, qui semble sincère, s'exprime maladroitement. Trop de souvenirs les préoccupent, trop de non-dits les séparent, trop d'obstacles les gênent.

Après une journée de cérémonies et de festivités épuisantes, les deux époux se retrouvent seuls face à face dans la chambre de Jocaste, pour la première fois. Ils souhaitent ardemment réussir ce moment, attendu par l'une comme une renaissance, par l'autre comme un couronnement et une initiation à l'amour. Œdipe est obligé – coutume locale – de recevoir Tirésias pendant que Jocaste se prépare. « Je suis vierge », dit Œdipe à Tirésias. Le devin, en effet, tente une ultime mise en garde pour stopper le mécanisme effrayant et fait état de « présages funestes ». Mais le nouveau roi se méfie des conseils d'un prêtre ligué, pense-t-il, avec Créon pour l'évincer, et il reste sur ses positions sans se soucier des avis divins : « Les oracles… mon audace les déjoue… » Œdipe finit par agresser Tirésias, l’étrangle presque et, tentant de lire son avenir dans ses yeux, ne peut aller au-delà de la naissance de ses quatre enfants. Au moment de découvrir la vérité, il tombe, aveuglé lui-même – symbole de son actuelle cécité sur sa condition, et annonce du dénouement réel. Retrouvant après un instant la vue, il lui présente ses excuses et lui révèle son identité de fils de Polybe et Mérope, les souverains de Corinthe. Tirésias, qui est moins omniscient que dans la tradition, est alors rassuré.

Les époux vont-ils enfin profiter de leur bonheur ? Hélas, malgré leur bonne volonté, la fatigue les fait sombrer dans de brefs assoupissements où leur passé ressurgit et s'exprime par bribes confuses. C'est alors une lutte épuisante contre le sommeil qui révélerait à l'autre des secrets inavouables.

Jocaste reconnaît sa faute, l'infanticide qu'elle raconte à Œdipe en prétendant qu'il s'agit d'« une femme, ma sœur de lait, ma lingère ». Elle reste aussi marquée par ce mur sur lequel (premier signe d'infidélité ?) elle n'a pas su voir son époux. Œdipe, malgré l'admiration éperdue de sa femme, sait qu'il n'est pas un héros, car il n'a gagné qu'avec l'aide du Sphinx, et se souvient qu'il a été à sa merci, qu'il s'est montré faible et ridicule.

La différence d'âge, dont Œdipe se soucie peu, tourmente la reine vieillissante. Et dans cette nuit de cauchemar, c'est un homme de la rue, un ivrogne attardé sous les fenêtres royales, qui a le dernier mot : « Votre époux est trop jeune, bien trop jeune pour vous… hou ! »
Acte IV : Œdipe roi[modifier | modifier le code]

L'acte suit de près la fin de l'Œdipe roi de Sophocle (et de la propre adaptation de Cocteau, mise en musique par Stravinsky sept ans plus tôt : Œdipus rex. « Dix-sept ans après », une à une vont se dissiper les illusions et les fictions qui ont protégé le couple royal. De révélation en révélation, Œdipe et Jocaste seront amenés devant la réalité.

L'annonce de la mort du roi de Corinthe provoque chez son fils le soulagement et même la joie. Cette attitude scandalise son entourage et l'amène à énoncer la prédiction devenue caduque : « Mon père est mort… L'oracle m'avait dit que je serais son assassin et l'époux de ma mère ». Jocaste, qui avait reçu un avertissement similaire et n'en avait soufflé mot, peut ici s'apercevoir que son époux lui avait soigneusement caché la fâcheuse prophétie. Ce silence entre eux trahit une gêne face à des étrangetés qu'ils n'ont pas voulu examiner de trop près, pour sauvegarder leur bonheur.

Mais « vous n'étiez que son fils adoptif », le rassure le messager, sans comprendre qu'il remet en cause par cette déclaration toute la stratégie de fuite élaborée par Œdipe : qui est son père ?

La précision : « Mon père vous délia presque mort, pendu par vos pieds blessés », si elle explique simplement au roi l'origine de ses cicatrices, amène Jocaste à une découverte bien pire, qu'elle reçoit sans mot dire : Œdipe est l'enfant qu'elle a voulu supprimer.

Un souvenir qui revient soudain au roi : « Pendant une rixe avec des serviteurs, j'ai tué un vieillard qui voyageait au carrefour de Daulie et de Delphes », la met devant une nouvelle évidence : Œdipe est le meurtrier de Laïus, c'est-à-dire de son père.

