Mariana Enriquez : Notre part de nuit. 2019. (en Français en 2021).

"Notre part de la nuit" roman argentin de "Mariana Enríquez". 2021. Le dernier roman lu en 2023 pour moi aura été ma meilleur lecture de l'année : un roman qui m'a littéralement époustouflé. Une histoire très dure, pleine de brutalité, absolument dérangeante, mais racontée dans un style qui la rend captivante et qui donne envie de ne pas arrêter de la lire à aucun moment. Je vous parle de publiée. Notre part de nuit raconte l'histoire d'un père, "Juan Peterson", dans sa lutte pour protéger son fils, "Gaspar", de la société secrète ou secte à laquelle il appartient - dans le livre elle s'appelle "L'Ordre" - et dont il est le médium. Cette secte vénère une entité maléfique, qu'elle appelle "les Ténèbres", pour laquelle ses membres, en particulier ceux chargés de sa direction, sont capables de commettre les actes les plus répugnants et macabres que l'on puisse imaginer. L'Ordre a été créé et est dirigé par deux familles d'origine anglaise, même si l'une d'elles vit en Argentine, il s'agit de la famille maternelle de Gaspar. Juan, conscient du mal qui entoure l'Ordre et la famille de son fils, ne veut pas voir Gaspar impliqué de quelque manière que ce soit dans les activités de l'Ordre, et tout au long du livre nous verrons ses efforts pour l'éloigner de tout ce qui l'a marqué. ... d'une manière significative sa propre vie. Alternant les points de vue, les lieux et les époques, leur périple nous conduit de la dictature militaire argentine des années 1980 au Londres psychédélique des années 1970, d'une évocation du sida à David Bowie, de monstres effrayants en sacrifices humains.. Tout au long de l'histoire, nous découvrons les rituels brutaux et les sacrifices humains sanglants qui permettent de maintenir ce lien et les conflits que cela génère entre les personnages, ainsi que l'histoire de l'Ordre et des principales familles associées, les "Bradford" et les "Reyes", qui s'entremêlent avec le contexte politique de l'Argentine et de l'Angleterre entre la fin du 19e siècle et le début du 20. En outre la narration est divisée en six sections de registre narratif différent (chroniques, narrations à la première ou à la troisième personne, etc.) et du point de vue de différents personnages. Chacune de ces sections se déroule dans une période différente comprise entre 1960 à 1997, mais leur ordre ne suit pas la chronologie. En 2019, "Enríquez" a remporté en Espagne le "Premio Herralde" et "le grand prix de l'imaginaire" en France, pour ce "notre part de nuit". Roman dans lequel, Enríquez met en jeu toutes les préoccupations qui sont les siennes et qu'elle a abordé dans l'ensemble de son œuvre : les saints païens, les références aux mondes d'H.P. Lovecraft d'Emily Brontë ou d'Ernesto Sábato, le vampirisme, le sexe entre hommes,(beaucoup de sexe entre hommes) les beauté trouble de Baudelaire ou de Rimbaud, la littérature fantastique et d'horreur, les souterrains, les hommes-démons, l'incarnation du mal à l'état pur... Ce roman aborde le genre de l'horreur, avec une manière de raconter, des thèmes et son propre univers assaisonné de culture populaire latino-américaine qui, d'une certaine manière, l'éloignent de la littérature d'horreur anglo-saxonne, notamment américaine, et l'impriment. caractère propre et absolument distinctif. Les thématiques sont nombreuses : On est bouleversé par la relation père fils: depuis le début du livre et dans ses différents moments chronologiques, nous voyons comment Juan se bat désespérément pour protéger Gaspar de la souffrance qu'il subit déjà lui même et que ce dernier est destiné à hériter, au point où la possibilité de faire disparaître l'enfant devient envisageable. Et puis ce père aimant a des accès de rage incontrôlés envers son fils qu'il blesse parfois très violemment et qui sont dues à l'obligation qu'on lui fait de fréquenter les ténèbres. Ces ténèbres qui apparaissent comme une divinité transcendante et immanente convoqués à travers le corps de Juan lorsqu'il exerce son rôle de médium mais aussi dans la vie de tous les jours ("Enríquez" résume cela avec une épigraphe de "Zora Neale Hurston" : « Les dieux se comportent toujours comme les gens qui les créent.". C'est un des nombreux points forts du roman de mon point de vue : la capacité de l'auteur à nous présenter des événements absolument exécrables mais qu'on arrive à ressentir comme quelque chose de commun dans la vie de ces personnages ,et qu'on arrive même à comprendre – pas à les approuver, bien sûr. Le thème de la mort est aussi omniprésent, par les rituels de l'ordre qui cherche à l'abolir et par le contexte général. Et puis si l'on pense parfois au fantastique de "Stphen king" (avec les pouvoirs paranormaux par exemple) c'est dans le cadre d'une spiritualité différente, celle du réalisme magique Latinoaméricain que les fans de "100 ans de solitude" par exemple connaissent bien : Ici les esprits des morts fréquentent les vivant par des rituels, des talismans. D'autres éléments spirituels apparaissent également à travers l'"Ordre" et son lien avec la magie noire et dans d'autres cultes auxquels participent les personnages, comme celui de "San La Muerte" par exemple qui, selon Wikipédia, "est un saint populaire ou une entité vénérée en Amérique latine" (à ne pas confondre avec "La Santa Muerte"). Mais, sans aucun doute, l'un des ajouts les plus effrayants que fait l'auteur est celui de l'"invunche" qui, également selon Wikipédia, "est un être de la mythologie mapuche avec une apparence vraiment terrifiante.... Frissons garantis Le Pouvoir et argent sont également moteurs de l'intrique non seulement par le moments historique dans lequel l'histoire a lieu, mais aussi au sein de la hiérarchie exercée dans l'"Ordre" et entre celui-ci et le reste des gens qui ignorent son existence mais qui sont indirectement liés par les liens économiques et politiques des familles qui la dirigent avec la complicité des gouvernements au pouvoir. Enfin et c'est peut-être là ce qui m'a le plus étonné et plu tout cela est traversé parle le désir et/ou le sexe. Car pour augmenter la puissance de son pouvoir médiumnique Juan doit pratiquer une sexualité assez animale et généralement homosexuelle ce qui nous vaut quelques scènes très très chaudes. D'ailleurs bon nombre de personnages de cette histoire sont gays. "Notre part de nuit" déborde les conventions du genre pour s'élever à la catégorie d'un roman total, ouvert aux grands enjeux comme ce fut le cas pour le "cent ans de solitude" de "Marquez" ou le "2666" de "Bolagno". Authentique épopée à travers le temps et le monde, où l’Histoire et le fantastique se conjuguent dans une même poésie de l’horreur et du gothique, "Notre part de nuit" est un grand livre, d’une puissance, d’un souffle et d’une originalité renversants. Mariana Enriquez repousse les limites du roman et impose sa voix magistrale, quelque part entre Silvina Ocampo, Cormac McCarthy et Stephen King.

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