Tennessee Williams (1911-1983) et Franck Merlo

Tennessee Williams (1911-1983) est un très grand dramaturge américain, auteur de formidables pièces de théâtre et romans comme « La ménagerie de verre, 1944 », « Un tramway nommé Désir, prix Pulitzer, 1947 », « La Chatte sur un toit brûlant, 1955, prix Pulitzer », « Soudain l’été dernier, 1958 », Doux oiseaux de la jeunesse, 1959» ou encore « la nuit de l’iguane,1961) dont beaucoup ont été adaptées au cinéma dont « Un tramway nommé désir » de Elia Kazan en 1951 avec Vivian Leigh et Marlon Brando,« la chatte sur un toit brûlant » de Richard Brooks en 1958 avec Paul Newman et Elisabeth Taylor ou encore « soudain l’été dernier » de Joseph L. Mankiewicz en 1959 avec Montgomery Clift, de nouveau Elisabeth Taylor et Catherine Hepburn. Si je vous donne ces deux exemples d’adaptation cinéma, c’est parce que dans ces films la thématique Gay est assez évidente même si dans le premier cas le personnage de Newman est présenté comme alcoolique plutôt que gay comme dans la pièce mais on sent bien que c’est un subterfuge. Parce que dans sa jeunesse, le futur génie était davantage intéressé par la lecture et l’écriture que par le sport, son père alcoolique se moquait de lui en le surnommant « Miss Nancy ». La sœur de Tennessee, Rose, était schizophrène et ses parents lui firent subir une lobotomie qui la laissa handicapée, un fait que Tennessee ne leur pardonna jamais. Mais c’est cette histoire familiale difficile qui lui inspira des idées et personnages forts pour ses pièces. Amanda Wingfield de « La ménagerie de verre » est inspirée par la mère de Tennessee, et le personnage du « Big Daddy » (« Père Chéri ») de « La Chatte sur un toit brûlant » par son père. A l’âge de 28 ans, Tennessee s’installa à la Nouvelle Orléans, une ville qui allait inspirer son œuvre à venir, notamment « Un tramway nommé Désir ».
Peu après la première de « Un tramway nommé Désir », Tennessee mit les voiles pour l’Europe pour récupérer de l’énorme fatigue physique et émotionnelle qui avait résulté de l’écriture de la pièce, fatigue qui l’avait conduit à penser qu’il n’écrirait plus jamais. Une longue période improductive s’ensuivit, au cours de laquelle l’écrivain prit l’habitude de boire en excès, de consommer des quantités énormes de médicaments et d’avoir multiples relations (homo)sexuelles sans lendemain. Une de ces relations éphémères, finit quand même par devenir l’amour de sa vie (comme quoi !). C’était en 1948, à New York, alors qu’il mangeait dans un restaurant il reconnut ce camionneur avec qui il avait eu une aventure l’année d’avant, « Frank Merlo » qui avait 27 ans (Tenessee en avait 38). Quelques semaines plus tard, Frank Merlo emménagea chez Williams et ils tombèrent éperdument amoureux l’un de l’autre. Frank lui nettoyait l’appartement, lui faisait la cuisine, lui servait de chauffeur et s’occupait de son courrier. Et surtout, Frank Merlo sevra peu à peu Tennessee Williams de sa dépendance à l’alcool, au sexe sans lendemain et aux médicaments. Cette nouvelle vie stable permit à Tennessee de se concentrer à nouveau sur l’écriture. Frank, qui était d’origine sicilienne, inspira le personnage principal de la nouvelle œuvre de l’écrivain, une pièce intitulée « La rose tatouée », qui remporta le Tony Award de la Meilleure Pièce en 1951. Ensuite alors que Williams écrivait « La Chatte sur un toit brûlant », il fut envahi par l’angoisse et le doute, craignant de ne pas pouvoir égaler l’excellence de « Un tramway nommé Désir ». Frank l’encouragea et le dorlota à travers ce processus difficile au cours de l’année 1954. Finalement elle fut couverte d’éloges et fit gagner à Tennessee Williams son troisième « Drama Critics’ Award » et un second Prix Pulitzer.
