Dominique Lelouche : L'Homme de désir.. 1969.
Prix Max-Ophüls au Festival de Cannes 1969 (Le prix Max-Ophüls a récompensé un réalisateur dans le cadre du festival de Cannes, dans les années 1960-1970).
Un film audacieux pûr l’époque, qui aborde de front le thème de l'homosexualité tout en le transcendant dans une perspective chrétienne. Une épure en noir et blanc qui lorgne vers l'univers esthétique de Robert Bresson.
Sur la route de Paris, Etienne, un écrivain humaniste, prend à bord de sa voiture un auto-stoppeur, Rudy, un jeune homme à la dérive qui fait partie d’une bande de mauvais garçons. Rapidement attiré par Rudy, Etienne aimerait bien l’aider à se sortir de son milieu. Pour cela, il l’invite dans sa maison de campagne où son épouse l’accueille avec beaucoup de gentillesse. Mais Rudy ne supporte pas longtemps la paix de ce foyer et s’enfuit. C’est dans un commissariat qu’Etienne retrouve le jeune délinquant. Il le fait libérer, assurant qu’il se porte garant de sa bonne conduite, et le ramène à nouveau chez lui...
Plus il voit l'anarchie de la vie de l'arnaqueur, plus il se laisse aller. Cependant, tout dans le film veut que vous croyiez aux tentatives d'Etienne (le citadin) de ne pas voir la situation de cette façon, mais plutôt de partager et de percevoir les idées d'Etienne sur l'amour spirituel et la rédemption de la souffrance. Dans les délires d'Etienne, il est un héros chrétien apportant le salut et la paix en suivant la pureté de sa propension naturelle à aimer. Mais d'un point de vue freudien, Étienne est un bi/homosexuel latent dans un état de déni contradictoire et de crise personnelle caractérisée par l'autodestruction.
Le film de Dominique Delouche est trop complexe pour se figer dans les clichés, la facilité de l’exhibition, même si la tentation de l’imagerie homo-érotique de la petite frappe présente tout au long du film, est une étape manifeste dans la construction d’un cinéma homosexuel alors à ses balbutiements.
Mais le film est aussi d’une époque « pré-queer » : Tout ce qui est gay est inavouable et cette convention cinématographique d'omettre toute référence met en place des dispositifs typiques qui sont laissés à l'abandon pour véhiculer toute notion de thèmes queer « gay » présents. Des dispositifs comme le brouillage des définitions, la création d'ambiguïtés, la confusion des idées religieuses avec des inférences sociales et même ironiquement, la nécessité d'affirmer un « regard gay » pour négocier l'existence de tous ces dispositifs. Le plus classique de ces procédés est peut-être la disparition prématurée du personnage qui incarne les émotions taboues. Malheureusement, ce film présente ce cliché. L'utilisation de telles techniques cinématographiques pour miner le sujet auquel il fait référence, à savoir la sexualité, n'a rien de nouveau, mais l'affirmation ouverte de l'amour entre personnes du même sexe dépeint à un degré aussi obsessionnel semble nerveuse et reste passionnante.
De nos jours Le film fonctionnera mieux, je pense si son public est amené à un état d'énigme intellectuelle. Cependant, s'éloigner de cette position confortable et essayer de fournir des réponses aux questions concernant les actions des personnages semble être une tâche résolument étrange (Quer !). Au cœur de la question de l'amour dépeint dans le film, il faut se demander quel langage décrit le mieux ce qui s'est passé et qui ces personnes ont été l'une pour l'autre ? Ce vide de langage est tout aussi pertinent aujourd'hui pour dénouer les contraintes et parvenir à un processus de connaissance qu'il l'a toujours été.
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