Claude Arnaud q'à tu fait de tes frères?



le fratrie de Claude Arnaud ce sont ses deux frères ainés Pierre de 7 ans plus âgé et Philippe de 4 ans -"Pierre en aventurier mental, Philippe en penseur global, moi en gavroche planant (...) p145- il y encore un petit dernier Jérôme mais qui est né trop tard pour avoir une place importante de cette autobiographie, c'est avec une grande lucidité et beaucoup d'enthousiasme que Claude nous décrit l'avant 68 entre autre dans un chapitre magnifiquement évocatoire d'un été en Corse dans la famille de sa mère -des notables- qui rend toute la magie de l'enfance et du jardin d'Éden où Claude a l'impression de vivre loin de la grisaille parisienne, puis il y a mai 68 où il a 12/13 ans qui déboulonne l'autorité du père, qui exalte la jeunesse et la liberté, qui métamorphose la ville de Paris en une cité vivante, enfiévrée et post-apocalyptique -surtout dans les yeux d'un mouflet qui ne comprend pas mais qui engrange ce souffle libertaire-, puis l'après 68 où il y a les combats pour les utopies de son époque -trotskyste, maoïste...- dés ses 15 ans, les paradis artificiels, le rock, les expériences sexuelles de toutes sortes -garçon, fille, travesti- la vie de bohème, l'abrutissement dû au rejet de la société en bloc puis sa sortie non sans peine de cette période utopique où le Nous remplaçait le Je ... Pierre brillant étudiant trop âgé pour vivre l'exaltation de mai 68 en direct ferra sa révolte personnelle plus tard et il y succombera, Philippe pétillant d'intelligence refusant de trahir ses idéaux se morfondra dans une mélancolie crasse et refusera de laisser une trace de son passage sur cette terre... ce livre m'a subjugué par une écriture entrainante, par la restitution sans complaisance de ce moment de l'Histoire inimaginable à des jeunes d'aujourd'hui -ce fut un tourbillon déjanté avec l'idée réelle de changer la société où tout étai permis!-, évidemment Claude est lucide il sait que tous leurs magnifiques idéaux n'ont pas débouché sur ce dont ils rêvaient (et heureusement!) mais pour rien au monde il aurait voulu naître à une autre époque... on croise Sartre, Pinget, Lacan, Guattari, Hervé Guibert etc Claude vivra de nombreux mois dans l'appartement de Frédéric Mitterand encore gérant/propriétaire d'une petite salle de cinéma pour cinéphile... Véritablement passionnant, j'ai adoré cette autobiographie qui se lit comme un roman. Je le conseille fortement.

PS deux citations "Pierre en aventurier mental, Philippe en penseur global, moi en Gavroche planant, nous sommes déterminés, chacun à notre façon, à ébranler le monde de notre père, à mesurer notre puissance destructrice. Cela nous mènera-t-il à une seconde Genèse ou à un suicide collectif? Tout vaut mieux que cette société de morts-vivants." p145 et "(...)C'est une vie si facile, abondante et animée, que je me découvre une ambition, celle de ne jamais rien faire. De passer mes journées à sentir, à comprendre, à paresser et à jouir, en respirant l'air du temps. Il est hors de question que je perde ma vie à la gagner ; je la passerai à la dépenser." p224

Claude Arnaud, que l’on connaît pour sa biographie de Cocteau et pour son remarquable Qui dit je en nous ? prix Femina de l’essai, revient à la question qui hantait ses précédents livres : celle de notre identité, si fragile. Il le fait ici sur un mode plus intime, en mêlant le tableau d’une époque à l’histoire de ses propres transfigurations. Il montre aussi comment l’air du temps accélère la décomposition de sa famille, après la mort prématurée de sa mère : parce que ses frères abandonnent leurs études sous la pression politique ; parce que leur père fait soudain figure de coupable social et générationnel, sous le jugement implacable de ses jeunes gardes rouges. Les jolis souvenirs de vacances en Corse, au début du livre, renforcent, par contraste, le sentiment d’une destruction aveugle mêlée aux ivresses adolescentes. Au centre du livre, Claude Arnaud rejoint les maos de la Gauche prolétarienne et leur gourou, Pierre Victor. «Aussi brillant à l’oral que lourd à l’écrit», le futur Benny Lévy manipule sa cour de jeunes militants. Quelques-uns croient la partie gagnée parce que «Radio Tirana nous soutient». Arnulf, lui, glisse rapidement d’un cercle à l’autre pour fréquenter des psychanalystes, coucher avec des hommes et avec des femmes, devenir l’amant d’un travesti, dans une société où chacun doit prendre son plaisir sans appropriation bourgeoise de son conjoint ! La drogue est omniprésente ; et là encore Claude Arnaud restitue tout à la fois le sentiment de plaisir, de découverte, conjugué à celui de l’errance et du gaspillage. Comme s’il voulait rappeler que toute expérience nous construit, et que cette France des années 1970, dans son urgence à tout balayer – et même avec ses idées idiotes –, reste un moment exceptionnel : «Le paradis du libre-échangisme. Toutes sortes de faunes s’y croisent, l’apartheid social et le tourisme mondialisé ne l’ont pas encore vidé ou stérilisé.» Les fameuses années 1980 verront s’effondrer les illusions lyriques ; elles en sont aussi le prolongement: on le sent à la fin du roman, quand le narrateur découvre la rue Sainte-Anne où règne Fabrice Emaer, patron du Sept et du Palace. Le goût festif des nouvelles nuits parisiennes reste teinté de bohème hippie, de bouffées de drogues et d’ambiguïté sexuelle. C’est à ce moment, toutefois, qu’Arnulf redevient Claude Arnaud et décide de se mettre au travail: «Je n’avais peut-être pas d’essence mais j’allais tenter de m’assurer une existence...» Ainsi, le troisième de la famille, le moins fixé sur lui-même, s’en sort-il mieux que ses frères, largués en chemin, et dont la présence obsédante nourrit un livre personnel qu’on ne lâche pas jusqu’à la fin, tant il a le goût romanesque de la vérité