Pour Jocaste, maintenant, tout est clair. Tandis que son mari se débat dans des suppositions qui l'irritent et l'affligent, la malheureuse se pend avec sa grande écharpe rouge… Œdipe, monté la retrouver dans sa chambre, découvre son corps. Il apparaît, « déraciné, décomposé ». Il accuse son beau-frère : « vous me l'avez tuée » ; il croit à un complot.

Tirésias lui affirme alors : « Vous avez assassiné l'époux de Jocaste, Œdipe, le roi Laïus. Je le savais de longue date… ni à vous, ni à elle, ni à Créon, ni à personne je ne l'ai dit ».

En fait, il lui reste le pire à comprendre, car il s'égare encore sur de fausses pistes concernant sa naissance. Paraît alors un vieux berger, c'est « l'homme qui [t'] a porté blessé et lié sur la montagne ».

Pressé de répondre, le vieillard avoue ce qu'on lui avait interdit de dévoiler sous peine de mort : « Tu es le fils de Jocaste, ta femme, et de Laïus tué par toi au carrefour des trois routes. Inceste et parricide. »

Œdipe comprend alors qu'on n'échappe pas à un oracle : « J'ai tué celui qu'il ne fallait pas. J'ai épousé celle qu'il ne fallait pas. Lumière est faite. »

Il lui reste à se punir lui-même. « Il se donne des coups dans les yeux avec la grosse broche en or », crie sa fille, la petite Antigone.

Devenu aveugle, il voit s'avancer vers lui Jocaste, mystérieusement redevenue sa jeune mère pour l'accompagner dans son exil, car il doit quitter la ville.

Il s'éloigne, accompagné de sa fille et de sa mère-épouse, confondues dans une même sollicitude : « Attention… compte les marches… un, deux, trois, quatre, cinq… »

À Créon qui veut intervenir, Tirésias déclare : « Ils ne t'appartiennent plus ».

Ecrite en 1932, et jouée pour la première fois en 1934, cette pièce met en scène l’arrivée d’Œdipe à Thèbes, ou plutôt son « retour » après son départ de Corinthe. En effet, « La Voix » nous rappelle, avant même que la pièce ne commence, les tenants et aboutissants de l’histoire à laquelle nous allons assister : Œdipe, s’étant vu annoncer par l’oracle de Delphes un destin terrible – « Il tuera son père. Il épousera sa mère » - décide de quitter son berceau natal, ne sachant pas qu’il s’agit en réalité de son berceau d’adoption. En effet, ses parents Jocaste et Laïus, roi et reine de Thèbes, ayant également eu la prédiction au moment de sa naissance, l’abandonnent dans les bois, pensant qu’il y mourra ; mais il est recueilli et adopté par le roi et la reine de Corinthe. Lorsqu’il apprend qu’il est voué à commettre le meurtre et l’inceste, il part sur les routes, croise Laïus, sans savoir qui il est ; ils ont une altercation, et Laïus meurt. Après avoir tué son père, il se précipite sans le savoir dans les bras de sa mère, puisque cette dernière a promis sa main à celui qui parviendrait à débarrasser Thèbes du fléau qui l’assaille, le Sphinx. Après ce résumé, Cocteau nous livre ce qu’il va nous montrer, et qui justifie le titre choisi pour la pièce : « Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec une lenteur tout le long d’une vie humaine, une des plus parfaites machines construite par les dieux infernaux pour l’anéantissement mathématique d’un mortel ».

La pièce comporte 4 actes : les 3 premiers respectent la règle classique de l’unité de temps au théâtre (ils se déroulent en 24h), puis le dernier a lieu 17 ans après.

