Sébastien Monod : Montgomery Clift, l'enfer du décor

Prix du roman gay 2019 (biographie) Sébastien Monod vit en Normandie depuis l'âge de six ans. Il passe un Bac Cinéma et audiovisuel puis un DEUG Langues Étrangères Appliquées. Mais sa passion pour la culture le rattrape vite et il choisit de préparer une licence et une maîtrise Conception et mise en œuvre de projets culturels. Journaliste dans un premier temps, il débute en littérature en 1999, suite à une commande faite par un ami en coécrivant avec un autre auteur « On ira (presque) tous au Paradis » (H&O Éditions, 1999), premier d'une lignée de petits romans inspirés des séries TV américaines comme « Friends », puis participe aux deux tomes suivants de ce qui va devenir une série à succès, « Les Heures Joyeuses » que d’autres auteurs continueront sur une dizaine de tomes à ce jour. Sébastien Monod a gouté à l’écriture et il ne va plus la quitter puisqu’il a publié depuis une quinzaine de romans. Il cite volontiers « Rue des Deux Anges » (édition Publibook, 2005) comme son premier roman personnel, celui qui va lui servir de carte de visite. Toujours chez Publibook, son « Anna t’aime », rencontre un joli succès et termine dans les dix premiers au concours « Reflets de femmes » sponsorisé par Chérie FM en 2008. Sa rencontre avec Pédro Torres, des Éditions Textes Gais, qui devient un ami, finit de lui mettre le pied à l’étrier dès la première partie de son « Sitcom » en 2009. Mais ce n’est pas pour rien qu’il a étudié le cinéma vers lequel il revient dès 2011 avec « Avant que la vie ne nous sépare » (Éditions Textes Gais), où il raconte un tournage mouvementé à Cinecittà en juin 1940, juste avant l’entrée en guerre de l’Italie auprès de l’Allemagne. Vient ensuite en 2017 la réédition de sa minisérie à succès, « Sitcom » sous forme d’intégrale (aux deux volumes déjà édités se rajoute une troisième partie). La société de production Fechner Films, l’ayant aimé, lance un projet d’adaptation en série télé qui ne se fera finalement pas (et c’est bien dommage car la distribution promettait d’’être excellente…). Par ailleurs Sébastien Monod ma évoqué avec émotion le plaisir qu’il avait eu à travailler avec Sven de Rennes qui avait été chargé d’en illustrer les couvertures. Son essai « Montgomery Clift, L’Enfer du décor » (Éditions LettMotif) en 2017 confirme son retour aux thématiques cinématographiques. Le livre obtient le prix de la Biographie 2019 dans le cadre du Prix du roman gay organisé par les Éditions du Frigo en novembre 2019, (qui lui ont aussi décerné un prix pour l’ensemble de son œuvre en 2015). À travers la filmographie de Montgomery Clift, Sébastien Monod nous retrace la vie très tourmentée de l’une des plus grandes stars du cinéma américain des années 50 qu’il serait injuste d’oublier. « Montgomery Clift a été une star immense entre la fin des années quarante et le milieu des années soixante. Mais il ne fut pas une étoile comme une autre. Il a traversé le ciel hollywoodien telle une comète : un peu plus de 13 années passées sur les planches, 20 sur les plateaux de cinéma, soit 17 films et une mort prématurée à 45 ans. Comme James Dean, il a été victime d’un accident de voiture. À la différence du rebelle sans cause qui l’admirait, celui que tout le monde appelait Monty a survécu. Rebelle, il l’a été à sa manière. Moins tonitruante que celle de son cadet. Il a été le premier à imposer ses conditions aux tout-puissants studios, se payant le luxe de réécrire ses dialogues. Aujourd’hui, le grand public se souvient davantage de Marlon Brando. Il était le concurrent numéro un de Monty. Dans les couloirs des rédactions, il se disait que si l’un n’obtenait pas un rôle, c’était l’autre qui l’aurait. Au-delà de cette rivalité, il y avait un grand respect mutuel. Elle révélait aussi l’envie d’approcher la perfection. Toute sa vie, Montgomery Clift n’a eu de cesse de donner le meilleur de lui-même, allant chercher profondément en lui, dans sa propre existence, les matériaux utiles à son art » Sébastien Monod a eu pour l’acteur un véritable coup de foudre après avoir vu un documentaire sur lui en 1990. Fasciné par le magnétisme et l’aura de mystère dégagé par le comédien, il se prend d’une véritable passion : il cherche à voir tous ses films (ce qui avant internet était une gageure), lit les biographies existantes, collectionne les articles des revues…Toute cette longue maturation qui se poursuit ensuite sur le net, finit par lui donner l’envie, comme