Olivier Py : les Parisiens



Rastignac d'après le désenchantement, Aurélien ne croit en rien mais veut tout. La gloire, le scandale, la liberté, tout casser et tout réinventer, connaître l'ivresse du plaisir et toucher du doigt la beauté comme on vole un baiser. Et ce tout ineffable et concret, c'est Paris qui le détient, c'est Paris qui le lui donnera. Entre intrigues et orgies, quête du pouvoir et tentations mystiques, sur fond de combats militants ou intimes, Les Parisiens organise la collision du grandiose et du dérisoire en suivant la trajectoire aussi tragique que burlesque parfois, de quelques étoiles filantes dans le ciel parisien.

« Soyez au monde comme n'y étant pas », disait saint Paul, plusieurs fois cité... Nulle crainte : si mystique et théologie il y a dans cette délirante saga initiatique, les plus romanesques orgies s'y conjuguent aussi aux plus folles intrigues et ambitions artistico-politiques. Croix, sexe, littérature, pouvoir et oeuvres d'art y communient dans une sarabande à faire se damner Balzac, Nietzsche, Claudel, Gide et Teilhard de Chardin réunis. L'auteur et patron du Festival d'Avignon est baroque et excessif ; il aime à s'afficher chrétien, homosexuel et affamé de toutes les ­reconnaissances. Il raconte ici le parcours d'Aurélien, jeune metteur en scène, poète transgressif et ambitieux, beau comme un faune de Debussy. Et qui pourrait lui ressembler comme un frère... Le roman est en effet une oeuvre à clés où les plus « arty » d'entre nous s'amuseront à reconnaître telle comédienne, tels ministre, chef d'orchestre, mécène ou grand commis de l'Etat... Raide amoureux d'un poète beau comme un ange mais torturé par la haine de soi et l'obsession de la sainteté, Aurélien se perd et se retrouve de bras en bras. Sans dédaigner la prostitution qu'il pratique comme un des beaux-arts, inventant le concept de « putitude » ou... « droit au théâtre » : « un jour, je suis ça, un autre je suis ci, avec toi je suis celle-ci et avec toi, celle-là, et la richesse de l'existence, pour ne pas dire le sens même de l'existence, c'est une sorte de carnaval dans lequel j'ai le droit d'avoir tous les masques... » Une énergie hystérique baigne ce polar métaphysique où artistes et grands patrons d'institutions culturelles se réinventent dans des backrooms ­sordides mais rédemptrices. Un désordre traversé de désirs, de révolutions, de morts et de passion irraison­née pour un Dieu proclamé absent noue une écriture comme en transe, sculptée en courts chapitres incendiaires. Le petit monde parisien qu'Olivier Py prétend — naïvement ? — observer avec ses compromissions, ses lâchetés, ses vanités, n'y est pas le plus fascinant. Le sont davantage la rage vitale et la tragique lucidité d'Aurélien-Olivier. Sa contagieuse et brûlante volonté d'être au monde, malgré la désespérance noire et la mélancolie profonde. Quand même et malgré tout. Comme en n'y étant pas...

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