Michel Onffray : Journal hédoniste : T.3 L'Archipel des comètes,






Michel Onfray publie son onzième livre chez Grasset. Depuis son prix Médicis de l'essai (pour La sculpture de soi), ses livres ont rencontré une audience nouvelle (entre autres : Politique du rebelle, Théorie du corps amoureux).

Dans ce troisième tome du journal hédoniste, Michel Onfray poursuit dans la voie qu'il avait ouverte avec Le désir d'être un volcan : proposer un genre d'encyclopédie militante de l'hédonisme en abordant tous les sujets possibles : d'où une théorie de la femme fatale, un éloge de l'enfance passée dans la nature pour tremper le caractère philosophique, une défense radicale et partisane de l'art contemporain actuellement mis à mal par la plupart des penseurs, une critique libertaire des travers libéraux de l'époque, la proposition d'une méthode de lecture des oeuvres philosophiques qui donne à l'autobiographie ses lettres de noblesse, une métaphysique des moeurs post-modernes, une célébration des vertus chevaleresques passées de mode - la loyauté, l'amitié, la fidélité, la fierté, le sens de l'honneur et de la parole donnée -, une volonté de donner au corps le rôle central dans l'élaboration d'une éthique post-chrétienne, etc...

Chaque nouveau tome du journal hédoniste est l'occasion d'un rendez-vous généraliste pour effectuer des travaux pratiques à partir des thèses hédonistes proposées dans d'autres ouvrages plus spécifiquement thématiques (l'éthique dans La sculpture de soi, la politique dans Politique du rebelle, l'érotique dans Théorie du corps amoureux).


Bref, tous les thèmes de prédilection du philosophe sont développés à l'aide d'exemples précis et plaisants. A cela s'ajoute un travail très appronfondi (et incontournable à mon avis) sur le thème de l'autobiographie. J'ai trouvé le premier chapitre, adressé à Philippe Lejeune (critique littéraire considéré comme une référence sur la théorie de l'autobiographie), passionnant et plein d'un esprit critique, toujours présent chez Onfray. Il se livre dans ce développement dense à une remise en question du début de l'autobiographie à partir de Rousseau. Pour lui, l'Antiquité présentait déjà nombre d'oeuvres appartenant à ce genre. Un chapitre brillant et convaincant!

Encore une fois, ce livre permet d'enrichir sa culture, de réfléchir sur le lien entre passé et présent et d'aborder la vie avec une certaine idée de la sagesse (loin des croyances chrétiennes trop réductrices, des théories en tout genre que nous ne pouvons pas contester parce qu'elles reposent sur des arguments d'autorité).Michel Onfray ose s'affranchir de la "prétendue vérité" et propose une autre manière d'aborder le monde où il place le corps, souvent décrié par le christianisme ou Platon, au centre de ses développements. Le corps n'est plus un "sous-genre" de l'humanité, inférieur à l'âme, il devient ses lettres de noblesse.


QUELQUES CITATIONS qui m'ont plu

Sur la LECTURE:
"Lire est un art et il faudrait dire tout ce qu'il suppose de talent, de patience, de compétence."
"En défigurant une pensée, on semble triompher plus facilement de sa complexité."
"Un livre ouvert et lu, pourvu qu'il soit digne de ce nom doit modifier le regard de celui qui, après l'avoir découvert, considère à nouveau le monde et le perçoit différemment."

Sur l'ECRITURE: "Ecrire, c'est masquer, disssimuler, cacher ce qu'on peut mettre au jour dans une lumière trop crue sans danger pour soi, sinon pour autrui."

Sur WAGNER
"Vivre pour Wagner, c'est magnifier l'incandescence, transformer le gel des âmes amoureuses et interdites en brûlures éternisées par les mythes."

Dans "L'archipel des cometes", un des volumes de son journal hédoniste, Michel Onfray nous propose plusieurs lectures du monde contemporain à travers l'art (peinture, musique, littérature), les médias, la philosophie, les religions, la psychanlyse...
Toujours intéressant, ce livre nous offre des pistes de réflexions sur notre propre relation au monde, à notre corps, à l'autre. Un peu difficile parfois, (du moins pour moi), néanmoins avec un peu de persévérance et un bon dictionnaire on éprouve peu de difficultés à suivre les idées de l'auteur. Je retiens tout particulièrement une analyse du "Journal d'Anne Frank", tout à fait pertinente et émouvante.

Un livre à lire pour le plaisir et pour son originalité de pensée

Que de plaisirs réserve ce livre !… Vous me direz que c'est normal puisqu'il est écrit par un penseur hédoniste.
Ce que j’aime surtout chez Michel Onfray, c'est son refus des conformismes, de la morale bourgeoise. Chaque fois que cela lui est possible, il choisit les ruptures. Que ce soit en art ou dans d'autres domaines, cet écrivain est pour la sécession. C’est un espoir chaque fois renouvelé d’aller plus loin, de trouver autre chose, un nouvel enrichissement. Il nous dit que c'est bien souvent dans la reconstruction que de grandes choses se font.
D'ailleurs, de façon générale, l’auteur est contre la morale quand elle aboutit à écraser l'individu, quand elle sert à asseoir ou à défendre une institution, une caste, un ordre social. La loi du plus grand nombre est bien loin d’être nécessairement la bonne !

Vous apprécierez le texte d’ouverture qui nous montre un auteur pour qui écrire est une véritable nécessité physique. En outre, il ne peut écrire qu'en passant par la plume, l’encre et le papier, normal pour un hédoniste, non ?…
Ce livre est composé d'un grand nombre de textes d'à peine quelques pages. Parfois un peu plus courts, parfois un peu plus longs, ils ont tous une source d’inspiration assez concrète ou ont une finalité tournée vers le concret. L’idée de départ vient d'un événement de la vie courante, d’une
réflexion qui naît d’une rencontre, d'une pensée en réaction contre une attitude conformiste etc. Il y a du Montaigne et du La Bruyère dans ces textes.
Vous ne manquerez pas de sourire à la lecture de ses opinions sur les critiques ainsi que sur le monde intellectuel parisien.
Michel Onfray est un penseur hédoniste, mais cela ne veut aucunement dire qu’il pourrait être le défenseur d’une jouissance effrénée et sans morale aucune. L'amoralisme représente pour lui un vrai danger.
« Au commencement était le Verbe » nous dit-il. Il poursuit : « Et juste après, le pouvoir de dire non. » C'est là que l’homme peut se surpasser, se grandir, dans la mesure où les circonstances extérieures le lui permettraient.
Un excellent livre, très bien écrit, qui nous donne une solide base de réflexion pour tenter de voir le monde autrement.

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