Michel SERRES : Nouvelles du monde





Les mots s'égrènent, se calent et prennent leur place. Des mots simples, mais choisis comme on compose un bouquet, et qui, une fois rassemblés, révèlent un regard original sur tout ce qui nous entoure. Au fil de ces courts récits, l'auteur nous entraîne dans la magie de son univers. Jamais, par la suite, nous ne verrons de la même façon cette longue maison liquide qu'est le fleuve, ni ne pourrons fouler avec indifférence une grève océane. Loin du monde " où les gens d'importance ne s'occupent que de dossiers ", nous découvrons une nouvelle nature et des gestes simples et beaux. Mais ces Nouvelles du monde parlent aussi des hommes : farouches casseurs de pierres qui, sous l'effort, " s'ouvrent comme des livres ", mariniers qui domptent le cheval rebelle en le défiant de la voix et des yeux... Ainsi, croyant décrire un paysage, le conteur dit l'univers et, à donner des nouvelles d'un tel, il en dit de tout le monde.

Ces nouvelles de Michel Serres sont superbes. J'ai toujours aimé le personnage,j'aime l'écouter parler à la radio ou le voir à la télé ,mais quand je le lis ces essais je ne comprends pas. Ici avec ces nouvelles ,il s'adonne au bonheur d'une écriture limpide et d'une grande beauté presque poétique sur les interactions entre les forces de la nature et celles de l'homme. Livre vraiment interessant par la construction , la variété des themes et l'oiginalité des récits. Pas sur que la meilleure maniere de le lire soit de le parcourir d'un jet! car l'ecriture est parfois ardue et les histoires tellement courtes que cela demande une grande concetration et une capacité de lecteur à "remettre le cerveau à O. J'ai quand meme decouvert dansMichel Serres un bien bel écrivain!

Extrait :

Sur le Pont-de-Pierre, les cochers arrêtent les carrioles, pour assister au dénouement. - Ah ! Pompon, tu mords, ah ! tu veux me mordre, vieux bandit. Le marinier crie et tire sur la bride pour abaisser le museau et l'encolure de la bête fière qui se lève sur les jambes arrière, verticale, et agite follement les sabots avant, comme pour casser la tête de cet homme qui, aussi orgueilleux que l'animal, le défie des mains, de la voix et des yeux. - Ah ! tu mords, et tu crois, pauvre couillon, que moi, je ne sais pas mordre comme toi... Que fait-il, mon Dieu...

Denis tremble de la bataille, comme tous les spectateurs. - Ah ! tu mords et tu crois, imbécile, que c'est toi, le patron. Denis Montignac en sourit, maintenant ; il a vu partout le combat des chefs se jouer, parmi les bêtes sociales ; la dominance des mâles fait couler le sang. - Tu te trompes, Pompon, tu te trompes beaucoup... Ici, le patron, ce n'est pas toi, c'est moi ! Les lavandières frémissent. Dans ces nouvelles, les paysages jouent un rôle aussi central que les contes et les personnes, parce que chaque récit naît de la vie commune de femmes et d'hommes avec un pays qui les émerveille, et qu'en retour ils enchantent. Ainsi, croyant décrire un paysage, le conteur dit l'univers et, à donner des nouvelles d'un tel, il en dit de tout le monde.

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