"Marco Berger" : "les agitateurs". (Los agitadores). 2022.
J’ai l’impression que le film n’a pas été compris. Bien sûr Marco Berger filme avec sa maestria habituelle de superbes jeunes hommes et l’homo érotisme est omniprésent et très réussi pour ceux qui aiment ça.
Cependant, Berger, qui s'est forgé une filmographie cohérente autour des différentes typologies liées au domaine LGBTQI, propose ici une réflexion sur le machisme et sa toxicité à travers un groupe de jeunes vacanciers, presque tous hétéros.
Il s’agit d’une satire sociale homo-érotique. Une douzaine d'Argentins entre 25 et trente ans, plutôt beaux et bien foutus et d’une classe sociale aisée (sensément instruite...), passent leurs vacances ensemble dans une superbe villa. Ils passent leurs journées à se saouler, à jouer à des jeux vidéo, à se disputer à propos de films d'action. Entre les blagues macho, les jeux sexuels, les drogues, l'alcool et l’homo-érotisme permanent (ils sont généralement torse nu, parfois à poil) les frontières sont plus floues qu’ils ne voudraient le croire :
Leur passe-temps favori est de se prendre en photo à moitié nus, posant comme s'ils faisaient l'amour, singeant des actes sexuels gay comme ils les imaginent et comme ils en ont vu dans du porno. Ils trouvent ça hilarant, car ils ne sont absolument pas gays. Absolument pas. Pas du tout. Sauf peut-être… ?
En réalité ils ne font pratiquement que ça : ces plaisanteries machistes douteuses répétées à l'envi de toute les façon possible. Tout est bon pour se foutre de la gueule des "putos".
Pourquoi passent-ils leur temps à se prendre en photo dans des situations équivoques et à les poster dans leur groupe ?
Une certaine tension règne dans la maison. Il y au moins un de ces mecs qui dès le début ne trouve pas ça si drôle, et un autre qui trouve leur attitude enfantine et stupide. Il y a en à deux qui baisent en secret… Mais pas avec les mêmes attentes (voir les dernières scènes du film très belles).
Plus tard dans le film, lorsque quelques amies débarquent, la nudité masculine exubérante et les attouchements spontanés ressemblent moins à des « bêtises » qu'à des agressions criminelles.
Avec elles certaines discussions les déconcertent dans leur attitude, par exemple la fille qui soutient qu’il devrait y avoir des scènes entre mecs dans tous les pornos puisqu’il y a des scènes lesbiennes... Les réactions des garçons nous montre qu’ils ne sont pas tous du même avis sur ce type de questions, certains comprenant ce qu'est le machisme criminel d'aitre pas du tout...
L'homophobie, la xénophobie et la misogynie se croisent sous couvert de fausses valeurs.
Berger ne cherche pas à raconter une tragédie, mais comment elle se prépare : la fin est choquante, apparemment certains l’ont trouvé un peu abrupte. Je crois au contraire que c’est comme ça qu’arrive la plupart du temps ce genre de crime. Tout le film nous y prépare
Je sentais depuis au moins la moitié du long-métrage qu’on allait avoir une fin dramatique ou tragique.
Le cinéaste propose ici un travail homogène (il ne s’agit pas du tout de mettre bout en bout des sketches, comme je l’ai lu), la toxicité masculine systémique dans un secteur social jeune et favorisé. Et il le fait dans ce qui est peut-être son film le plus politique et le plus politiquement incorrect : une étude extrêmement astucieuse sur la façon dont les jeunes hommes en groupe peuvent se sentir obligés de répondre aux attentes des autres mecs du groupe, que ça leur plaise ou pas et où que ça puisse mener...
La mise en scène et la photo sont magnifiques. Les acteurs confondants de naturel.
#henrimesquida #cinemaetlitteraturegay
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