Johan Heliot : la lune seule le sait

La Trilogie de la Lune, tome 1 : La Lune seule le sait par Heliot
Au printemps 1889, un vaisseau hybride de chair et de métal se pose à proximité de l’Exposition universelle de Paris, devant une foule médusée. Dans ce XIXème siècle uchronique, Napoléon III a triomphé de l’Europe et tient la France d’une main de fer. Dix ans plus tard, son gouvernement n’a de cesse de tirer profit de la science des ishkiss, ces alliés extra-terrestres. Mais la révolte gronde parmi les exilés, très bien organisés en un réseau clandestin efficace. Depuis les îles anglo-saxonnes, Babiroussa, le chef du réseau, envoie son meilleur agent, l’écrivain Jules Verne, en Métropole. La mission du vieil homme est simple. Infiltrer la base lunaire impériale et retrouver la révolutionnaire Louise Michel, forçat sur la Lune. Progressivement, Jules Verne se rend compte que sa mission dépasse le cadre d’une simple évasion du bagne lunaire, et que le destin même de la révolution contre Louis Napoléon se jouera là-haut, sur notre satellite naturel !

Récompensé d’un Prix Rosny-Aîné en 2001, ce premier roman d’auteur avait de quoi éveiller ma curiosité. Son univers uchronique et steampunk, mêlant technologie à vapeur, empire français et extra-terrestres, ne pouvais qu’éveiller mon actuel appétit pour ces deux sous-genres. Je me précipitai donc sur cette nouvelle édition en format Folio-SF (2007), republiée d’après la version originale parue chez Mnémos (2000), et revisitée par l’auteur en personne. Et je dois bien avouer que je n’ai pas été déçu par mon voyage lunaire !

Johan Heliot sait nous faire rêver. Ses technologies hybrides humains-ishkiss regorgent de charmes victoriens et se distinguent pour leur démesure insectoïde. Pour effectuer des tâches courantes, maintenir l’ordre ou se déplacer librement sur la Lune, les humains ont adopté tout un bestiaire de bêtes de somme ishkiss et développé un arsenal fantaisiste de machines biomécaniques. Les inventions les plus folles de cette uchronie restent les vaisseaux cosmiques en chantier dans les fonderies lunaires de l’Empereur, à mi-chemin entre cuirassé de la Marine et monstres chitineux !


Mais le roman de Johan Heliot ne se limite pas à nous faire rêver de cette lune partagée entre français et ishkiss. Il met également en scène le célèbre écrivain Jules Verne, dans une version uchronique pourtant pas si éloignée de son double originel. Alors que le vieil écrivain devrait avoir connu quelques déboires financiers (le forçant à vendre son fameux Saint-Michel III) et s’engagerait dans la vie politique en Métropole, le voici voguant toujours sur les flots, agent secret de la résistance anti-napoléonienne. Ses rapports avec le fils Hetzel sont simplifiés vers une entente cordiale, mais la fibre plutôt sociale animant l’homme politique qu’il fut également y est conservée.

Jules Verne devient, par sa seule présence, un guide précieux pour le lecteur dans cet univers uchronique. Mettant en scène le propre voyage extraordinaire sur la Lune de ce célèbre auteur qui nous fascina tant avec ses propres romans, Johan Heliot parvient à diriger avec brio le romancier dans une aventure uchronique palpitante. Une réussite, je le répète, pour un ouvrage des plus distrayants qui sait tenir en halène son lecteur dans un flot ininterrompu de découvertes et de personnages hauts en couleur. La Lune seule le sait fait partie à mes yeux de ces « lectures loisirs » efficaces, sachant mêler évasion et qualité. Plutôt alléchant, non ?

De la S.F impertinente qui s'amuse avec l'Histoire de France et du genre... Bravo !

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