Mathieu Lindon ce qu'aimer veut dire.


J'ai trouvé ce roman beau et émouvant.

Ce récit raconte principalement l'amitié de l'auteur avec Michel Foucault et sa relation avec son père, Jérôme Lindon. Y apparaissent également Hervé Guibert et Daniel Defert.
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Plus de vingt années après la mort de Michel Foucault et dix ans après la mort de son père, l’auteur relate sa relation privilégiée avec le philosophe et lui rend un hommage intime. En miroir, il analyse sa difficile relation au père. L’auteur se souvient des années passées dans l’appartement de Michel Foucault, rue de Vaugirard, espace où le maître absent permet à de jeunes hommes de se construire1. Mathieu Lindon interroge l’amour filial, la transmission : comment devient-on un homme entre héritage familial et amitiés homosexuelles2 ? Au-delà du deuil, lorsque les dates et les noms s’effacent, l’auteur accepte l’héritage3.

Dans À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, le photographe et romancier Hervé Guibert décrit avec précision Michel Foucault, tant du point de vue du caractère – généreux, attentionné – que de celui de sa vie intime : amateur de LSD, adepte du sadomasochisme et de rencontres sans lendemain. De ces deux "visages" du penseur, Mathieu Lindon ne retient que le premier dans son texte, mais précise qu'il ne l'a jamais considéré comme un second père : "Michel, je ne l’aimais aucunement comme un père mais une figure tutélaire, généreuse de son savoir et de ses expériences."

Qu'est ce qu'aimer ? est la question préalable autour de laquelle se décline l'écriture de Mathieu Lindon. Cette question, aux allures si simple, comporte en fait de nombreuses réponses.
"Ce qu'aimer veut dire" nous livre les pensées, les souvenirs, les expériences de l'auteur... un tableau complexe, ambivalent, une mosaïque d'expériences de jeunesse qui nuance et illumine sa vie d'adulte dont il livre à la fin quelques esquisses.
Fils de Jérôme Lindon, le célèbre directeur des éditions de Minuit (à qui Jean Echenoz à consacré un portrait passionnant dans un ouvrage baptisé de son patronyme), Mathieu se destine au journalisme et à sa plume. Evoluant dans un milieu résolument intellectuel et aisé, son adolescence est pavé de rencontres marquantes : l'amitié de Robe-Grillet par exemple. Mais c'est surtout la rencontre du philosophe Michel Foucaut qui sera emblématique et décisive, pour un jeune homme en quête non pas de repères, car ayant eu la chance d'en bénéficier, mais d'horizons. A la fois impressionné par la figure de son père, et rebelle à son autorité, Mathieu Lindon trouve en Michel Foucaut non pas un autre père ou un amant, mais plutôt un véritable ami, une figure de bienveillance qui le guidera dans sa véritable émancipation.
Le livre n'est pourtant pas qu'un simple hommage. Ecrit avec une palette varié d'expériences et d'années, il narre sans gêne ni pudeur les prises de drogues, le LSD , l'acide...S'il évoque des pratiques et des goûts sexuels, c'est sans désir de choquer ni de cacher, mais pour dépeindre une époque et un quotidien, entre idéalisme assumé et maturité.
Plus qu'une histoire d'amitié, ou une biographie, ce livre est celui d'une époque, et cela dans un double sens. Il raconte ce que c'était que d'avoir vingt ans à Paris dans les années 70. Mais il raconte aussi l'initiation d'un jeune homme. Initiation à l'amour, à l'amitié, à la littérature.
Par dessus tout demeure l'image d'une époque « bénie », celle de la jeunesse où tout est à apprendre, pour peu que la société et les aléas de la vie vous en laisse l'occasion.
Figure de mentor, Michel Foucaut est décrit dignement jusqu'à sa mort. Il semble qu'avec lui disparaît aussi une part et de la jeunesse de l'auteur, mais aussi de la serenité de l'époque : avec l'apparition du sida et les débuts de l'épidémie, allait commencer une nouvelle ère dans la conception des relations sexuelles, et d'avantage encore chez les homosexuels.
La première partie centrée autour du Michel Foucault, et tout particulièrement autour de son appartement rue Vaugirard, véritable « repère » et emblème de liberté et créativité, se lit avec enthousiasme.
On ressent la réelle admiration de Mathieu Lindon et la difficulté que doit représenter de dresser le portrait de quelqu'un d'admiré et disparu. De cette pudeur, de cette presque timidité, il demeure une gêne dans l'écriture qui n'en n'est pas moins touchante et littéraire.
La deuxième partie, un peu plus décousu, rompt le fil de la narration, mais n'en n'est pas moins riche.
Au delà du portrait de la vie au près de Michel Foucault, qui est bien sûr ce qui marquera tout particulièrement bon nombre de lecteur, Mathieu Lindon revisite la figure paternelle, grandit qu'il fut par la connaissance du philosophe. S'étant émancipé et ayant bénéficié d'un appui intellectuel et moral non moins solide avec Michel Foucault, c'est en homme adulte, que Mathieu Lindon peut reparler de ce personnage non moins impressionnant qu'est Jérôme Lindon.
« Ce qu'aimer veut dire » est un hommage à l'amour. Un simple hommage à tous les visages que peut prendre un tel sentiment. Aimer, nous rappelle Mathieu Lindon, c'est grandir.