une évidence, d’écrire son « Montgomery Clift ». Il se lance et va passer 6 années à peaufiner l’ouvrage. Ce qui rend pour lui, si passionnant le personnage de Clift c’est à quel point sa vie ne fait qu’un avec les films qu’il a choisi de tourner : Clift, homosexuel, était bien évidemment obligé de cacher son orientation au public, ce qui le rendait malheureux, mais il parviendra, par le choix des films qu’il accepte (et celui de ceux qu’il refuse), à la lecture de leur scénario et par la façon de jouer ses rôles, à faire passer son message. Le livre de Sébastien Monod, qui n’est en fait pas une biographie, nous propose justement de découvrir, film après film et, de manière chronologique comment l’acteur a choisi ses personnages en fonction du message qu’il savait pouvoir leur faire porter. Et ce dès son premier film, « La Rivière rouge de Howard Hawks en 1948 ou il incarne face au virilement monolithique John Wayne la fraîcheur de la jeunesse qui refuse de se laisser écraser, ce qui nous vaut l’un des plus célèbres et amusants pieds de nez au code Hays avec la célèbre scène de comparaison des pistolets. Puis, pour n’en citer que quelques autres, « La Ville écartelée » (Georges Seaton, 1950) et «Tant qu’il y aura des hommes » (Fred Zinnemann, 1953) où Clift affronte la cruauté de l’armée et utilise l’incroyable précision de sa gestuelle pour montrer ce qui ne peut être pas dit (sa façon de tenir un balai ou de jouer du clairon…) ou « La Loi du silence » (Alfred Hitchcock,1953) ou il interprète un prêtre qui, ayant entendu un assassin en confession, ne peut se défendre lorsqu’il est lui-même accusé de ce meurtre. Le prêtre ne peut pas « dire sa vérité » comme Clift ne pouvait pas dire la sienne ! Ou encore « The Misfits » (John Huston, 1961) et sa rencontre avec une autre star qui sera, elle aussi broyé par le système, Marylin Monroe. Sébastien Monod nous donne aussi des clés pour comprendre l’homme. Par exemple, en évoquant dès le début, la mère de Montgomery Clift dont l'éducation de ses enfants visait à revendiquer une accession à une classe sociale privilégiée dont elle s'est sentie violemment exclue. Ou encore en parlant du théâtre où Clift trouva l’expression personnelle qui lui permit dans les premiers temps, à plusieurs reprises, de décliner les propositions hollywoodiennes visant à faire de lui un objet des studios ou de sa relation avec l’actrice "Mira Rostova", sorte de coach attitrée sur le plan professionnel et quasi fusionnelle au point de nuire aux tournages, sa présence faisant parfois de l’ombre au réalisateur et les partenaires féminines de Montgomery se plaignant de passer au second plan. Sans oublier ses amours bien sûr : Sa première rencontre amoureuse a lieu à 18 ans et pour ce garçon cultivé et secret, mais n’aimant pas le mensonge, il est vite évident que son homosexualité va être son handicap. Pour chaque film, il nous livre ainsi une mine d’informations sur les circonstances des tournages qui ont été d'autant plus difficiles que l'acteur a dû se confronter à sa dépendance à l'alcool et aux drogues tandis qu'il a pu compter sur le soutien et la patience de quelques personnes fidèles à l'instar d'Elizabeth Taylor qui fut pour lui une incomparable sœur. La lecture de ce livre nous montre un Montgomery Clift impliqué et ambivalent, une force de caractère prêt à se battre pour se transcender ; un homme en mouvement qui refuse de rester figé (même après l’accident qui figea véritablement la moitié de son visage), un homme toujours en marche. Mais qui en fin de compte ne triomphera pas de ces démons et son comportement autodestructeur le mènera à sa fin tragique. Voilà donc un livre somme, colossal travail de recherche et de synthèse avec à la fin une bibliographie imposante et de nombreuses notes de bas de page qui pourtant ne lassent jamais. En annexes, l’auteur va même jusqu’à nous proposer un panorama très complet de la « descendance » de Clift qui a influencé aussi bien des musiciens (REM, les Clash) que des auteurs de BD ou des écrivains. À chaque page on sent la passion de Sébastien Monod pour son sujet, et ce livre plaira aussi bien aux fans de l’acteur qu’à ceux qui voudraient se familiariser avec une des étoiles filantes les plus attachantes de l’histoire du cinéma hollywoodien… Sébastien Monod, me précise, pendant notre entretien, que c’est le livre dont il est le plus fier. #henrimesquida #cinemaetlitteraturegay

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