Pierre Bordage : Le feu de Dieu.



Prévoyant la catastrophe, Franx a convaincu les siens de fortifier le Feu de Dieu, une ferme du Périgord, conçue pour une autonomie totale de plusieurs années.

Mais le cataclysme le surprend à Paris et. pour rejoindre sa famille, il entreprend une impossible odyssée, à pied dans des ténèbres perpétuelles en compagnie d'une autre survivante, une petite fille muette.

Pendant ce temps, dans l'arche transformée en bunker, sa femme et leurs deux enfants se retrouvent sous la menace d'un dangereux paranoïaque qui a pris possession des lieux...

Défiant sur leur terrain les maîtres du scénario catastrophe. Bordage conduit son récit à un rythme et dans un suspense impitoyables.

Le lecteur suit, halluciné, cette quête pour la vie dont il sortira, comme les personnages du roman, transformé, pacifié et grandi.

La malédiction de Cassandre a toujours frappé les visionnaires : ils prédisent l'avenir, mais jamais personne ne les croit.
Ainsi en est-il de Franx, héros de ce livre, vilipendé, moqué, trahi, méprisé, qui prophétise la fin de ce monde, et l'avènement d'une nouvelle ère après une décennie de bouleversements géologiques et climatiques.
Franx a eu l'incroyable énergie de réaliser son rêve de fou en construisant avec l'aide d'une petite communauté une véritable forteresse dans le fin fond du Périgord noir, au lieu-dit le « Feu de Dieu ». Une forteresse destinée à les protéger durant la décennie que durerait les cataclysme climatiques et géologiques.
Mais qui, à l'exception de Franx avec son caractère bien trempé et son intransigeance, pourrait durablement croire à l'extinction prochaine de l'espèce humaine ?
C'est au moment où la petite communauté se désagrège de l'intérieur et quitte le « Feu de Dieu » que le « Grand Bouleversement » finit par arriver, si promptement que Franx n'a même pas le temps de dire aux incroyants, aux sceptiques et aux persifleurs : « Vous voyez, je vous l'avais bien dit ! »
Deux destins se déroulent en parallèle.
Le voyage apocalyptique et dantesque de Franx pour rejoindre sa famille terrée au « Feu de Dieu ». Cinq cent bornes à pied au milieu d'un paysage ravagé, d'orgueilleuses cités millénaires englouties ; une marche harassante dans le blizzard, la nuit perpétuelle et les pluies de cendre ; un combat inégal contre la faim, l'épuisement, le découragement, et le froid mordant jusqu'à l'os ; une lutte de chaque instant contre soi-même et contre tous les autres survivants, et d'abord les rats, éternels rivaux de l'homme. Pour survivre et avancer, Franx doit abandonner toute émotion, toute compassion. Se faire plus dur que le roc.
Quant au « Feu de Dieu », nous assistons à un huis-clos malsain et étouffant où la famille de Franx se protège tant bien que mal et cherche à se libérer de la tyrannie de Jim aux « doigts tentaculaires ».
Pourtant, malgré cette atmosphère oppressante, cet épuisement des corps et des âmes tellement palpables, ce fatalisme mortifère, il existe toujours un peu d'amour et d'humanité qui permet à nos héros si malmenés de poursuivre leur chemin, de chercher à survivre, vaille que vaille.
On entrevoit, de temps à autre, dans une fugace éclaircie une espérance nouvelle pour l'humanité, et c'est tout le talent de Pierre Bordage que d'avoir confié les clefs de ce monde en gestation aux deux êtres les plus fragiles, les plus innocents et les plus démunis de cette sombre histoire.
Un beau livre, d'une noirceur sidérale, d'une violence pure, mais aussi plein d'espérance, qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout.

: Avant, à la lettre B de la SF française, il y avait Barjavel. Maintenant il y a aussi Bordage, un grand monsieur du genre. Je qualifierai ses romans de SF humaine, voire humaniste. Car Monsieur Bordage ne nous entraine pas dans des explorations lointaines de l'univers, flanquées de robots et d'explications scientifiques discutables. Non. Il nous livre ce que je considère comme l'essence de la SF : transposer le quotidien de l'espèce humaine dans un monde désorganisé à réorganiser. Le Feu de Dieu en est un exemple et un bon exemple. Dans le feu de Dieu il traite du thème qui lui est cher : la quête du sens de la vie, ramené à l'essentiel, épuré des contraintes et réflexes dits civilisés. L'homme se reconcentre sur lui-même et sur les autres ; il se recentre au milieu de la nature bouleversée qui met en exergue les bons comme les mauvais côtés des uns et des autres. Bref, on pense un peu aux personnages principaux de Orson Scott Card, eux-aussi en quête de leur vérité.

Alors, faut-il le lire ? Oui oui oui, même et surtout si vous avez des a priori négatifs sur la SF

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