Derrière un titre tout ensem­ble beau et distant, qui acquiert à chaque page davantage de sens, c'est un livre d'hommage qu'a écrit Mathieu Lindon. Le mot hommage n'étant pas ici à entendre et à prendre au sens emphatique du terme, mais comme ayant trait à l'intimité, à la sphère privée et sentimentale, à l'amour donné et reçu. A ce mot, trop solennel sans doute, Mathieu Lindon en préfère un autre : reconnaissance. « Je suis reconnaissant dans le vague à Michel, je ne sais pas exactement de quoi, d'une vie meilleure », écrit-il aux premiers instants de Ce qu'aimer veut dire. Une vie meilleure, ce n'est pas rien... Et le prénommé Michel qui lui a fait ce don, c'est Michel Foucault, qui fut son ami et figure, dans ce récit autobiographique, non pas sous les traits de l'homme public, l'intellectuel respecté, voire révéré, mais comme une présence familière, intensément bienveillante et aimante.

Quel fut donc précisément ce legs de Foucault ? Quelque chose de profond et d'essentiel. Quelque chose qui a trait à la confiance, au respect, à l'élégance, à une vraie noblesse des sentiments. Difficile d'être plus précis, et Mathieu Lindon s'y emploie pourtant, au fil de plus de trois cents pages remarquables qui constituent non pas des Mémoires, mais un authentique et émouvant roman d'apprentissage raconté au présent. L'histoire d'un jeune homme né au mitan des années 1950 et qui se cherche un avenir dans le Paris de la fin des années 1970, du début des années 1980 - en ce sens, Ce qu'aimer veut dire peut être lu comme le prolongement, esthétiquement très différent, d'En enfance, le précédent livre de Mathieu Lindon. Un lieu privilégié, aux attributs presque magiques, où la liberté de chacun et l'attention à l'autre sont les seules règles en vigueur, est le creuset de cette initiation tant sentimentale et sexuelle qu'intellectuelle et littéraire : l'appartement de Michel Foucault, rue de Vaugirard. Un lieu comme entre parenthèses, autour duquel gravite une attachante galaxie de jeunes gens dont les prénoms deviennent vite familiers : au premier plan Hervé (Guibert), mais aussi Gérard, Marc, Thierry, Hélie...

Hors les murs de l'appartement de la rue de Vaugirard, l'autre pôle vital de l'existence de Mathieu Lindon, c'est la famille, notamment et surtout son père, Jérôme Lindon, éditeur de Duras et de Robbe-Grillet, directeur des éditions de Minuit, ami de Beckett - qui, à l'instar de tous les personnages du livre, apparaît ici sous son seul prénom : il est Sam. La silhouette austère, parfois lointaine de Jérôme Lindon, mort il y a dix ans, figure non pas en opposition à celle de Michel Foucault, mais comme en contrepoint - de lui aussi, Mathieu Lindon a perçu un héritage, mais « ce qu'on ne supporte pas chez un père, c'est ce qu'il vous a légué », et peut-être fallait-il qu'il ait reçu le précieux don de Foucault pour accepter le legs paternel.

Roman d'apprentissage, tableau d'époque, le récit de Mathieu Lindon porte ainsi une méditation sur l'amour et les multiples formes d'attachement qu'ainsi on nomme - que signifie intimement, hors des archétypes socialement édictés, le fait d'aimer, d'être ami, d'être père, d'être fils... Sans impudeur, ni excès de réserve, l'écrivain a le ton juste pour parler de lui, des autres. Cette famille choisie qu'à partir du milieu des années 1980 l'épidémie de sida est venue décimer. Michel, Hervé sont morts, et combien encore. En ce sens, Ce qu'aimer veut dire est aussi, à sa façon, un mausolée des amis, des amants. D'où vient qu'en dépit de cet inconsolable chagrin la lecture de ce livre fait tant de bien ? C'est l'une de ses beautés que ce secret.





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