La vie sexuelle des super-héros de Marco Mancasolla

























À New York, au début du vingt et unième siècle, les super-héros sont fatigués : Superman, Batman et les autres ont raccroché les gants, ils sont devenus des hommes et des femmes d'affaires à succès, des vedettes des médias et du spectacle, et ont tous renoncé à leurs super-pouvoirs. Dès lors, qui peut bien vouloir les éliminer un par un? Car après Robin, l'assistant et ancien amant de Batman, un mystérieux groupe de tueurs menace d'autres cibles. Comme ce dernier, Mister Fantastic et Mystique reçoivent eux aussi d'étranges messages d'adieu, et il semble bien que ce soit dans leur vie privée et leurs comportements sexuels qu'on veuille les frapper. Le détective Dennis De Villa mène l'enquête, tandis que son frère Bruce, journaliste, couvre les événements. Mais ne faut-il chercher ailleurs, quelque part dans leur enfance commune, ce qui les relie à ces super-héros si fragiles?
Vaste fresque post-11 septembre, le roman de Marco Mancassola est le récit de la fin d'un monde, celui des super-héros, et de celle d'une civilisation, incarnée pendant des décennies par les États-Unis. Une civilisation qui est aussi la nôtre.
C’est le bouquin dont tout le monde parle en ce moment (on a vu un article dans Marianne la semaine dernière), La Vie Sexuelle des Super-Héros de Marco Mancasolla est sur toutes les lèvres.
Vaste fresque post-11 Septembre, le roman de Marco Mancassola est le récit mélancolique et crépusculaire de la fin d’un monde, celui des super-héros, et de celle d’une civilisation, incarnée pendant des décennies par les Etats-Unis. Une civilisation qui est aussi la nôtre.