Le style quant à lui s’éloigne assez largement du style classique : Cocteau mêle ironie, humour, anachronismes, ridicules de situation, ridicules des personnages (Tiresias est ainsi surnommé « Zizi » par Jocaste), et travestit quelque peu les personnages, qui perdent ainsi leur grandeur tragique. On y découvre un Œdipe jeune et fougueux, qui se regarde dans le miroir, prend des pauses ; Jocaste est une veuve un peu diva, dépassée par ce qu’il y a autour d’elle et quelque peu obsédée par son vieillissement ; les soldats se chamaillent ; Œdipe a tué Laïus presque par inadvertance, un mauvais concourt de circonstances. Le Sphinx, personnage féminin, conserve une certaine grandeur, mais c’est Anubis, transfuge d’un autre univers mythologique, qui doit lui rappeler à sa mission et à la mise en scène de sa grandeur, pour faire peur aux hommes. Car il s’agit bien d’une sorte de « chasse à l’homme » à laquelle se livre le Sphinx, allégorie de la Femme fatale qui fait succomber les jeunes hommes. Décrite comme « la Jeune fille ailée », « la Chienne qui chante », elle montre pourtant elle aussi un caractère humain et une certaine faiblesse : lasse de tuer, elle se lance dans une forme de négociation avec Œdipe. Laïus enfin n’est pas en reste : décrit comme un « vieillard » dans le récit d’Œdipe, il apparaît aux soldats comme un fantôme qui veut prévenir que la prophétie est sur le point de se réaliser, mais il ne parvient pas à s’exprimer, il est un personnage impuissant.

Si l’on rit et sourit à la lecture de cette adaptation – très libre – du fameux mythe, si son côté loufoque séduit et divertit, on regrettera peut être que Cocteau ne pousse pas plus loin certains traits d’écriture. On commence à peine à se régaler des anachronismes que déjà il n’y en a plus ; on commence à cerner la folie douce d’un personnage, mais déjà il disparaît de la scène. A l’inverse, on se lasse un peu de certains traits de caractères un parfois trop redondants. Mais cette pièce a pour le moins l’intérêt d’avoir réussi à apporter une forme de modernisation, tout en gardant le contexte et le décor antiques, et le mélange des genres est plutôt réussi.

Reste qu’il faut également apprécier le genre : si on aime à aller au théâtre voir un spectacle, pour autant aimera-t-on toujours l’histoire et les échanges une fois ceux-ci mis sur papier ? Les descriptions des scènes et des costumes peuvent quelque peu casser le rythme et rendre laborieuse la lecture. Si cela ne vous donne pas le goût de lire d’autres pièces, cela pourra peut être néanmoins donner l’envie à certains de se rendre au théâtre !
Un premier roman touchant, qui marque par une écriture travaillée, poétique, et très visuelle. Guy Boley utilise la voix d’un enfant pour décrire la vie d’une famille provinciale dans les années 50-60, frappée par la mort de l’un de ses enfants, le tout sur toile de fond de mutation de la société, d’une France qui passe d’une vie rurale de labeur à une vie citadine de consommation. On suit à la fois l’évolution de la famille et celle de l’époque.
La lumière est très présente au début de ce livre. A travers le feu de la forge au début, et l’admiration que l’enfant porte à son père forgeron, ce Vulcain qui dompte le feu. Via l’assurance de Jacky également, employé du père, et première source d’émoi pour l’enfant. Mais aussi à travers la force des femmes. C’est la relation hypnotique entre le fils et le père qui frappe les esprits dans cette première partie.
Cette lumière disparaît tout à coup, avec la mort du petit frère. Le livre prend alors une autre dimension, où la violence frappe comme le fer battu sur la forge. Cette mort déclenche l’éclatement de la famille : la communication est rompue. Le père sombre dans l’alcool, devient violent avec sa femme, et déclenche en réaction la violence de Jacky à son encontre. La mère tombe dans une douce folie sur fond de déni de la disparition de son fils, et la fille aînée quitte la maison. Seule la grand-mère reste stoïque.
Comment l’enfant peut-il alors se construire? Comment trouver sa place à côté d’une mère qui continue à vivre comme si son fils disparu était toujours présent. La relation entre le fils et la mère est très touchante dans cette partie, le fils essayant de protéger une mère anéantie, et cherchant désespérément son regard. Comment se construire parmi des adultes qui se déchirent ?
Alors que la vie de la famille s’est figée, la société change et se tourne vers une société de consommation : une société moins laborieuse mais sans rêves. La forge ferme, et le père devient vendeur de fer forgé et autres articles dérivés. Le narrateur trouvera pourtant son salut dans cette société, tout d’abord en partant étudier loin de sa famille, puis surtout dans l’art et plus particulièrement la peinture : une sorte de retour aux sources, où la lumière et la paix réappariîssent, et où il pourra être lui-même.
Un livre très délicat sur l’amour, la résilience et la relation à autrui, empreint à la fois de force et de douceur, de couleur, et toujours beaucoup d’émotion. La couverture du livre traduit parfaitement cette atmosphère.

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