Joe R Landsdale : Diable rouge. Une enquête de Hap Collins et Leonard Pine




Hap Collins (l'hétéro blanc) et Leonard Pine (le gay noir) les tontons flingueurs texans, sont de retour dans un polar tout feu tout flamme. Lorsque leur ami Marvin demande à Hap et Leonard d'enquêter sur une affaire classée de double homicide, ils sont ravis de jouer à nouveau aux détectives privés : certes, ils aiment le danger et la baston, mais plus encore être payés pour s'y frotter. Les compères ne tardent pas à découvrir que les deux jeunes victimes, qui fricotaient avec une bande de pseudo-vampires gothiques, étaient sur le point d'hériter d'un gros pactole. Plus Hap et Leonard examinent la scène de crime, plus ils y voient clair - en particulier une tête de diable rouge graffitée sur un arbre. Cette signature bizarre, qui se révèle liée à d'autres meurtres, serait-elle celle d'un serial killer sataniste ? De l'action pétaradante, de l'humour cocasse, des personnages hauts en couleur sont au menu de ce roman qui marque le retour du duo le plus déjanté du polar américain actuel.

Si l'on me demandait une définition de l'amitié, je parlerai du lien indéfectible qui unit Hap et Léonard, au delà de tout ce qui peut leur arriver. Etre ami, c'est accepter l'autre tel qu'il est, respecter ses décisions, l'aider en cas de coup dur, et rester toujours franc avec lui : « Laisse-moi te dire, mon pote, va falloir te calmer avec les pancakes si tu veux que je continue à charrier ton gros cul dans l'escalier » dit Léonard à Hap, après un sérieux burn-out de celui-ci. Brett, l'amoureuse fidèle, n'est pas en reste : « J'étais à deux doigts d'appeler le véto pour lui demander d'abréger tes soufrances ». Même les héros texans ne sont pas à l'abri d'un coup de barre – ou d'une panne de cracker en pleine dégustation d'un chili, avec des conséquences parfois dévastatrices. Suis-je nébuleuse ? Alors n'hésitez pas à lire cette aventure de Hap et Léonard, qui les plongent bien malgré eux dans un bain de violence.
En effet, c'est fou le nombre de personnes qui leur en veulent. Je commencerai par deux voyous, qu'ils ont sévèrement dérouillé au début de l'intrigue. Pas pour le plaisir, vous vous doutez bien, non, pour donner une belle leçon après que ces deux charmants individus s'en soient pris à une charmante vieille dame, abondamment tabassée et dépouillée par leurs soins. Il est encore des gentlemen dans l'Ouest – je parlai de Hap et Léonard, bien sûr.
Je poursuivrai par un criminel de plus grande envergure, qui avait déjà mis un contrat sur leurs têtes dans un opus précédent. Cette fois-ci, aussi. Certains ont de la suite dans les idées. Hap et Léonard aussi.
Reste leur principal ennemi : Diable rouge en personne. Certains auteurs parviennent à nous faire ressentir de l'empathie pour un tueur, après que l'on découvre ses motivations profondes. là, Joe R. Lansdale n'essaie même pas. Il énonce ses motifs, libre au lecteur de juger, ou plutôt d'être horrifié. Rien ne justifie la violence, mais rien ne justifie non plus que l'on reste les bras croisés alors que l'on veut vous tuer et que l'on a presque réussi.
Diable rouge est une réussite, je ne me lasse pas de lire les romans de Joe R. Lansdale.

L'histoire nous plonge dans le Texas moderne et ses milieux cradingues. Nos héros sont comme bien souvent deux coéquipiers travaillant pour une agence de détectives privés. L'un est blanc, hétéro et torturé, l'autre noir, homosexuel et du genre rigolard. Dès le début, on nous soumet un style assez vulgaire qui reste néanmoins d'une bonne qualité. Ça discute sans arrêt, ça parle de tout et de rien en se balançant dix vannes à la minute. On se croirait presque dans Clerks. Les Agents opérationnels comme leur chef aime les appeler (car il ne sont pas vraiment détectives), sont alors chargés d'un sale boulot : casser la gueule d'un voleur qui a pété la main d'une vieille. Les gueules sont rapidement explosées mais si la scène n'a pour seul intérêt de nous introduire le caractère brute de l'histoire, elle précède celle nous intéressant. Nous apprenons alors qu'une femme aisée est prête à leur verser un gros chèque s'ils s'occupent du meurtre de son fils et de sa belle-fille, affaire n'ayant trouvé de suite chez la police locale. Bien vite, l'enquête prend un tournant inattendu lorsque plusieurs crimes semblent y être rattachés par un élément des moins anodins : une tête de diable peinte avec le sang des victimes. A cela se mêlera pratiques sexuelles et meurtrières douteuses que l'on pourra tantôt trouver bien originales tantôt intentionnellement choquantes et poussives.
Diable rouge est un roman plus que satisfaisant dont la lecture est très fluide et rapide (73 chapitres pour 361 pages, c'est rare). L'enquête est bien ficelée mais hélas ne requiert aucune qualité d'enquêteur de notre part, nous guidant simplement vers une conclusion qui n'étonnera que par petites touches. En soi, l'intérêt réside plutôt en ses personnages dont la profondeur est très intéressante. On a droit à une "Bromance" de qualité entre vulgarité et humour noir qui ne me déplaît pas à la lecture mais pouvant en rebuter plus d'un. On se demande également parfois si l'auteur n'est pas dans la surenchère de malheurs et de situations de vie malheureuses. On est tout de même pas dans Mad Max, hein, je doute qu'il soit possible de réunir aux Etats-Unis autant de crasse aussi facilement que cela est décrit. En évoquant ce bon pays, on ne pourra que se rendre compte tout au long de l'histoire de la morale douteuse que veut bien nous transmettre l'auteur. Tout semble se régler par la violence et l’agressivité et rien n'est plus souhaitable concernant un condamné que de finir sur la chaise électrique. C'est parfois un peu redondant.

La question qui semble aller de soi est la suivante : peut-on lire le septième livre d'une saga policière avant les six autres ? Je ne saurais le conseiller de manière générale mais cela ne s'applique pas dans le cas présent. On comprend plus ou moins tout sans effort, notre imaginaire faisant le reste. Le livre aurait très bien pu être le premier qu'il n'y aurait que peu de différences.

Je remarque que je suis le tout premier clampin à noter et à écrire une critique sur le livre, ça ne m'arrive pas souvent pour ne pas dire jamais. J'espère ne pas rester le seul éternellement car le bouquin fait efficacement son job et occupe fort bien en ces longues journées pluvieuses. Ce serait bête de s'en priver...

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