ton visage demain,danse et rêve javier Marias






Authentique chef d'oeuvre comme le premier volume, . un très haut niveau littéraire une utilisation de la langue( là j'apprécie vraiment d'être bilingue) extraordinaire.

Un des meilleurs écrivains contemporains.

" Si seulement personne ne venait nous dire "S'il te plaît" ou "Dis-moi", ce sont les premiers mots qui précèdent les demandes, presque toutes les demandes : "Dis-moi, est-ce que tu sais ?", "Dis-moi, pourrais-tu me dire ?", "Dis-moi, as-tu ?", "Dis-moi, je voudrais te demander : une recommandation, un renseignement, un avis, un coup de main, de l'argent, une intercession, ou une consolation, une grâce, de me garder ce secret ou de changer pour moi et d'être quelqu'un d'autre, ou de trahir pour moi et de mentir et de te taire et ainsi me sauver.""
Par ces mots débute Danse et rêve, le deuxième et avant-dernier volume de la trilogie Ton visage demain, l'une des œuvres maîtresses de Javier Marias. Nous y renouons le fil de l'histoire qui, par une nuit de pluie, avait conduit un mystérieux visiteur jusqu'à l'appartement du protagoniste à Londres. Rappelons que ce dernier, Jaime Deza, est doué du pouvoir de deviner à quoi ressemblera demain le visage des gens qu'on rencontre aujourd'hui. C'est grâce à ce don qu'il a été embauché par l'étrange Mr Tupra, chef d'un inquiétant groupe sans nom, espèce d'excroissance souterraine du MI5 ou du MI6, les Services secrets britanniques.
Et voilà que nous les découvrons tous deux au cœur de la nuit londonienne, dans une discothèque à la mode où Mr Tupra essaie de gagner la confiance d'un certain Manoia alors que Jaime s'occupe de surveiller - et d'amuser- la femme de celui-ci. Mais le drame -on le dit - ne tient parfois qu’à une seconde de distraction. Lorsqu'elle disparaîtra soudain dans les bras du jeune attaché culturel espagnol, De la Garza, Jaime sera bien obligé d'aller la chercher partout, et même là où un espion un peu novice de Sa Majesté ne devrait jamais entrer...
Comme dans le premier volume, cette intrigue sert de support à une longue méditation sur la nature humaine, en particulier lorsque l'homme est confronté à la violence et à la peur. Avec sa prose ensorcelante, Javier Marias nous invite aussi à faire ce voyage intérieur mais sans oublier la trame de l'histoire qui nous est racontée. Et c'est encore sur un suspense très habilement ménagé que se clôt cette deuxième partie. Et la troisième s'annonce déjà...




Qui est réellement Sir Peter Wheeler ? Ce sympathique professeur retraité d'Oxford, spécialiste de la guerre d'Espagne, que le narrateur et protagoniste de cette histoire a tant de plaisir à fréquenter ? Ou plutôt un homme hanté par d'obscurs souvenirs et qui garde peut-être un secret inavouable ? Il arrive que l'on découvre soudain que ceux qu'on aime et qu'on croyait connaître cachent, en réalité, bien des mystères. Jaime ou Jacobo ou Jacques Deza, l'ancien lecteur espagnol du Roman d'Oxford, retourne en Angleterre après plusieurs années d'absence et retrouve le vieux professeur Wheeler lors d'une soirée mondaine - les high tables des universitaires britanniques. Il discerne peu à peu dans le passé de son collègue des zones d'ombre qui éveillent sa curiosité et qu'il va s'employer à éclairer. Mais c'est toute sa vie qui va basculer ce soir-là lorsque Wheeler le présentera à l'étrange Mr Tupra et qu'il apprendra qu'il partage avec lui et quelques autres un don rare, une qualité énigmatique : la capacité de lire en profondeur dans la conscience d'un homme et de savoir à l'avance à quoi ressemblera  demain, tel visage aujourd'hui si proche, si familier. Javier Marías tisse dans ce roman une histoire dense et passionnante qui, en empruntant ses ressorts aux meilleurs romans d'espionnage, est aussi, comme l'ensemble de son œuvre, une vaste méditation sur l'essence de la nature humaine et sur les rapports entre la vérité et le langage.

