Donald Westlake Mémoire morte roman



Paul Edwin Cole vient de sortir du coma. Il ne se souvient que d'une chose : un homme se jette sur lui pour lui fracasser le crâne avec une chaise. Acteur en tournée dans l'Amérique profonde, Cole a commis l'erreur de s'intéresser à une femme mariée. Séquelle du coup sur la tête, sa mémoire lui joue des tours. Une catastrophe pour un acteur. Le mieux pour Cole serait de regagner New York où il réside, mais comment faire quand on n'a pas de famille sur qui compter, quasiment pas de bagages et surtout, en lieu et place de souvenirs, un grand vide ? Mémoire morte raconte l'odyssée bouleversante et désespérée d'un homme à la recherche de son passé et dont le présent ne cesse de se dérober. Un homme qui devient à la fois enquêteur et sujet de son enquête. Resté inédit à ce jour, ce fascinant roman existentiel fait partie de 'l' oeuvre au noir' de Donald Westlake, dans la lignée du Couperet et du Contrat.
Biographie Donald Westlake

Jeune garçon à l'imagination débordante, Donald Westlake se passionne très tôt pour la littérature, et plus particulièrement la science-fiction et le roman policier, sans pour autant concrétiser son désir d'écrire. Alors que son père voudrait qu'il devienne architecte, il préfère travailler comme lecteur dans une agence littéraire. En 1960, à l'âge de 27 ans, il sort son premier roman, 'Le Zèbre'. Peu satisfait du résultat, il lui faudra attendre encore cinq ans pour imposer véritablement son style, dynamique et drôle, avec 'Le Pigeon d'argile'. Auteur étonnamment prolifique, Donald Westlake multiplie les ouvrages : 'Kidnap-party', 1968, 'Place au gang', 1973, 'Faites-moi confiance', 1988, 'Le Couperet', 1997, 'Le Contrat', 2000, 'Motus et bouche cousue', 2002... Il touche à plusieurs genres, et notamment la littérature policière, le thriller, le roman d'aventure et la science-fiction. Richard Stark, Tucker Coe, Samuel Holt, J. Morgan Cunningham, Timothy J. Culver ou encore Curt Clark, on connaît à Donald Westlake plusieurs pseudonymes, sous lesquels il a publié, entre autres, les aventures de deux personnages hauts en couleur, Parker et John Dortmunder. Il a remporté trois Edgar Awards, et s'est vu décerner en 1993 le titre de Grand Maître des écrivains policiers américains, en hommage à sa carrière. Côté caméra, Donald Westlake a écrit plusieurs scénarios pour le petit et le grand écran, et nombre de ses romans ont été adaptés au cinéma.

Tout commence par un coma de Paul Cole. Cet acteur new-yorkais se retrouve sur un lit d’hôpital, seul face à l’inconnu. Il ne se souvient que de son nom et de quelques bribes de souvenirs. Il a une adresse sur New York mais les ressources qu’ils lui restent ne lui permettent pas d’atteindre la grosse pomme. Faute de mémoires, il ne peut joindre personne. Il prend donc le bus qui l’emmène vers l’est et le laisse à Jeffreys, une bourgade dans laquelle il essaiera de se refaire un pécule afin d’aller à New York où il lui semble que sa vie se trouve. Donald Westlake était un auteur prolifique, qui n’est pas synonyme pour lui d’un manque de talent bien au contraire. Il suffit de lire Mémoire morte pour en avoir la confirmation. L’auteur du Couperet emporte le lecteur dans une enquête existentielle passionnante sur cet homme à la recherche de lui-même. Le talent de Westlake se loge à la fois dans le style mais aussi dans l’originalité d thème et de la manière dont il le traite. Et cela sans jamais paraître hors sujet. La fin de cette équipée est brillante, à la hauteur de la qualité globale de ce roman. Mémoire morte nous invite à nous souvenir de cet auteur américain et à nous replonger dans œuvre littéraire.



