N. K JEMESIN : la cinquième saison (les livres de la terre fracturée 1)



Le retour imminent de la Lune signifie-t-il la fin de l'humanité ou au contraire sa rédemption ? La réponse à cette question repose sur les épaules d'une femme et de sa fille. La première, Essun, entend se servir des pouvoirs qu'elle a hérités d'Albâtre pour bâtir un monde dans lequel les orogènes seraient libres. Mais pour la seconde, Nassun, il est trop tard. Elle a vu ce que le monde avait à offrir de pire, et elle a accepté ce que sa mère n'admettra jamais : qu'il est corrompu au-delà du point de non-retour, et que sa destruction est inévitable.

Troisième volet de la trilogie des "livres de la terre fracturée" Et troisième prix Hugo tout à fait mérité. Trois Hugo d'affilé pour la première fois (ce que Asimov, Pohl, Zelazny o Wyndham n'ont pas réussi )à leur époque)

Ce mélange brumeux de concepts, néologismes, pré ou post-technologies , surnaturel , magie, moitié roman pointu, moitié manga blockbuster, devient peu-à-peu une véritable œuvre univers. comme il y en a finalement assez peux d'aussi réussi. Pour moi un classique instantané qui m'a fait autant d'effet que lorsque jeune homme j'avais découvert Dune.
Tout en utilisant un style inhabituel dans la littérature fantastique -l'utilisation de la deuxième personne, une prose parfois lyrique-, et surtout atteignant le but que tout auteur doit se fixer : travailler à la construction d'un monde qui ressemble au nôtre (mais seulement quand cela lui permet de soulever des questions politiques, morales et sociales ), tout en semblant lointain, inconcevable, et sans trace d'influence de Tolkien...
"...Ce qui apparaît au premier abord comme des artifices narratifs (tutoiement du lecteur, citations obscures d'un savoir passé caché encore plus obscur, italiques comme des cheveux sur la soupe), tout ça s'effile sur la longueur en une simple prouesse littéraire : une forme singulière au service d'un récit et d'un propos.
C'est qu'on aime quand la SF se fait dure à lire. Ainsi un narrateur aussi éloigné de nous qu'un futur de plusieurs millénaire ne peut se permettre de nous expliquer tout son vocabulaire de son quotidien et de son fonctionnement social (et corporel). Bé oui, est-ce qu'on explique, nous, dans nos livres contemporains, ce que signifie « électricité », « commune » ou « manger » ? N.K Jemisin, par la violence des actions, par la singularité de ses personnages, par une quête simple (poursuivre son ex-mari en quête de sa fille), nous immerge dans son monde, ses règles et son vocabulaire. Quand ça prend, c'est pour un bon orgasme littéraire de fin de tome." Ici, Jemisin nous offre d'abord un réel dépaysement, que je qualifierai personnellement d'une sorte de Mad Max géologique avec des kaméhaméha, ET, elle n'en oublie pas la portée allégorique de son texte. On lit une fiction, un divertissement à l'état pur, qui a pour but de nous subjuguer de son inventivité, mais on ne peut pas échapper à nos propres envolées réflexives lors de cette lecture. Par exemple, sur les capacités de notre folie collective face à l'épuisement des ressources. Mais c'est lointain. Tout comme le futur de Jemisin est lointain, le discours sur l'écologie l'est aussi, puisque cette notion n'existe même pas dans ce futur. Il en est de même pour le racisme, dont les mécanismes sont ici appliqués à des humains particuliers, dans des contextes particuliers."(pequinon sur Sens critique)

Autre force de la trilogie: en se plaçant dans un futur très lointain, Jemisin accomplit une réelle fusion entre la SF et la Fantasy. Une fantasy post-post-post-apocalyptique, avec des pouvoirs mentaux, mais dans laquelle la présence de nombreuses civilisations disparues nous incite à penser que tout ça n'a rien de surnaturel. Ces pouvoirs mentaux sont-ils des évolutions de l'humain, de la simple magie ou le vestige d'une manipulation technologique ? Ce doute est brillamment entretenu et développé sur la longueur, et résolu avec finesse dans un fatras explosif d'exotisme, d'inventivité et d'action.

Le mérite de Jemisin est d'utiliser son "continent", et ses interprétations métaphoriques, pour parler de notre monde comme d'une dystopie : On se reconnaît dans les changement climatique et l'augmentation des catastrophes naturelles -tsunamis, dégel, montée des eaux, désertification-, la persécution de la différence - le racisme, la dissidence religieuse - et diverses questions liées au fait d'être une femme dans une société où cette condition même génère des soupçons. Si la meilleur fantasy est celle qui propose un roman à clef -qui ne doit donc jamais être interprété de façon littérale-, la trilogie de La Terre fragmentée mérite sans aucun doute toutes les distinctions qu'elle a obtenues. N.K. Jemisin est considéré par ses pairs en tant que meilleur écrivain de sa génération, une sorte de Ursula K. LeGuin du 21e siècle.







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