Tennessee fut si reconnaissant à Frank pour son soutien pendant l’écriture de la pièce qu’il lui reversa 10 % des bénéfices. Alors qu’il écrivait « The Night of the Iguana » l’œuvre qui allait devenir son prochain succès majeur, l’histoire se répéta : Frank Merlo adoucit la nouvelle crise d’angoisse que Tennessee traversa pendant la période précédant la première de la pièce en 1961. Tennessee Williams fit la couverture du prestigieux magazine « Time » et l’article l’adouba « plus grand dramaturge américain ». Le public ne savait rien de l’orientation sexuelle de Tennessee, ni de sa relation avec Frank Merlo. Tennessee ne se cachait pas vraiment, mais on ne discutait pas de telles choses à cette époque… Malheureusement, leur couple commença à se fissurer. : Frank Merlo insistait pour que Tennessee lui soit sexuellement fidèle, ce qui était quasi impossible à l’écrivain. De plus Frank n’avait pas de carrière en dehors de fournir soutien domestique et professionnel à Tennessee. Alors que les deux hommes étaient en Californie à l’occasion du tournage de « La ménagerie de verre », Tennessee oublia de présenter Frank à Jack Warner, le président du studio Warner Bros. Jack Warner alla alors vers Frank et lui demanda, « Que faites-vous donc dans la vie, jeune homme ? » Frank lui répondit, « Mon travail est de coucher avec M. Williams. » Encore pire, Williams avait recommencé à boire et à se droguer en douce, en plus des relations sexuelles hors couple. Lorsque Frank le découvrit, il se sentit trahi. Frank Merlo était un très gros fumeur : Au début des années 60, il commença à souffrir d’une toux irritante et persistante. En 1962, on lui diagnostiqua un cancer du poumon inopérable et il décéda l’année suivante, à l’âge de 41 ans.
Tennessee est démoli. « Mon cœur, si longtemps habitué aux attachements brefs, avait trouvé dans ce jeune Sicilien un refuge, enfin… ». Ils auront vécu quatorze années ensemble. Elia Kazan se souvient du couple qu’ils formaient : « Je me les rappelle encore, faisant leurs courses à l’épicerie comme des bourgeois français (sic), tenant en laisse leur bouledogue dodu, qui se dandinait à leur côté (…) À mon avis, Tennessee n’a jamais été aussi heureux qu’à ce moment-là ; il n’a jamais connu personne d’aussi aimant, loyal et honnête que Frank Merlo. ». Williams retomba dans une dépression de sept ans émaillés de multiples aventures sexuelles, d’alcool et de drogue. Aucune de ses œuvres n’égala par la suite la qualité de ses œuvres antérieures et beaucoup reçurent des critiques négatives. La spirale infernale devint si alarmante qu’en 1969, le frère de Tennessee lui fit suivre une cure de désintoxication ; au cours des deux premiers jours de cure, il fut victime de deux crises cardiaques et trois attaques cérébrales.
Une éclaircie survint en 1979 lorsque Tennessee reçut un prix du « Kennedy Center Honors ». L’année suivante, Jimmy Carter, le Président des Etats Unis, lui remit la « Medal of Freedom ». Mais Tennessee Williams n’arriva jamais à chasser ses démons. Entouré de bouteilles de vin et de médicaments, il fut retrouvé mort, le 25 février 1983 à New York dans la suite qu’il occupait au neuvième étage de l’Elysée Hôtel à Manhattan qui lui avait servi de maison les quinze dernières années de sa vie. Le médecin légiste conclut à une mort par étouffement, le bouchon d’un spray nasal ayant été retrouvé dans le larynx de l’écrivain. Tennessee Williams avait 71 ans et l’avis de décès du Los Angeles Times indiqua : « Son partenaire pendant 15 ans, Frank Merlo, est mort d’un cancer en 1963 et l’écrivain a lui-même avoué qu’après cela ‘Tout s’est comme effondré.’ »
Tennessee Williams a dit un jour : « Quand j'écris, je ne censure pas mon cœur » - et ce cœur appartenait aux hommes, bien qu'il ne pût le révéler qu'à travers les frustrations brûlantes et le désir désespéré de ses personnages. Cependant s’il devait faire avec la censure et les tabous de l’époque il était bien capable de faire sentir ce dont quoi il parlait en réalité et son public comprenait généralement le sous texte. En 1975, Tennessee Williams a écrit ses mémoires que je vous recommande chaudement. Bien que je les aie lus deux fois, ces lectures sont trop lointaines pour que je vous propose un post honnête dessus. Toujours dans ma bibliothèque ce sera l’occasion d’une troisième lecture…
#henrimesquida #cinemaetlitteaturegay

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