Anne Perry : Half Moon Street



En cet automne 1891, Londres semble bien triste au commissaire Thomas Pitt, depuis que sa chère Charlotte est partie se reposer à Paris. Mais il n'a guère le temps de sombrer dans le spleen, car la découverte du corps d'un homme habillé en femme dans une barque, sur la Tamise, l'entraîne dans une nouvelle aventure pleine de mystère. Qui était la victime et pourquoi cette mise en scène macabre ?
Aidé de l'irascible sergent Tellman, Pitt fouille les consciences et les cœurs de la haute société, arpentant les coulisses des théâtres où se jouent les pièces d'un certain Oscar Wilde. Gentlemen et ladies irréprochables peuvent parfois cacher de bien dérangeantes vérités...

ette enquête n'est pas facile à chroniquer, tellement elle est foisonnante, tellement elle crée un réseau avec d'autres oeuvres. Half Moon street est véritablement un roman sous influence !
L'influence première est Hamlet, et pas seulement la pièce de Shakespeare, le mythe tout entier comme le prouve la manière dont le meurtrier a mis en scène le cadavre comme dans le tableau de Millais. Pourquoi Ophélie ? Tout vous révéler gâcherez le plaisir de lire. Sachez seulement qu'une troupe joue Hamlet, et que les acteurs qui jouent Gertrude et Hamlet sont réellement mère et fils dans la vie.
Mais cette troupe ne se contente pas de jouer des classiques, elle interprête aussi une pièce d'Oscar Wilde qui choque dès sa première représentation et est retirée de l'affiche. Son tort ? Montrer une femme qui exprime ses sentiments, ses craintes, ses tourments, bref, qui révèle en public ce que l'on ne confiait qu'à ses intimes, ou même que l'on ne confiait pas du tout. le débat sur la censure sous-tend le roman tout entier, les questions qui sont soulevées sont toujours d'actualité. Comment protéger ses enfants ? de qui ou de quoi doit-on les protéger ? A Half Moon Street, les devantures des échopes ne proposent pas de contrôle parental.
On pourrait avoir l'impression de s'éloigner de l'enquête. Il n'en est rien. Il est vrai cependant qu'il est étonnant de lire une enquête de Thomas Pitt où la seule présence avérée de Charlotte est les lettres qu'elle lui envoie de France. La vision qu'elle y donne de notre pays m'a fait penser aux romans de Claude Izner. S'il faut chercher un personnage féminin d'importance, ce n'est pas Cecily, brillante actrice luttant contre la censure, mais Caroline Fielding, mère de Charlotte et Emily. Celle-ci voit apparaître dans sa vie le demi-frère de son défunt mari, venu tout droit d'Amérique, et ce nouveau personnage bouleverse l'équilibre de Mariah Ellison, sa belle-mère. En effet, non seulement Samuel est le fils de la première madame Ellison, dont toute la famille ignorait l'existence mais Samuel est le portrait de son défunt frère. de plus, la première madame Ellison n'est pas morte, elle s'est enfui aux Etats-Unis alors qu'elle était enceinte. Je vous laisse imaginer les possibilités romanesques offertes par ses personnages hors normes pour la société victorienne. Je peux vous dire aussi qu'Anne Perry a su exploiter ses personnages d'une manière absolument inattendu.
Depuis Ashworth Hall, les enquêtes de Thomas Pitt avaient pris une tournure politique. Ici, nous nous retrouvons dans la sphère privée, et c'est vraiment dans les mobiles les plus intimes qui soient que le commissaire devra trouver le mobile du meurtre.
Encore un très bon cru.

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