Bret Easton Ellis : Les éclats 2023.

Après 13 ans de silence littéraire Ellis revient à son meilleur dépassant son "Glamorama" qui était jusque là son roman le plus aboutit. Los Angeles, 1981. Bret Ellis , dix-sept ans, plongé dans l'écriture de Moins que zéro, entre en terminale au lycée privé de Buckley. Avec Thom, Susan et Debbie, sa petite amie, il expérimente les rites de passage à l'âge adulte : alcool, drogue, sexe et jeux de dupes. L'arrivée d'un nouvel élève fait voler leurs mensonges en éclats. Beau, charismatique, Robert Mallory a un secret. Et ce secret pourrait le lier au Trawler, un tueur en série qui sévit dans les parages. Terrorisé par toutes sortes d'obsessions, Bret se met à suivre Robert. Mais peut-il se fier à son imagination paranoïaque pour affronter un danger menaçant ses amis et lui-même? Il est impossible de distinguer ce qui est réalité et ce qui est fiction dans ce "Lés éclats". Ellis le présente en interview comme sa vrai histoire. En effet, certaines scènes du roman, qui sont théoriquement basées sur les expériences traumatisantes d'Ellis au cours de cet automne 1981, lorsque tout a changé, au cours de sa dernière année à "Buckley High School", peuvent être réelles ou venir du fruit de son imagination. Dans notre culture où l’identité du réel et du simulé sont la même face de la pièce, l’auteur américain se présente comme un hologramme, comme un double virtuel dans un monde peuplé de fantômes. Ses personnages, qui auraient pu s'échapper d'un épisode d'"Euphoria", semblent lutter contre leur propre disparition, qu'Ellis dramatise sarcastiquement comme s'il écrivait un slasher dans une décapotable sous le soleil aveuglant de Los Angeles. Le roman tout entier semble structuré dans un cliffhanger permanent, dilatant les tempos jusqu'au paroxysme, comme dans un feuilleton pervers sur la résolution d'une énigme perpétuellement reportée. Un tueur en série terrorise les élites mais ce semble aussi s'intéressant au désastre sentimental de ses protagonistes, catalysé par l'apparition d'un intrus (ce nouvel élève, récemment arrivé de Chicago que le romancier s'obstine à identifier comme le "Trawler", l'ange du mal, le fameux tueur. Ellis s'approche de ses jeunes gens riches de Los Angeles, dont il fait partie, décrivant soigneusement leurs maisons et leurs corps, l'indifférence de leurs parents, les marques de leurs voitures et de leurs vêtements tout en marquant le territoire d'une ville qui est à la fois une prison et un paradis perdu. Ellis raconte son histoire de lycéen (la sienne?)là, dans cet espace où l'indolence des piscines, la découverte de la sexualité et la théorie de la rumeur s'étendent comme un épais brouillard, parfois tragique, parfois autoparodique. L'auteur nous propose un voyage passionnant et provocateur vers ce qu'il nous présente comme son adolescence, un voyage plein de désir sexuel instable(il n'a pas fait encore son Coming out et sort avec une fille tout en étant amoureux du petit ami de sa meilleure amie, et en ayant des relations sexuelles avec plusieurs autres garçons de son groupe d'ami et un adulte). Le récit qui est aussi une captivante histoire, peut-être vraie, vers la transition compliquée vers l'âge adulte est un mélange parfait entre suspens, terreur, érotisme (surtout gay) et humour très noir. C'est provoquant, grivois, singulier, sombre , transgressif. Ellis avait déjà joué de façon perverse avec sa biographie: "Moins que zéro" reflétait déjà sa folle adolescence ( mais par rapport à ce qu'il nous en dit là c'était encore sage…), alors que "Lunar Park" traitait des conséquences premières de sa fulgurante notoriété. Il place cette fois ci le miroir déformant de manière à rendre le reflet bien plus inquiétant encore : Bret Ellis est bel et bien convaincu que le nouveau lycéen qui vient d'arriver est le tueur en série qui sévit à L.A: Son obsession grandissante va entraîner une spirale paranoïde d' harcèlement et de violence. Cela confère à l'anxiété, le sentiment de confusion, l'insécurité qui caractérise l'adolescence un souffle terrifiant assez unique. Le monde physique et le monde mental semblent aller de paire dans un inquiétant processus de désintégration d'où seule une issu tragique paraît probable... Ce qui est nouveau aussi dans "les éclats" c'est le travail d' "Ellis" sur le rythme narratif, qui affecte les dialogues, qui en perdent un peu de leur leur sécheresse habituelle, et la structure des phrases, plus élaborée, plus musicale.
Un jeu de miroirs brillant, élégant et démoniaque qui tient en haleine jusqu'au bout. Le meilleur livre de Ellis, celui que nous attendions. celui qu'il nous devait.

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