Bret Easton Ellis : Suites impériales


Clay, l’anti-héros du premier best-seller de Ellis, Moins que zéro, revient à Los Angeles. Il a vingt ans de plus, il est un peu plus vieux, un peu plus seul et désoeuvré. Il retrouve ceux qu’il a connus dans sa jeunesse, Blair, Trent, Julian, Rip… les représentants d’une génération dorée et perdue, abandonnés à la vacuité, la solitude et la vanité qui les détruisent. Producteur associé à l’adaptation cinématographique de son dernier scénario, Clay participe au casting du film, joue de son pouvoir, séduit Rain, une jeune actrice sublime et sans talent, lui fait de fausses promesses. Il est prêt à tout pour la posséder. Mais qui manipule qui ? Clay découvre vite qu’il est constamment observé et suivi…Jalousie, trahisons, meurtres, manipulations… ici, dans la Cité des Anges, chacun se heurte aux mêmes jeux d’emprise et aux mêmes démons, s’enivre de sexe, d’images, de drogues, de fêtes irréelles… et se révèle toujours plus amer et désespéré. Le vide et la fureur aspirent les personnages, et leur font perdre tout sens des limites. On est saisi par la virtuosité du style sobre et acéré, les chapitres courts donnent à la narration un rythme percutant. L’atmosphère est oppressante, la noirceur non dépourvue d’humour. L’angoisse et la tension croissantes annoncent une lente descente aux enfers. Le portrait de notre époque est aussi violent que subversif.
Clay, après avoir rêvé d'une carrière d'auteur, est scénariste pour le cinéma et vit à New York. Il rentre dans sa ville d'origine, L.A, à l'occasion des vacances de Noël. C'est l'occasion pour lui de retrouver une partie de son groupe d'amis, lequel a fait l'objet il y a une vingtaine d'années d'un livre à succès, qui aurait pu être « Moins que Zéro » de Brett Easton Ellis.
Il est aussi à L.A pour suivre les castings du film sur lequel il travaille actuellement, Les Auditeurs. Lors de ces rencontres, il rencontre une jeune actrice, Rain, dont il s'entiche et qui commence à passer de plus en plus de temps avec lui au fur et à mesure que les jours passent, dans le but avoué d'obtenir le rôle principal du film de Clay, ce qui n'a pas l'air de le troubler outre mesure. Celui-ci semble douter de l'aptitude de Rain, mais il commence néanmoins à mener des démarches en ce sens, comme répéter le rôle ensemble avec elle. Ses amis sont aussi troublés par la mort récente d'un des leurs, Kelly, dans des circonstances à la fois troubles et glauques ; où il semble que tout n'a pas encore été dit.
Mais Clay est aussi de plus en plus troublé par une Jeep bleue qu'il commence à apercevoir régulièrement au coin de la rue de son hôtel, et dans les différents endroits où il se rend. de plus, il reçoit régulièrement des sms inquiétants d'un destinataire masqué qui lui répond parfois et semble tout savoir de ses faits et gestes. Parallèlement, tous ses amis semblent lui conseiller de laisser tomber sa relation avec Rain, que ça vaudrait mieux pour lui, mais lui n'en démord pas même s'il semble aussi réaliser que cela ne peut mener qu'à une impasse ; il ne peut s'empêcher de continuer à la voir.
Au fil de pages de plus en plus troubles, nerveuses, Clay en apprendra finalement plus sur Rain, les liens qui l'unissent à ses amis ; et des réminiscences de son propre passé viendront éclairer d'un autre jour le comportement et les zones d'ombres de Clay.
Brett Easton Ellis est trop malin pour nous donner une « suite » à Moins que Zéro 20 ans après, et s'il en reprend certains des personnages, c'est cette fois pour les plonger dans une nasse sombre et trouble de leurs souvenirs, leurs névroses et leurs relations pour le moins opaques. Son style nerveux, saccadé mais toujours élégant, avec un sens de la formule et du détail qui fait mouche reste diablement efficace ; et il abuse moins que d'ordinaire des mises en abîme et des références à répétition, ce qui donne finalement une histoire courte, sèche, pointue, avec un final hallucinant et halluciné dont on se souvient longtemps après avoir fermé le livre. 

Le soleil ne disparait pas vraiment, l’hiver, à Los Angeles… S’y rajoute juste une brume livide susceptible de vous envoyer, parfois, dans les pires trous noirs lorsque vous n’êtes déjà pas très bien dans votre tête… Les fans de Bret Easton Ellis ne pouvaient pas rêver, à vrai dire, de meilleur climat pour retrouver l’univers glacial et paranoïde de l’auteur d’ “American Psycho” et “Lunar Park“.





La suite n’est qu’une impériale descente aux enfers à la “Mulholland Drive” dans ce qu’une certaine Amérique peut avoir de plus pourri en termes d’exploitation de l’autre ou de vide existentiel, et cela sur ton minimaliste que Bret Easton Ellis affectionne et qui fait froid dans le dos. Ses personnages ne pensent jamais plus haut que le lecteur.

Même dans des situations extrêmes, ils gardent toujours leur calme, comme si plus rien ne les étonnait, ou alors comme s’ils étaient déjà morts intérieurement, l’égo dilaté dans les trahisons et l’incapacité d’aimer…

On n’oubliera pas de sitôt, vers la fin du livre, cette séquence gore dans le désert de Palm Springs qui voit Clay se porter presque à la hauteur du Patrick Bateman d’ “Américan Psycho“…

On n’oubliera pas non plus les dernières lignes de “Suites impériales“… Elles sont sans doute ce que Bret Easton Ellis a écrit de plus bouleversant depuis qu’il a été consacré comme l’enfant terrible de la littérature américaine…

“Suite(s) impériale(s) “, de Bret Easton Ellis (Robert Laffont) Parution le 16 septembre.

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