Georges Eekhoud : Escal-Vigor



Premier roman, paru en 1899, où un auteur, Georges Eekhoud, dans la fausse « calme Belgique », s’emploie à parler ouvertement de l’amour homosexuel – et son héros entend bien « demeurer jusqu’au bout fidèle à sa nature, juste, légitime ». Cela lui vaudra d’être déféré à la Cour de Bruges où, avec le soutien de nombre d’écrivains français et belges, il sera néanmoins acquitté.

Le titre du roman, Escal-Vigor, désigne un domaine imaginaire situé sur une île mi-celte, mi-germanique, où vient se réfugier Henry de Kehlmark.

Henry de Kehlmark. Héros inhabituel, Henry aime les hommes. À l'Escal-Vigor, il trouvera l'âme sœur en la personne d'un jeune paysan, Guidon, qui passe pour avoir «des penchants et des inclinations bizarres, pensant blanc quand les honnêtes gens pensent noir...» Avec Guidon et Blandine, amante passionnée, il vivra en vase clos, loin des médisances et des rancunes. Jusqu'au jour où le trio devra affronter la persécution des habitants déchaînés...

Publié en 1899, Escal-Vigor, fut le premier roman européen à traiter ouvertement l'homosexualité masculine d'un point de vue positif, ce qui entraînerait son auteur en justice. A cette époque, les relations sexuelles entre hommes étaient généralement considérées comme une perversion pathologique, alors quand Georges Eekhoud présenta ces deux héros qui non seulement n'avaient pas honte de leur homosexualité, mais qui la revendiquait avec audace, on peut d'imaginer l'impact social que cela pu causer en son temps.
Ce roman audacieux continue d'étonner aujourd'hui par la force de son postulat, sa profonde fraîcheur romantique et son style toujours agréable. L'environnement dans lequel enveloppe le lecteur est celui de la légende, puisque l'espace et le temps où se déroule l'intrigue est aussi mystérieux que le nom du château, car bien que l'on suppose qu'il se déroule au XIXe siècle, tout y évoque un temps légendaire, presque médiéval et mythique, avec ses nobles ses vassaux, ses châteaux, ses prêtres intransigeants et malfaisants, et ses méchants exécrables.
Une langue riche, charpentée, savoureuse, évocatrice, dense et sensuelle. Une œuvre essentielle dans le parcours des luttes homosexuelles.
Ah, la beauté romantique des histoires d’amours contrariées… Certes elles finissent mal, en général. Mais quand c’est à cause de l’intolérance et de la bêtise des villageois, c’est plutôt une tragédie qu’elles ne puissent survivre à la haine. Car deux hommes qui s’aiment au 19e siècle, cela relève d’une « grave immoralité » (comme l’a appris à ses dépends Oscar Wilde…) Heureusement l’époque a changé ! Et je l'espère du moins durablement!


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