"Agustí Villaronga" : "Prison de cristal" (Tras el cristal). 1986. Horreur psychologique.

Dans son premier film, aussi dur que réussi, Agusti Villaronga montre ce qu’il veut montrer sans se soucier des réactions qu’il va provoquer. On est loin du film à consensus mou pour sensibilités fragiles... La première scène qui est une déclaration d'intention, nous montre un enfant nu, pendu au plafond, pieds et les mains liés alors qu’il est photographié par un homme au regard lascif et aux intentions visiblement perfides dans un bâtiment en ruine. L'homme pose ensuit son appareil photo, s'approche du garçon, vérifie qu'il est encore en vie et lui lèche la figure. Puis il sort de la pièce, grimpe des escaliers pour monter sur un toit et se jette dans le vide ! On peut difficilement faire plus terrible ! Dans la séquence suivante, on retrouve le même homme cloué au lit, immobile, entièrement enfoui dans un poumon d’acier qui, seul le maintient en vie et d’où n’émerge que son visage. Cet homme,c’est Klaus Klaus, un médecin de l'ancien régime nazi, récemment exilé en Espagne. Sa femme vit en semi-esclavage, sa jeune fille est solitaire et introvertie. Une nuit, comme sorti de nulle part se faufile dans la maison un étrange jeune homme qui prétend être un infirmier. Il se propose de prendre soin de Klaus et se heurte à la réticence mais face à l’insistance de Klaus, elle finit par accepter et le jeune homme s’impose… Et je ne peux vraiment pas vous en raconter plus...
Un des films les plus incroyables et dérangeants de ma vie de cinéphile pourtant bien pleine de films tordus. Du coup j’ai bien du mal à comprendre comment un tel film soit pratiquement oublié aujourd'hui. L’atmosphère y est sombre et étouffante. Ce n'est pas seulement un drame exceptionnel qui reflète les conséquences de la guerre, c'est aussi une représentation monstrueuse de la terreur psychologique la plus pure et la plus incompréhensible jamais vue dans un film (à l’échelle nationale espagnole, c'est sûr. Agustin Villaronga sait comment mener à bien cette histoire terrible, qui parle de folie et de vengeance, d'ambition et de mépris pour l'être humain, avec toile de fond , les horreurs des camps de concentration : Des histoires non avouées sur des tortures horribles et des exécutions qui sont racontées par une voix off qui lit les carnets du médecin et donne encore plus de poids à l'horreur. Le film oscille entre drame et terreur avec un équilibre précis.
L'obsession du jeune intrus, à la limite de la folie, atteint une proportion inimaginable et déconcertera le spectateur le plus avisé. La conclusion du film nous fait connaître en profondeur la folie causée par le traumatisme et l'impuissance, sans faire de concessions. Celle d’un esprit instable qui hésite entre l’admiration et la haine, dans une ambivalence malsaine qui le fait renier son propre être, Villaronga surprend par la crudité de son propos et de sa mise en scène et impose une atmosphère tendue, malaisante et perturbant.
Ça va très loin dans l’horreur psychologique, mais c’est aussi une leçon de cinéma à bien des égards et on remarquera le talent de Villaronga qui sait remarquablement bien nous donner l’impression de tout nous montrer alors qu’en réalité il ne montre rien frontalement (À l’inverse du Salo de Pasolini) pour que notre imagination soit responsable de ce que l’on voit, de ce que l’on entend, de ce que l’on ressent… Un peu à l’image de la scène de la douche dans Psychose où la lame ne touche jamais la victime ou des dents de la mer, où le requin n’apparaît qu’à la fin du film.
Chef-d'œuvre du cinéma espagnol. PS : je vous ai déjà parlé d’un autre très bon film de villaronga "El Mar". 2000.
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