« - Un kaïken.

- Tu sais à quoi ça sert ?

- C est avec ce poignard que les femmes samouraïs se suicidaient. Elles se tranchaient la gorge...


MON AVIS: Un roman de Grangé trop anecdotique et trop construit :surfait.




Jean-Christophe Grangé revient avec une histoire située à mi-chemin entre la France et le Japon. Le personnage central, Olivier Passan, est commandant à la Crim' de Paris. Enquêteur fougueux, impulsif, intuitif, avec un versant sombre (bref, toutes les caractéristiques classiques des héros de Grangé...), il suit une série de meurtres où un serial-killer tue des femmes enceintes et brûle leur faetus à vif (oui, du bon gore, encore un classique de chez l'auteur). Même si l'intrigue n'apparaît pas au départ dotée de grandes capacités à surprendre, le lecteur peut se satisfaire à l'avance de retrouver l'écriture de Grangé, toujours aussi agréable.




Pourtant, lors qu' après une trentaine de pages l'identité du méchant est révélée, on se demande un peu où l'auteur veut nous emmener... Le livre faisant 470 pages, on se dit que le combat entre les deux va être long. S'en suivent 250 pages de combat (avec la Justice qui met des bâtons dans les roues de l'enquêteur certes barré, mais tellement bon) entre le flic et le méchant. Si cela se lit sans déplaisir, il manque vraiment un intérêt, le lecteur connaissant forcément l'issu du combat entre les deux. De plus, la réflexion sur la maternité et le refoulement des brimades de l'enfance (le méchant fait tout ça car il a été malheureux dans son enfance) est d'une platitude assez terrible.

Las, après quelques pages où le suspense se retend considérablement, la fin est totalement grand guignolesque Mais avant cela, Grangé nous livre une sorte d'élégie concernant le Japon (ce qu'il fût, ce qu'il est) qui, si elle n'est pas dénuée d'intérêt, n'a pas à être développée aussi largement. Car effectivement, cette analyse de la culture nippone finit par rendre la fin de l'ouvrage très pénible, réduisant le peu de suspense qui demeurait à zéro. Quant à la réflexion sur la maternité menée en filigrane de cette partie, elle est aussi lénifiante que celle de la première partie, enfonçant des portes ouvertes.




Au final, un livre qui se lit très rapidement grâce à la belle écriture de Jean-Christophe Grangé mais qui souffre d'une histoire mal construite, aux contours mal dessinés et à la réflexion sur la maternité / paternité pénible à force d'être rabâchée. C'est dommage quand on connaît le talent de l'auteur, surtout que ce "Kaïken" possède quelques moments de grâce (le personnage central est fort charismatique, la réflexion pertinente sur le passé, ...). En espérant que pour le prochain, Grangé retrouvera de l'inspiration...



Extrait :LA PLUIE.

Le mois de juin le plus merdique de tous les temps. Depuis plusieurs semaines, la même rengaine, grise, trempée, glaciale. Et c'était pire encore la nuit. Le commandant Olivier Passan fit claquer la culasse de son Px4 Storm SD et le posa sur ses genoux, cran de sûreté levé. Il reprit le volant de la main gauche et saisit de l'autre son Iphone. Le programme GPS tournait sur l'écran tactile, éclairant son visage par en dessous, façon vampire.

- On est où ? grogna Fifi. Putain, on est où, là ?

Passan ne répondit pas. Ils roulaient lentement, phares éteints, distinguant à peine le décor. Un labyrinthe circulaire, à la Borges. Des murs courbes tapissés de briques et d'enduit rosâtre, multipliant les entrées, les allées, les détours, mais repoussant toujours l'intrus vers l'extérieur, à la manière d'une muraille de Chine qui tournerait sur elle-même, protégeant un centre mystérieux.

Le labyrinthe n'était qu'une cité classée ZFU : zone franche urbaine. Le Clos-Saint-Lazare, à Stains.

- On a pas le droit d'être là, marmonna Fifi. Si le SRPJ du 9-3 apprend que...

- Ta gueule.

Passan lui avait demandé de se vêtir sobrement pour ne pas attirer l'attention. Et voilà le tableau : le flic arborait une chemise hawaiienne et un short rouge de skateur. Olivier préférait ne pas savoir ce qu'il s'était envoyé avant de le rejoindre. Vodka, amphètes, coke... Sans doute les trois.

Tenant toujours le volant, il attrapa sur la banquette arrière un gilet balistique - il portait le même sous sa veste :

- Enfile ça.

- Pas besoin.

- Fous ça, j'te dis : avec ta chemise, on dirait un travelo à la Gay Pride.

Fifi, alias Philippe Delluc, s'exécuta. Olivier l'observa en douce. Tignasse oxygénée, cicatrices d'acné, piercings au coin des lèvres. Son col ouvert laissait entrevoir la gueule d'un dragon fiévreux qui lui dévorait le bras et l'épaule gauches. Aujourd'hui encore, après trois ans d'équipe, Passan se demandait comment un tel lascar avait pu survivre aux dix-huit mois réglementaires de l'ENSOP, aux entretiens de motivation, aux visites médicales...

Mais le résultat était là. Un flic capable d'atteindre une cible au.9 mm à plus de cinquante mètres en utilisant indifféremment la main droite ou la gauche, comme de passer plusieurs nuits successives à éplucher des fadettes sans manquer une ligne. Un lieutenant à peine âgé de trente ans qui avait déjà essuyé le feu au moins cinq fois sans reculer. Le meilleur second qu'il ait jamais eu.

- Refile-moi l'adresse.

Fifi arracha le Post-it collé au tableau de bord :

- 134, rue Sadi-Carnot.

Selon le GPS, ils étaient tout près mais ils ne cessaient de croiser d'autres noms : rue Nelson-Mandela, square Molière, avenue Pablo-Picasso... Tous les dix mètres, un dos-d'âne secouait la voiture. Ces bosses à répétition commençaient à lui filer la gerbe.

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