graham Moore : 221 b Baker Street



Après Humphrey Bogart et avant Robert Mitchum, c'est au tour de Elliott Gould d'enfiler le costume du détective privé Philip Marlowe, personnage imaginé par l'écrivain Raymond Chandler à la fin des années 1930. Sous la caméra de Robert Altman, le détective enmène en urgence un de ses amis, Terry Lennox au Mexique mais dès son retour, il apprend la mort de l'épouse de Terry et se voit accuser de complicité de meurtre...

Robert Altman actualise à sa façon le film noir et ce dès l'excellente première scène où il n'y a pas d'intrigue mais juste le détective dans sa vie de tous les jours entre son chat, ses voisines hippies et son réveil nocturne. Et dès cette introduction, il nous met de suite dans l'ambiance avec ce héro qui s'avère très loin de l'image laissé par Bogart. Personnage qui n'a pas le charisme de ce dernier mais qui s'avère désinvolte, cool voire même nonchalant toujours avec sa clope au bec et surtout que l'on prend un grand plaisir à suivre.

Si l'intrigue est importante et bien ficelé, Altman attache au moins autant d'importance à Marlowe ainsi qu'à la galerie de personnages que l'on trouve autour. On y croise son pote qui veut se barrer à trois heures du matin au Mexique, un docteur très ambigu, un chat qui fugue ou encore un romancier alcoolique à la Ernest Heminghway. Galerie de personnages alternant plusieurs humeurs et donnant différents tons aux films entre thriller, drôle ou drame, ce que Altman maîtrise à merveille pour notre plus grand bonheur.

Altman joue avec les codes du film noir où l'on retrouve plusieurs éléments, de l'enquête alambiqué à des personnages où les frontières entre le bien et le mal sont souvent très flous. Mais aussi avec Marlowe, il donne une dimension humaine à son récit où on se sent proche de ce personnage qui fait son enquête d'un air désabusé et désinvolte. Ce dernier est d'ailleurs très bien incarné par Elliot Gould qui s'avère surprenant et attachant. Dans l'ensemble le casting est très bon, à noter aussi une des premières apparitions de Sschwarzenegger au cinéma dans le rôle d'un homme de main.

Altman sublime Los Angeles à travers un visuel très 1970's qui lui donne un charme désuet. Derrière la caméra, il est là aussi brillant, trouvant toujours de superbes plans et mettant parfaitement en valeur ses personnages. Il maintient la tension tout le long et retranscrit aussi très bien les années 1970 comme en témoigne la première scène avec l'intérieur de Marlowe ou ses voisines. A noter la B.O. de John WIlliams, très loin de ce qu'il a pu faire par la suite et qui joue avec des variations de la superbe chanson "The Loog Goodbye" (https://www.youtube.com/watch?v=dG0ykzh47q8).

Brillamment mis en scène et réalisé, Altman adapte à sa sauce le film noir et le personnage de Marlowe et nous livre l'un de ses meilleurs films, haletant et passionnant. Elliot Gould, parfait opposé de Humphrey Bogart, donne sa désinvolture et sa coolitude au célèbre détective.




Décidément, les clubs holmésiens rencontrent beaucoup de soucis dans la production littéraire actuelle. Après le Mystère Sherlock, où sont décimés une bonne dizaine d'universitaires enfermés dans un hôtel en Suisse, voici 221b Baker Street qui débute par la mort violente d'un distingué holmésien, Alex Cale, qui venait de trouver le Saint-Graal : le tome perdu du journal intime d'Arthur Conan Doyle (octobre-décembre 1900), supposé expliquer le revirement d'attitude de Conan Doyle ! SACD (Sir Arthur Conan Doyle) décide en effet à cette date de reprendre son personnage favori, disparu dans les chutes du Reichenbach, en publiant le chien des Baskerville (1902) un premier pas qui annonce la résurrection prochaine du héros dans La Maison vide (1903).
221b Baker Street aborde classiquement en alternance deux enquêtes situées dans deux époques différentes (astuce déjà vue à maintes reprises dans les récits holmésiens, dès lors que l'on a affaire aux fameux manuscrits apocryphes récupérés dans la célèbre malle en fer…) mais ici, petit changement ! Les enquêteurs sont : à ma droite, poids léger, holmésien débutant, récemment intronisé chez les Baker Street Irregulars de New-York, la plus éminente association au monde consacrée à l'étude de Sherlock Holmes, j'ai nommé Harold White (maigres applaudissements et quelques sifflets) qui va combattre le crime pour la période actuelle (2010) et à ma gauche, poids lourd de la littérature policière et créateur du grand Sherlock Holmes, voici Sir Arthur Conan Doyle himself (tonnerre d'applaudissements, cris hystériques) qui va avoir bien du fil à retordre dans son époque (1900). Donc, le manuscrit faisant le lien entre les deux récits n'est pas de Watson, pour une fois, mais de SACD lui-même, et sera à la fois le résultat du récit de 1900 et le point de départ du récit de 2010.
Le roman est construit de façon extrêmement rigoureuse avec le déroulement parallèle mais à un siècle d'intervalle des deux enquêtes qui vont rebondir et entrer en résonance. le scénario assez plaisant intègre, comme souvent, célébrités et faits historiques. le cortège de guest stars entourant SACD est cette fois-ci composé de : Bram Stoker, Oscar Wilde, Millicent Fawcett… Honnête, Graham Moore signale dans la postface une petite liberté concernant un décalage de date. SACD n'aurait reçu le colis piégé de la part d'une suffragette surexcitée qu'en 1911, soit onze ans plus tard, mais faute avouée est déjà à moitié pardonnée !
Le descendant de SACD en 2010 est curieusement présenté comme un personnage inquiétant et sans scrupules, étonnant parti-pris, mais ce roman-ci, il est vrai, n'est pas estampillé « Conan Doyle Estate Ltd » comme chez Anthony Horowitz (La maison de soie). J'avoue avoir été un peu déçu par la chute du roman, au regard de la virtuosité de sa construction, je m'attendais à une trouvaille de scénario plus renversante. Mais tout au long des deux récits, le style reste alerte, les dialogues savoureux, les décors et l'ambiance parfaitement reconstitués, les personnages attachants, et les enquêtes crédibles. SACD est décidément un pro, et sa participation aux enquêtes de Scotland Yard, qu'il a contribué à résoudre, est un fait avéré. Harold White s'en sort plutôt bien comme enquêteur débutant, malgré ses états d'âmes et sa grande naïveté. Que demander de plus ? 221b Baker Street est un excellent et habile premier roman qui plaira aux amateurs de polars bien construits comme aux holmésiens les plus férus. Graham Moore ? 221b Baker Street ? Une adresse à retenir !

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