Attica locke : Marée Noire





le début:
Un avocat qui se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment, va voir son passé ressurgir après avoir sauvé une jeune femme.
Les séjours romantiques sur l'eau ne ressemblent pas toujours à un épisode de La croisière s'amuse. Jay Porter ne s'en rendait pas compte lorsqu'il offrit à sa femme - enceinte de huit mois - une petite balade sur le bayou, à bord d'une vieille embarcation bringuebalante, en guise de cadeau d'anniversaire. On connaît certes expédition plus "glamour", mais ce jeune avocat noir de Houston n'a pas forcément les moyens - restons dans les comparaisons télévisuelles - des amis de Perry Mason. Dans son bureau situé dans un centre commercial, Jay Porter est en effet contraint de se contenter des clients guère solvables, et des affaires peu reluisantes. Il faut dire que, dans l'Amérique des années 1980, les cas les plus lucratifs filent plutôt vers les ténors blancs du barreau. Alors qu'il s'attendait à quelques instants de douceur avec son épouse sur le bateau, Jay entend soudain des coups de feu et un corps tomber dans l'eau. Il plonge et sauve une femme (blanche) de la noyade. Cet acte de bravoure ne lui portera pas chance, et va faire remonter à la surface un passé que le juriste miséreux aurait préféré oublier : un père lynché jusqu'à la mort, un engagement pour la défense des droits civiques qui lui valut de connaître les geôles, sans oublier une peur panique de la police. Au même moment, le Texas est secoué par une importante crise sociale, avec une grève des ouvriers et des dockers, dont les intérêts sont menacés par les desseins des politiques et des magnats du pétrole...
une bonne critique:
Inspiré pour partie par une histoire vraie, Marée noire - premier roman de l'Américaine Attica Locke - révèle une romancière surdouée, qui n'a pas peur des sujets ambitieux (quitte à parfois en faire trop). A partir d'une intrigue à la John Grisham (mais celui des bons jours), c'est toute une époque de tensions et d'inégalités sociales (les choses ont-elles vraiment changé ?) qui est décrite avec une évidente maestria, et l'ombre du Dennis Lehane d'Un pays à l'aube n'est pas loin. Si Marée noire revendique son statut de roman politique engagé, l'histoire n'est toutefois jamais gangrenée par quelque discours idéologique. On saluera aussi l'aisance avec laquelle Attica Locke rythme son récit et multiplie les personnages sans perdre le lecteur - son activité de scénariste pour le cinéma et la télévision n'y est peut-être pas pour rien. Alors, à quand une adaptation pour une série
.
une lecture:
Malgré son costard en synthétique, sa secrétaire calamiteuse, sa femme enceinte et ses crédits, Jay Porter aurait tout pour faire un bon, un excellent avocat. Réussir…

En 1981, être noir, dans la ville de Houston, Texas, c’est certes un handicap de taille, mais Jay aurait la carrure pour résister s’il n’y avait sa paranoïa envahissante, paralysante. Son incapacité à entrer dans un commissariat sans suer des mains, sa trouille viscérale des flics, son examen systématique de ses téléphones, et surtout, les armes qu’il cache partout chez lui. Fils posthume d’un noir lynché pour un mauvais regard, époux de la fille d’un pasteur, activiste dans la mouvance des blacks panthers, … son passé nous est dévoilé petit à petit.

Il a appartenu aux groupes de ceux qui furent prêts à tout pour obtenir, enfin, à la population pauvre, ouvrière, majoritairement noire, les droits essentiels. Si on comprend rapidement sa trouille des flics, on constate aussi qu’elle est bien mauvaise conseillère. Le jour où il sauve une blanche de la noyade nocturne dans le bayou (berrrrkkk !) il adopte de mauvais réflexes… Se planquer, ne rien dire, et finir embringué dans une affaire où les méchants ont la bonne couleur : blancs aux poches pleines de billets verts venus de l’or noir qui pollue tout… Jay Porter voit de plus sa situation aggravée par les attentes de sa communauté qui voudrait en faire le défenseur d’ouvriers matraqués par des anti-grévistes.

Dans un contexte de tension liée à la proximité de la grève des dockers, quand la maire de Houston repeigne hâtivement son brushing pour les caméras, et se rappelle soudain qu’elle a bien, bien connu Jay Porter, pour son malheur à lui… au temps de leurs luttes communes pour les droits civiques, le jeune avocat va courir pour sauver sa peau, sans pouvoir renoncer à comprendre.

Avec un grand talent, Attica Locke installe des personnages sensibles, ambigus ce qu’il faut, échangeant des dialogues parfois elliptiques qui construisent le suspens, décrivant la chaleur et la sueur des hommes dans les réunions politiques, et surtout, surtout…racontant le racisme ordinaire. En 1981, à Houston la très grande majorité des ouvriers est noire. Noirs aussi les pauvres, les analphabètes, les malades et les miséreux. Les industriels, les responsables politiques ou administratifs, les décideurs… sont blancs.

La fresque historique est assez large, couvrant les combats des années soixante-dix jusqu’à ceux des années quatre-vingt. Elle est intelligemment mise en valeur en même temps qu’humanisée au travers du destin de Jay Porter et de sa communauté.Un beau livre, fort, qui se termine par le constat tristement répétitif de la folie des hommes et de leur âpreté au gain, de ce qu’elle fait des esprits faibles.

Attica Locke nous conte, après le roman, comment un incident de son enfance l’a invinciblement conduite à écrire ce texte, trente ans plus tard. On n’échappe pas à son destin… ou plutôt : vos origines et votre passé ne vous lâchent jamais.Un premier roman qui mérite d’être remarqué. Il l’a été lorsque Attica Locke, invitée par les organisateurs du festival de Lyon des 27 et 28 mars derniers, a rencontré ses lecteurs français passionnés.

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