Victor del Arbol : Toutes les vagues de l'océan


Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa sœur, de qui il est sans nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils. Ce qui ne semble alors qu’ un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.
Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina. La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite “île aux cannibales” marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants. Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé. La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père.
Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un XXe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.

Un roman choral espagnol qui mêle intrigue policière et Histoire. On revit le Moscou des années 30, les goulags, la guerre civile espagnole jusqu’au Barcelone des années 2000. On termine le souffle coupé.
















C'est une histoire qui n'aurait pu exister que dans un roman, dans l'esprit malade et dérangé d'un écrivain".

Auto dérision d'un auteur?

Il est vrai que Victor Del Arbol a imaginé un fresque familiale très noire, aux accents de requiem, aux parts d'ombre et de lumière des individus.

Gonzalo Gil aurait pu poursuivre tranquillement sa vie tièdement heureuse de père de famille et d'avocat sans envergure, si le suicide de sa sœur, enquêtrice de la police, suite à la froide exécution pour l'exemple de son jeune neveu, ne l'avait entraîné dans les industries mafieuses sur fond de prostitution enfantine.

Ce coup du destin va l'obliger à ouvrir un album de famille chargé de deuils et de douleur, reflet de ce que l'Espagne a vécu depuis la guerre de 1936. Comme une mise en miroir, les décennies et les personnages vont se télescoper pour suivre la destinée dramatique de son père Elias, héros communiste pour certains, dangereux et cruel salaud idéologue pour d'autres.

Des camps staliniens de Sibérie et à la police secrète du communisme, des combats de la guerre d'Espagne à l'exil français des républicains et à la guerre de 39/45, Gonzalo va lever la chape de silence et de secrets. Il nous fait vivre ces années de plomb du fascisme espagnol, où les choix politiques des individus déterminent le pire ou le meilleur pour l'avenir des familles et des descendants, sur plusieurs générations.

Voici un livre comme je les aime!

Des personnages denses et travaillés dans leur psychologie, un contexte familial fort et un panorama social documenté, une construction de fiction en tiroirs pour des tracés individuels ballotés par les soubresauts historiques et politiques. C'est un puzzle fait de trahisons et de massacres, une écriture foisonnante de détails, une belle puissante narrative pour illustrer un chemin semé d'embûches, de remise en question de la figure du père, et de l'adaptation héroïque de l'homme pour survivre en dépit des conséquences.

La littérature espagnole se nourrit de cet héritage sombre et dramatique du 20ème siècle, de cette descente aux enfers subie par sa population dans une guerre civile fratricide. Et quand ces fictions sont portées par des talents comme celui de Victor Del Arbol, on s'incline, sans crainte devant 600 pages, en ne voulant pas que la lecture s'arrête...captivée jusqu'à la dernière page.

Constat implacable: la violence engendre toujours la violence, quel que soit la part d'humanité en chaque individu.

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