Daniel Mendelsohn : l'étreinte fugitive






Daniel Mendelsohn fait revivre son enfance entre sa mère, 'l' institutrice', la toute-belle, et son père, 'le mathématicien', celui qui répare, construit et se collette aux choses ; une enfance peuplée d'êtres, frères et soeurs, parents âgés, avec, au centre, son grand-père, ce dandy mystérieux et raconteur d'histoires. C'est pendant ses années d'étudiant dans l'exotique Sud américain que le jeune homme se découvre une passion jumelée pour les langues anciennes et les beaux garçons. Dès lors, la recherche de la 'grammaire de son identité', de ce que veut dire être un homme, suivra des méandres surprenants, bouleversants.

De quoi sommes-nous fait ?
Telle est la question à laquelle Daniel Mendelsohn semble vouloir répondre dans "L'étreinte fugitive".
Premier volet du triptyque qui se poursuit avec "Les Disparus", ce roman a curieusement été publié en France postérieurement à ce dernier, bien qu'écrit dix ans auparavant...
D'aucuns ont prétendu, et d'autres prétendront sans doute encore, que "L'étreinte fugitive" est un roman sur l'homosexualité. Certes, l'auteur y dépeint ses premiers émois face à la beauté de jeunes garçons qu'il croise dans les couloirs de son lycée, ses aventures fugaces avec les hommes rencontrés par internet... mais son orientation sexuelle y est à mon sens accessoire.
L'intérêt de ce récit réside surtout dans la manière dont Daniel Mendelsohn convoque, pêle-mêle, des souvenirs, qui n'ont a priori guère de liens les uns avec les autres, et comment, peu à peu, se dessine une mosaïque finalement homogène, avec comme fil conducteur la construction de son identité.
A aucun moment l'auteur ne fait preuve d'auto complaisance. Il s'exprime sans complexe non plus, à la manière d'un archéologue qui, en creusant minutieusement dans sa mémoire, en extirpe des vestiges qu'il juge significatifs, importants dans la démarche qu'il entreprend pour tenter de comprendre comment il est devenu l'homme qu'il est aujourd'hui. Les épisodes mettant en scène son panthéon familial sont tantôt relatées sur le ton de l'anecdote, et tantôt parés d'une dimension quasi légendaire, la véracité de certains événements, enrichis des interprétations ou des remaniements volontaires de qui les raconte, et les transmet ainsi aux générations suivantes, se révélant parfois toute relative.
En mettant régulièrement en parallèle ses expériences avec l'évocation de certains mythes grecs (Daniel Mendelsohn est un helléniste passionné), il s'interroge non seulement sur la genèse de son identité (sexuelle, culturelle...) mais aussi d'une manière plus générale sur des problématiques dans lesquelles tout lecteur se retrouvera : la façon dont notre histoire conditionne les mécanismes de nos désirs, ou encore la difficulté à concilier toutes les contradictions que nous portons en nous, mais grâce auxquelles tout individu est un être riche et complexe.
Entre autres...
La finesse de son analyse, et son écriture d'un classicisme soigné, contribuent à faire de "L'étreinte fugitive" un grand moment de lecture.

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