"J’aime­rais signa­ler un livre dont la publi­ca­tion date de quel­ques années déjà mais qui cons­ti­tue à mon avis un des événements majeurs de la lit­té­ra­ture de ce début du siècle, qui s’ins­crit plei­ne­ment dans le sens que nous vou­lons donner aux recher­ches du CERCC et dont je recom­mande très vive­ment la lec­ture, par exem­ple pen­dant les vacan­ces d’été (l’ensem­ble fait quand même plus de 1300 pages).

Un mot donc du der­nier roman de Javier Marías, Ton visage demain publié en trois volu­mes de 2002 à 2007 à Madrid et tra­duit en fran­çais, chez Gallimard, de 2004 à 2010 et dont j’ai achevé la lec­ture au prin­temps der­nier. Livre fas­ci­nant à bien des égards – fas­ci­nant pour son intri­gue de roman d’espion­nage hale­tante, pour son ambi­tion lit­té­raire reven­di­quée (son modèle ce sont les gran­des sommes, de Tristram Shandy à La Recherche en pas­sant par Shakespeare auquel, comme tous les romans de Marías, il emprunte son titre) – fas­ci­nant plus encore parce qu’il ne s’agit pas d’une redite, d’une répé­ti­tion de ces gran­des sommes lit­té­rai­res, ni sous la forme d’une décons­truc­tion moder­niste, ni sous la forme d’une ironie post­mo­derne – je dirai même qu’il tourne le dos défi­ni­ti­ve­ment à toute idée de somme défi­ni­tive, à l’idée même du Livre. Pas seu­le­ment parce que tra­versé par la mémoire des catas­tro­phes du XXe siècle, la guerre d’Espagne, mais aussi la Shoah, il est brisé par un retour hyp­no­ti­que de l’his­toire – entre autres la pho­to­gra­phie d’un jeune homme (p. 185 du tome I) abattu pen­dant le siège de Madrid troue lit­té­ra­le­ment le récit. Mais sur­tout parce que, refu­sant toute sta­bi­lité lin­guis­ti­que, il se pré­sente comme un authen­ti­que roman euro­péen : en échange per­ma­nent entre Londres, où se déroule la majeure partie de l’intri­gue, et Madrid, d’où est issu l’auteur, le nar­ra­teur, Ton visage demain n’adopte jamais une situa­tion stable que lui confè­re­rait une cen­tra­lité, un point d’atta­che fixe. Les dia­lo­gues y sont sans cesse tra­duits : les per­son­na­ges y par­lent le plus sou­vent en anglais, mais leurs propos, rap­por­tés en cas­tillan, ne lais­sent émerger la langue ori­gi­nale qu’à l’occa­sion de com­men­tai­res des per­son­na­ges ou du nar­ra­teur sur les expres­sions idio­ma­ti­ques qu’ils emploient. Ainsi ce long récit ne met-il jamais en scène un échange uni­vo­que, une dia­lec­ti­que qui pour­rait s’arrê­ter à une belle unité, mais tou­jours une parole dédou­blée comme dans ce qui le centre brû­lant de l’intri­gue au moment où l’intri­gue va bas­cu­ler dans l’absolu de la vio­lence : « “Ne traîne pas et n’attends pas. Ramène-la”. Je crois que ce fut ce qu’il dit en anglais, “Don’t linger or delay”, ou peut-être que non et que ce fut autre chose, peut-être “loiter” ou “dally”, c’est impro­ba­ble. Ce dont je suis sûr c’est que l’expres­sion “dépê­che-toi” ne sortit pas de ses lèvres. Il avait la même cons­cience que moi de ce qui était facile et dif­fi­cile dans les lan­gues, et c’étaient là des mots trop faci­les à reconnaî­tre, “dépê­che-toi”. Il savait que Manoia aurait pu les com­pren­dre dans tous les cas, même mar­mot­tés et au milieu du bruit, ou dits par une bouche cachée et noire. » (p. 102 du tome II)."

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