German Maggiori : Entre hommes

Dans un luxueux appartement de Buenos Aires, un sénateur, un juge et un banquier se retrouvent pour participer à une orgie en compagnie de deux travestis et d'une jeune prostituée. Mais l'affaire tourne mal : la jeune prostituée meurt d'une overdose en pleine action. Or, toute la scène a été filmée par une caméra dissimulée derrière un faux miroir et la vidéo compromettante a disparu. C'est alors qu'entrent en scène deux flics, l'un obsessionnel, l'autre ex-tortionnaire alcoolique, chargés de retrouver l'enregistrement, deux voleurs prêts à tout pour parvenir à leurs fins et une bande de jeunes drogués embarqués bien malgré eux dans cette histoire.




"Entre Hommes" ,qui a été  réédité en Argentine en 2021 (pour ses 20 ans) est un voyage délirant dans un Buenos Aires violent, celui des années 90, celui qui était à un pas de la faillite qui arriva finalement en décembre 2001 lorsque la crise éclata. Un polar très noir qui ne lâche à aucun moment le lecteur qui fut publié, justement, dans cette argentine chaotique de 2001 ce qui explique qu'il passa pratiquement inaperçu. Puis peu à peu, il trouva des lecteurs qui se le recommandait de bouche à oreille, avec enthousiasme. Car c'était un polar qui permettait de comprendre parfaitement tout ce qui se passait dans les rues argentines: le désastre social et économique, la débâcle politique, cette atmosphère sombre et désastreuse qui recouvrait tout.

L'une des choses les plus impressionnantes de ce roman est l'intensité et la rapidité vertigineuse avec lesquelles l'histoire est racontée. Le style de l'auteur est assez original et impeccable. On ressent en le lisant comme une montée d'adrénaline. la trame bénéficie d'un ton d'un rythme, d'un style. Et surtout d'une langue très travaillé d'une écriture très pointue qui parvient en même temps à capturer la langue argentine le langage de la rue et des bidonville et le roman oscille entre les deux et on note la finesse et le ton si différent du Castillan. La langue est ce qui fait de ce polar déjà intéressant un roman de haut vol.
Germán Maggiori signe un polar vertigineux, frénétique et saturé d'adrénaline.


Voici un extrait d'une belle critique :
… ce serait passer à côté de ce qui fait vraiment le prix du roman de Maggiori : le portrait sans fard d’une société qui sombre, gangrénée par son passée, minée par la division, pourrie par un argent qui s’est volatilisé et pour lequel chacun est prêt à piétiner les autres. En lisant Entre hommes, on se traîne les mêmes gueules de bois que les personnages, on sent les ordures en décomposition, la sueur chargée de Fernet-Branca qui coule sous les chemises crasseuses ou les cadavres qui pourrissent en nourrissant quelques chiens errants. Sacré tableau, sombre mais éclairé parfois par un trait d’humour cynique, une situation cocasse ou la découverte d’écrits qui pourraient transformer un flic pourri en en anachorète heureux. Peut-être pas le « Meilleur polar argentin de tous les temps » comme l’annonce le bandeau, mais un vraiment bon roman. (blog encore du noir)

Et quelques citations (pour montrer le style) :

« Le Gaucher était en train de croquer une aspirine tout en préparant un sandwich au jambon, fromage et tomate sur le comptoir en marbre blanc de la cuisine. Il pulvérisait le comprimé avec ses molaires comme si c’était un bonbon à la menthe. L’acidité amère de l’aspirine le réconfortait. Il avait une légère gueule de bois et une grosse faim. Assassiner le rendait anxieux, l’anxiété lui ouvrait l’appétit, la nourriture lui coupait la faim, la satiété faisait de lui un assassin. Un cercle parfait. »


Il saisit le cadre et étudia la photo. Elle avait toujours été là. Un de ses conseillers lui avait recommandé de la placer bien en vue, comme il convient à tout leader, à tout homme : toujours avoir ses êtres chers près de soi. Sa femme avait une coiffure qui avait été à la mode deux élections plus tôt, une robe en lamé noire signée Elsa Serrano et l'alliance traditionnelle en or parfaitement visible. Ses fils étaient en jean et polo Lacoste, ils posaient de chaque côté de son épouse, décontractés, sûrs d'eux, rayonnants. La photo avait été prise dans le studio chargé des affiches de campagne. Le photographe avait mis plus de trois heures pour obtenir des expressions artificielles d'un si grand naturel. Dans la vraie vie, les choses étaient encore plus difficiles. L'époque où le sénateur Achabala donnait ses interviews entouré de sa famille était définitivement révolue. Sa femme passait ses journées enlacée à une bouteille d'Absolut, prenait des cachets pour dormir et pour se réveiller. Elle parcourait l'Europe escortée par un gorille, était accro à la chirurgie esthétique et dépensait des fortunes dans le toilettage de ses pékinois. Son fils aîné était un débile profond et le plus jeune, qui avait été éduqué dans les meilleures écoles et promettait d'être le digne héritier de son père, traversait sa période marxiste, quelque chose qui, par chance, se guérit tout seul.
Je vais arrêter la came, c’est décidé. Je vais arrêter les drogues pour toujours. Tout ce qui m’arrive, je dis bien tout, c’est à cause de ces putains de drogues. Parce que si j’avais pas été drogué, je serai jamais allé à l’hôtel avec cette merdeuse. Bon, il faut reconnaître que la nana était un vrai canon, elle avait de superbes yeux verts, une petite gueule d’ange gardien, des nichons énormes et un petit cul rebondi qui était une véritable œuvre d’art. Aucun type avec un peu de sang dans les veines n’aurait été capable de résister à une telle bombe, mais aucun type avec un gramme de cervelle ne l’aurait emmenée à l’hôtel.
Le mode opératoire était simple: les Paraguayens enlevaient leur victime dans la rue à bord d'une voiture volée, fournie par le conseiller municipal en personne, et la conduisaient aux porcheries. Là, ils la déshabillaient et la bâillonnaient pour qu'on n'entende pas les cris. Après ça, ils torturaient le pauvre diable à coups de couteau et, quand il agonisait, ils lâchaient sur lui une bête castrée affamée qui le dévorait en un rien de temps sans même laisser les os.

 








Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Lonsam Studio photo gay japon

Bret Easton Ellis : Les éclats 2023.

Jean Desbordes