Lovecraft : les montagnes hallucinées


Les montagnes hallucinées par Lovecraft




Dans ce roman, une équipe part en expédition au Pôle Sud afin de faire des prélèvements et d'étudier ce nouveau territoire inhospitalier. S'enfonçant toujours plus loin dans le froid et la neige, ces scientifiques vont découvrir des créatures de légende dont ils ne soupçonnaient pas la véracité, mais aussi leur histoire à travers les âges et la menace qui pèse sur la Terre.
C'est une aventure palpitante où aucun détail ne nous est épargné, qu'il s'agisse d'histoire, des créatures, de la science ou des explorations, réels ou non.



Au cours d'une expédition en antarctique, deux scientifiques mettent au jour, derrière une chaîne de montagnes en apparence infranchissable, les vestiges d'une ancienne cité aux proportions gigantesques. Pendant cinq ans, un vénérable professeur d'université devient la proie d'étranges visions. Cherchant à comprendre ce qui l'a " possédé ", il découvre en Australie des ruines plus qu'antédiluviennes cachées au regard des hommes. En visitant les dédales et recoins de ces lieux maudits, tous vont observer des fresques évoquant l'arrivée sur terre d'entités d'outre-espace. Et constater que la menace de les voir reprendre le contrôle de la planète existe toujours...




la narration est très pointue et rythmée, ce qui est un bon point quand on sait que le récit est composé à 80% de descriptions et à 20% d'action. Mieux vaut en effet être précis pour rendre crédible l'univers fantastique totalement nouveau inventé par l'auteur. le narrateur racontant un récit passé, il n'y a de ce fait aucun dialogue, ce qui alourdit quand même pas mal l'ensemble et diminue les effets d'angoisse (fatalement, s'il peut le raconter, c'est qu'il s'en est sorti). Et pourtant, tenant compte de mes insondables lacunes scientifiques (j'ai parfois dû m'accrocher), j'ai pris un certain plaisir à imaginer cette cité morte au coeur de montagnes si hautes qu'elles défient les hommes et les dieux

Il y a un schéma classique des nouvelles de Lovecraft. Un personnage, consciencieux et scientifique se retrouve confronté à un événement inexplicable. Toutefois le personnage rumine tant qu’il peut pour trouver une explication rationnelle, mais à la fin il abdique le plus souvent dans la terreur. Pourquoi ? On pourrait dire que ce travail de trouver une causalité au phénomène mystérieux, de le faire rentrer dans une tentative d’organisation du monde c’est le rendre explicable et possible. Et là advient la terreur, le phénomène invraisemblable a une place dans une représentation rationnelle du monde, bien que cette place soit à l’écart, puisque le phénomène signifie la possibilité de quelque chose de terrifiant et défaisant la représentation rationnelle (ainsi la météorite dans La couleur tombée du ciel).

Les montagnes hallucinées ne déroge pas à ce schéma, l’aspect terrifiant en moins. En effet, l’aspect « conscience rationnelle » y est particulièrement développée, cela mettant à distance le lecteur de l’action. Lovecraft donne des éléments à caractère physiologique, anthropologique et historique concernant le peuple des Anciens. La perception du narrateur sur les Anciens passe d’une certaine crainte à une observation anthropologique. Observation qui lève bien des mystères, allant même à une sorte de pitié envers ce peuple disparu. Ce qui déclenche la terreur d’un des personnages n’est donc pas un de ces Anciens, mais une de leur créature, les shoggoths (créatures se présentant comme étant un amas de cellule pouvant prendre n’importe quelle forme, dont l’extraterrestre de The Thing de Carpenter s’inspire largement). Ce n’est pas par hasard que la terreur est insufflée par une créature multiforme, incarnant d’une certaine manière le chaos.

Le shoggoth, et cette idée de chaos qu’il charrie, vient perturber la rumination de la conscience scientifique. Il y a surement une tentative de la part de la science de vouloir atteindre un certain savoir total sur le monde. En tout les cas les personnages de Lovecraft désirent obtenir ce savoir (avec tous les aspects transgressifs que cela comporte). Mais devant cette prétention se dresse l’innommable phénomène qui fait sauter la représentation rationnelle. Là où le personnage, le sujet s’adonnant à la science (donc tentant de découvrir quelques secrets de l’univers) et faisant son enquête, le shoggoth, la météorite, Nyarlathotep, la musique d’Erich Zann, Cthulhu, la reconnaissance de son écriture dans un parchemin perdu au fond d’une cité antique, tout cela met un point d’arrêt dans la conscience. Là où le sujet pensait finir son voyage, il trouve quelque chose qui vient le diviser, lui faire accepter ce qui lui semblait inacceptable. Il en va de même avec l’inconscient. Celui-ci montre bien au sujet que ce qu’il entreprend peut se solder par un échec du rationnel, et ce qui apparait comme irrationnel a malgré tout une fonction, celle de montrer que ce que croyait vouloir le sujet n’est pas ce qu’il veut en réalité. Les nouvelles de Lovecraft illustrent à leur manière que le sujet de la science n’échappe pas moins à cette division que la plupart des sujets peuvent expérimenter, celle de l’inconscient/conscient.

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