Un avis de lecteur qui rejoint le mien:
Il ne faut pas manquer ce livre. S'il n'est pas d'un très grand niveau littéraire, il est en revanche d'une verve romanesque comme on en lit rarement. Chaque chapitre, consacré à un de ces héros, se lit presque d'une traite, et on y avance le coeur serré, ou au bord des lèvres, en n'osant pas anticiper, et pourtant si... Il est parfois incroyablement trash, mais avec une quasi élégance... Ce livre parodique est également un livre d'une grande tristesse, d'une grande noirceur. Il parle de la fin d'un siècle, de la fin d'une histoire du monde qui prit naissance dans les années 50. Certains ont utilisé la métaphore du 11 septembre pour l'illustrer. Mancassola a enterré les héros de Marvel, qui ont fait rêvé tant d'adolescents. Il n'y a plus de super héros, tués par ce qu'ils ont aimé. Il n'y a plus de sauveurs du monde, New-York est propre, le monde n'est plus divisé en deux... Superman, Batman, Mystic et tous les autres n'ont plus qu'à mourir. Comme ils ont vécu, en pire. Lisez-le absolument, consacrez-lui vos nuits blanches.
[FRENCH] Gallimard publie ce mois ci la traduction d’un roman italien : «La vita erotica dei superuomini » (on notera le passage signifiant d’érotique à sexuelle pour la VF) de Marco Mancassola. Ce roman est une forme de « What if ?», coutumière dans l’univers des super-héros qui se déroule dans une Amérique contemporaine mais très différente de celle que nous connaissons que ce soit dans nos vies ou dans nos comics préférés. Dans cette Amérique, les super-héros existent, certes, mais ils ne sont pas tout à fait ceux que nous connaissons, leurs exploits ont été amplifiés par la légende, la presse et les comics, leur puissance n’est pas si incommensurable, et surtout, ils vieillissent au rythme des humains, tombent malades, et ont une vie intime qui n’occupe pas que des espaces virtuels entre les pages des BD.
Donc, selon ce postulat, en 2011, au début du roman, nos idoles sont devenues de plus ou moins sémillants sexagénaires voire octogénaire pour le plus ancien d’entre eux, l’emblématique Superman. Comme si cette dégradation temporelle ne suffisait pas, un groupe terroriste très organisé semble avoir décidé de les éliminer en les prévenant à l’avance par un message énigmatique (« Adieu cher monsieur Batman », « Adieu chez monsieur Fantastic »). Cette mécanique de thriller est toute fois très secondaire dans le roman qui s’attelle plutôt à nous faire partager les sentiments et les remises en question de ces sexagénaires à qui la vie semble vouloir lancer un dernier appel. Le premier dont nous suivons les pas est Red Richards, assez bien incarné, en scientifique honoré, divorcé et complètement dépressif qui se voit reverdir en tombant fou amoureux d’une jeune apprentie astronaute dont le dos est constellé de tâches de rousseur. Il faut avouer que ça fonctionne, la transposition de Mister Fantastic en personnage de roman se passe sans arracher de cris de douleur, sans trahison manifeste. Le Red dépressif est un peu pénible à suivre sur les 80 premières pages de son introspection pleine de doutes, mais quand l’intrigue se met en place, les rencontres avec Ben Grimm et son vieux rival Namor sont savoureuses et ne trahissent pas l’idée que nous nous faisons de nos héros (même si on est dans un « what if ?» où ils sont donc différents de l’image qui nous est parvenue d’eux…).
Le personnage qui apparait ensuite et dont nous vivons la dernière journée (ce n’est pas un spoiler, c’est annoncé dés le début du roman) est Batman. Là, il faut bien dire qu’on ne retrouve pas le chevalier noir de DC Comics, on est bien plus proche d’un Midnighter à la dérive que de Bruce Wayne. Le personnage n’a pas un soupçon de la soif de justice et de la rigueur qui habite le vrai Batman. C’est un jouisseur, prétentieux aux pratiques sexuelles extrêmes qui pourrait être un personnage de Brett Easton Ellis, jusque dans sa mort, passage insoutenable, qui aurait pu, elle aussi figurer dans l’œuvre de ce dernier. La troisième, Mystique, est quant à elle, assez crédible en animatrice de show télé un peu nostalgique de ses années de militantisme pro mutants mais inhibée et traumatisée par son séjour en prison. Les scènes d’auto-érotisme qui lui sont consacrées sont assez bluffantes et son cheminement, quoi qu’un peu long à se dessiner, est logique et attachant. Mais le plus touchant est sans doute le dernier, et le premier d’entre tous, Superman, qui apparait à la toute fin dans une scène émouvante ou le vieil héros sauve encore une vie en ayant pourtant l’air de ne plus avoir toute sa tête (et plus aucun pouvoir), avec une grâce et une délicatesse digne de son incarnation par Grant Morrisson.
Le livre se complait moins dans des détails scabreux que dans une méticuleuse description de la fin d’un monde, celui des super-héros, celui de l’Amérique triomphante et gendarme du monde. Le déclin de ses héros, jouisseurs, égoïstes et narcissiques correspond à une société dont le seul but semble être de consommer chaque jour un peu davantage au risque de voir le monde chuter, de ne se soucier que de la satisfaction de ses désirs alors que sa vie même est en jeu. Les surhommes de Marco Mancassola sont évidemment des métaphores, le livre est plus proche d’un conte philosophique que d’une accumulation fastidieuse de super galipettes et c’est en cela qu’il convainc. L’intrigue de thriller est assez secondaire et on en voit venir l’issue assez rapidement, le roman à quelques longueurs dans les introspections de Mystique et de Red Richards mais au final il remporte l’adhésion, peut être surtout par la grâce de ses personnages originaux, les deux frères au passé trouble et douloureux dont le destin se retrouve lié aux super-héros.
Au final, malgré son titre, il est plus question de la fin d’un monde que de sexe. Et nos héros préférés sont utilisés comme symboles par un amoureux de leurs prouesses qui doit, lui-même, regretter leur déclin. On ne peut pas dire que le livre se soucie excessivement du respect des histoires Marvel ou DC de nos héros, pour autant il ne les utilise pas en vain ou de manière graveleuse. Le livre est assez sombre et mélancolique et la pureté de ses intentions fait pardonner les violences qui sont faites aux héros de comics, après tout the Boyz ou The Authority en avaient déjà fait autant (voire pire). De plus sa fin, en clin d’œil à l’origine des FF est un message d’espoir, ou d’éternel recommencement…

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