Dominique Fernandez : Une fleur de jasmin à l'oreille.

L'éternité d'un amour ne se mesure pas à sa durée. Julien et Roman, après six ans de joie, sentent l'harmonie qu'ils vécurent se dissiper entre eux. Un voyage solitaire en Afrique du Nord, décidé brutalement, doit permettre à Roman de faire le point. L'art de vivre que, par hasard, il découvre là-bas peut l'y aider : ainsi la coutume, pour les hommes, de porter à l'oreille une fleur de jasmin. Des rencontres imprévues, plus ou moins agréables, comme celles qu'il va faire avec un petit guide disgracieux puis avec un habile voleur au fait des faiblesses du touriste, vont peu à peu lui permettre d'y voir plus clair. Finalement, c'est le désert, avec sa flamboyante aridité et ses murmures secrets, qui montrera à Roman l'objet de sa quête. Après les héros douloureux de l'Etoile rose, Dominique Fernandez explore la génération d'après 68, ceux qui, enfin, ont gagné leur place dans la société et peuvent vivre, comme tout un chacun, leur lot de peines et de joies. Même si, dans leur enfance, ils ont connu la honte et l'humiliation. le roman de Dominique Fernandez nous évoque le voyage de Roman en Afrique du Nord. Là, ce sont le pays et la date qui ne seront jamais explicitement indiqués. Nous pouvons tout au plus préciser que ce séjour solitaire se déroule après 68. Roman dont le journal est le roman que l'on lit va découvrir un art de vivre et des coutumes qui lui permettent de susciter rêve et réflexion. Tout cela est écrit dans une langue très poétique dans un paysage d’ombre et d’hommes grouillant de viedans les soucks:
ce labyrinthe de ténèbres intacte, aussi insaisissable que les fragrances retenues dans les fioles de « Sadouk-Anoun » ou du « vieillard » « mufti »
. L’espace si limité de l’échoppe de Sadouk-Anoun donne sur une « allée » qui « tourne, puis indéfiniment continue ». Peut-être, n’y a-t-il pas lieu de s’étonner si l’on songe à une mise en abyme. L’étroitesse restrictive du flacon renferme l’évanescent parfum qui s’exhale « indéfiniment », une fois le bouchon ôté. La fiole : symbole magique et symbole de l’enfermement. Magie du parfumeur – « magicien ». Magie surtout aux yeux de Dominique Fernandez. la fiction romanesque se nourrit d’un exotisme plausible et le rêve est vraisemblable. La direction suivie par Roman est inconnue, pleine de mystère, imprévisible. Roman se réfère à un passé mais qui n’a aucun rapport avec l’espace féerique dans lequel on l’a conduit. Cet événement doit être vécu comme une parenthèse, une balade pour ses seuls sens, effaçant pour un temps ses états d’âme. « Roman consentit de bon cœur à cette visite : elle remettait le moment de tromper Julien. » Alouf, guide de Roman et complice du parfumeur – à l’insu du narrateur – semble être conscient de son pouvoir : griser son jeune compagnon dans une orgie olfactive pour l’aider à fuir un passé douloureux et s’attacher au présent. N’est-ce pas plus délicat, plus subtil que de proposer à Julien de noyer vulgairement son malheur dans l’alcool par exemple? Roman est allé là-bàs pour se laisser le temps de comprendre ce qui est arrivé à son couple et ce qu'il veut en faire ensuite.La fin est ouverte comme une nouvelle page qui s'ouvre ou comme un mirage? Un joli roman délicat sur l'amour et le désamour.

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