Voilà que Rivages exhume de nouveau un inédit de Donald Westlake. Si cela ne peut que réjouir l’amateur de polar et le fan de Westlake que je suis, cela éveille aussi parfois un léger sentiment de méfiance. Parce que, souvent, ce n’est pas pour rien qu’un livre n’a jamais été publié et est resté au fond d’un tiroir. Et quand il semblerait que ce livre y soit resté depuis quelque chose comme 1963, il y a de quoi se montrer un tantinet circonspect.
Et pourtant… disons-le tout de go, l’édition de cette Mémoire morte par Rivages – et son achat par moi-même – valait assurément le coup.

Commençons par l’histoire. Paul Edwin Cole se réveille un beau jour dans un hôpital. Séduisant acteur new-yorkais en tournée dans le Midwest, il a été surpris en mauvaise posture par un mari jaloux qui lui a flanqué une belle raclée. Le problème, c’est que Paul en a perdu la mémoire. Non seulement son passé lui apparaît extrêmement flou mais, en plus, il tend aussi à oublier ce qui lui arrive dorénavant d’une semaine à l’autre, d’un jour à l’autre, voire d’un instant à l’autre. Sans famille, perdu à 1500 kilomètres de New York et sans un sou, Paul va devoir trouver un moyen de rejoindre sa ville pour essayer de retrouver son ancienne vie dont il sait de moins en moins en quoi elle a pu consister.

Le thème de l’amnésie est un classique de la littérature comme du cinéma. Le mystère des mécanismes de la mémoire, de l’absence de souvenirs à leur trop plein, a hanté l’imaginaire des auteurs, de Cervantès à Philip K. Dick en passant, pour le roman noir, par George Chesbro, Sébastien Japrisot ou William G. Tapply. Westlake n’y a donc pas échappé non plus. Et il attaque cette thématique d’une manière à la fois simple et efficace : un homme ne se souvient plus qui il est et il veut rentrer chez lui. De ce simplissime postulat de départ, Westlake tire un roman noir d’une terrible cruauté en même temps qu’une réflexion sur les rapports humains et ce qui fait notre essence.
Paul Cole, incapable de garder un souvenir précis de ce qu’il a fait ou de ce qu’il doit faire, s’étiole. Il a perdu la conscience de ses expériences qui ont fait de lui ce qu’il était, et il ne peut dorénavant se reconstruire que par le biais de la routine qui est la seule chose qui, par son aspect répétitif, peut encore s’imprimer dans sa mémoire. Dès lors, il n’est plus le même homme et tend même à se rapprocher d’un animal, dépourvu qu’il est de la conscience de soi. Seul quelques liens ténus le rattachent à son ancienne vie : de la paperasse, quelques rencontres avec ses anciens amis qui ne le reconnaissent pas comme le Paul qu’ils ont connu et qui, effrayés par ce qu’il lui arrive, mal à l’aise face à son propre malaise, le laissent peu à peu choir. Les masques tombent et la réalité de rapports humains fondés sur une certaine superficialité et le rapport de force prend cruellement le dessus. Est-ce Paul qui se déshumanise en l’absence de souvenirs dont il pourrait tirer des leçons, où est-ce la société dans laquelle il vit dont il perçoit maintenant à quel point elle s’est déshumanisée ?

On peut légitimement se demander pourquoi ce manuscrit est si longtemps resté enfoui avant d’être réédité en 2010 par les ayants-droits de Donald Westlake. L’auteur estimait-il qu’il n’était pas assez bon ? Les éditeurs, au moment où Westlake commençait à connaître un certain succès avec ses polars humoristiques et la série des Parker, sous le pseudonyme de Stark, pensaient-ils qu’il s’éloignait trop de son domaine ? Peut-être le saura-t-on un jour.
Cela reste en tout cas pour le moment un mystère, tant l’errance kafkaïenne de cet homme à la recherche de sa vie semble être réellement un des grands romans de Westlake. Livre troublant, inquiétant, cynique et cruel, Mémoire morte n’est pas un fond de tiroir, c’est un petit joyau sur lequel on a finalement mis la main.

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