Comment développer son acuité au monde, sans atrophier son attention aux proches ? A cette question digne d'Hélène Cixous, dont il raconte avoir suivi les cours à l'université de Vincennes, envoûté par son « timbre diffus et capiteux qui s'insinue dans la psyché comme un opium », Claude Arnaud ­répond avec ce livre de souvenirs allègre et douloureux. Chez lui, l'écriture autobiographique est une main tendue où la culpabilité cède le pas à la reconnaissance. Lorsque sa mère s'éteint d'une leucémie, la lucidité s'impose sur ce décalage entre l'infiniment grand et l'intimement petit : « Son champ d'intervention n'a cessé de se réduire avec la maladie, le mien s'est ­ouvert à l'infini. Elle s'est pelotonnée dans son intérieur jusqu'à ne plus quitter sa chambre, seuls les grands problèmes du monde me concernaient encore. Je m'en veux d'avoir pris tout le temps d'étudier la "pensée" de Mao à travers cent brochures indigestes, non de l'observer au quotidien. »

Le petit « Clodion » a grandi en pyjama de Tergal dans le Paris des années 1950, au sein d'une famille de garçons. Le destin tragique de cette fratrie égrenée par la mort sert de fil conducteur à son récit ­galopant, qui retourne le titre comme un gant : Qu'as-tu fait de tes frères ? devient peu à peu « Qu'ont fait tes frères de toi ? » Hanté par la certitude qu'il était voué à rester dans l'ombre, alors que ses frères valaient d'accéder au firmament, Claude Arnaud se cache et se révèle dans un clair-obscur pénétrant. Tiraillé entre fraternité humaine et fraternité familiale, il observe la métamorphose de son sens de l'enga­gement : « J'ai beau détester aussi l'époque, je fais en sorte de l'oublier ; j'ai milité si jeune que mes facultés d'indignation se sont émoussées, le poids de l'injustice s'est montré bien plus fort qu'elles. » Capteur captivant des secousses souterraines des êtres, il accède à leur vérité. C'est aussi une forme de militantisme, noble et précieuse.






Au milieu des années soixante, entre Boulogne et Paris, un enfant s’ennuie. Il est curieux, versatile, vibrant, timide. Il passe ses journées à lire et ses nuits à scruter les étoiles, sous le regard ironique de Pierre et Philippe, ses brillants aînés.
Mai 68 : Paris se soulève, le garçon de douze ans rejoint la Sorbonne et l’Odéon. Il abandonne son prénom pour devenir Arnulf l’insaisissable, découvre les paradis artificiels et l’amour avec les deux sexes, se change en agent révolutionnaire puis en oiseau de nuit…
Dans l’effervescence ambiante, la famille se désagrège : Philippe part faire le tour du monde, la mère meurt d’une leucémie, Pierre sombre dans la folie. L’euphorie collective se mue en tragédie intime, la décennie de poudre tourne aux années de plomb. « Notre seul devoir est de faire tout ce qu’on nous a interdit de faire » : le cadet se demande pourquoi il a réchappé à ce programme, que ses aînés ont suivi jusqu’au drame.
Ample, ambitieux, ce roman ressuscite la vitalité presque suicidaire d’une génération nourrie de pop-rock et de drogues, d’amour libre, d’excès revendiqués et d’utopies. Qu’as-tu fait de tes frères ?est la confession d’un enfant d’une époque qui continue de hanter notre imaginaire.

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