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Un soir d'automne. Maria est retrouvée pendue dans son chalet d'été sur les bords du lac de Thingvellir. Après autopsie, la police conclut à un suicide. Quelques jours plus tard, Erlendur reçoit la visite d'une amie de cette femme qui lui affirme que ce n'était pas "le genre" de Maria de se suicider et qui lui remet une cassette contenant l'enregistrement d'une séance chez un médium que Maria était allée consulter pour entrer en contact dans l'au-delà avec sa mère. Celle-ci lui avait promis de lui envoyer un signe. Au pays du fantastique et des fantômes, aussi dubitatif que réticent, le commissaire Erlendur, troublé par l'audition de la cassette, se sent obligé de reprendre l'enquête à l'insu de tous. II découvre que l'époux de Maria n'est pas aussi fiable qu'il en a l'air et ses investigations sur l'enfance de la suicidée, ses relations avec une mère étouffante vont le mener sur des voies inattendues semées de secrets et de douleur. Obsédé par le deuil et la disparition, harcelé par les frustrations de ses enfants, sceptique devant les croyances islandaises, bourru au cœur tendre, le commissaire Erlendur poursuit sa recherche sur lui-même et rafle tous les suffrages des lecteurs.
Le précédent roman traduit d'Arnaldur Indridason, Hiver Articque, avait marqué quelques points dans ce qu'on pouvait considérer comme le sommet de la vague du polar nordique amorcée par Millénium et quelques autres. Alors que la vague se fait plus discrète mais plus tenace que jamais, le nouveau roman de ce journaliste de 49 ans nous permet de revenir à un jugement moins passionné : Indridason fait correctement son boulot, son Hypothermie est sérieux mais ne casse pas deux pattes à un canard congelé.
Navarro, es-tu là ?
On n'est pas mécontent néanmoins, lorsqu'on démarre le roman, de se replonger (façon de parler) dans la vie du policier Erlendur. Indridason tient avec ce type un brin nonchalant et taiseux un vrai caractère de polar et une sorte de héros récurrent au poil. L'homme est discret, désabusé comme il se doit, entouré d'une famille décalée et perturbante (sa fille est une junky en rédemption, son ex-femme ne lui parle plus depuis 300 ans) qu'il s'est évertué, on le présume, à faire exploser les vingt années qui ont précédé. La figure d'Erlendur, le gars qui déniche des cold cases et y consacre ses nuits et ses jours, le flic qui entretient des relations de compassion avec des parents de victimes à la mort, celui qui œuvre en free-lance et se fie à l'instinct, est une valeur sûre des romans policiers.

Pas dupe, Indridason fait de son héros et de la révélation de ses secrets familiaux, l'un des thèmes majeurs du roman, au point que cette pseudo sitcom tragique en éclipse parfois l'intrigue policière à proprement parler. De là à dire qu'Erlendur est plus intéressant que ses enquêtes, il y a un pas qu'on ne franchira pas ce coup-ci, mais on ne regrette pas qu'il occupe le terrain. On connaît cela depuis longtemps avec Navarro. La vie de Roger Hanin a depuis longtemps pris le pas sur les activités de ses mulets qui sont emmerdantes à pleurer. Ah bon, Navarro n'existe plus ?

Petites canailles
Côté intrigue, donc, ça rame un peu à l'islandaise sur la première centaine de pages. On retrouve une femme d'une cinquantaine d'années pendue dans son chalet sur les bords d'un lac. Sa meilleure amie, une dénommée Karen, demande à Erlendur de mener son enquête car elle ne croit pas à la thèse du suicide. J'y vais, j'y vais pas. Il n'y a vraiment rien de mieux à se mettre sous la dent ? Il faut croire que non. Et c'est parti. Tout le monde en selle. Erlendur récupère une cassette que la suicidée présumée, Maria, a enregistré chez un mystérieux médium peu avant sa disparition et remonte la rivière familiale en bon saumon policier. Maria a un mari qui fricote avec une ancienne petite amie. Il découvre que la suicidée avait été sérieusement perturbée par la mort de sa propre mère et avait fait promettre à celle-ci de lui adresser, lorsqu'elle quitterait ce monde, un signe de l'au-delà. Si l'on ajoute que la maman disparue avait un max de pognon dans sa besace. Suivez mon regard. Je n'ai rien dit. Indridason nous amène dès lors dans d'autres territoires où les fantômes lisent du Proust et où les maris ne sont pas aussi gentils qu'on croit (ce qu'on savait déjà).

L'enquête n'est pas follement originale mais Indridason s'en tire bien et, en 300 pages, a le mérite de ne pas allonger la sauce exagérément. Hypothermie est truffé d'excellentes idées, comme celle des ados transis perdus autour du lac (le grand moment romantique et authentiquement émouvant de l'affaire), ou encore les travaux pratiques qui donnent leur titre au roman (et qu'on retrouve, coïncidence, en beaucoup plus sportif dans le Métacortex de Dantec). On passe des Near Death Experiences à une entourloupe d'escrocs pure et simple. Cela donne un cocktail plutôt savoureux à déguster, avec peut-être un peu trop de sucre sur les bords du verre.
Le rythme est un peu lent. Erlendur n'est pas un rapide mais c'est comme ça qu'on aime notre polar nordique. Comme dans Derrick, il faut savoir apprécier au ralenti la balade au bord du lac, le climat qui craint et qui colore la carte postale. Pour le reste, Hypothermie mérite son titre cafardeux : c'est un roman à la violence éteinte et qui est à désespérer de la nature humaine. On pourra dire que c'est là l'essence de toute la littérature policière ou considérer qu'on aurait bien pris la même ration de saloperie avec quelques degrés en plus, du sexe et de la rage à l'américaine. On n'obtiendra pas plus.



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