Gilles Leroy : Dormir avec ceux qu'on aime
Quand d'autres parlent de leur premier amour, Gilles Leroy s'attarde sur ce qu'il appelle le dernier amour. Le narrateur, un écrivain français vieillissant, qui a connu une grande passion dans sa jeunesse pour un homme plus âgé à Leningrad et qui, ayant tôt compris que "Partir fait mourir ceux qu'on laisse " vit désormais seul avec sa chienne à laquelle il est très attaché. Il voyage pourtant à travers l'Europe pour la promotion de ses livres. C'est ainsi qu'il arrive en Roumanie et qu'il s éprend immédiatement d'un jeune libraire, Marian, par ailleurs fou de rock, venu l'accueillir. L'attirance est réciproque et les deux hommes deviennent amants. La majeure partie du roman explore leur relation amoureuse : Les deux hommes ne sont pas égaux devant la vie et devant l’amour. Marian, issu d’un pays qui a fait les frais de la dictature, croit ferme en l’avenir et au cœur qui bat. L’écrivain français n’a plus le même enthousiasme. Gilles et Marian vont devoir composer avec le réel – la différence d'âge, la distance géographique, des emplois du temps inconciliables. C'est l'histoire de cette passion entre deux hommes que l'âge et les habitudes de vie séparent depuis le miracle de la rencontre , des corps parfaitement accordés ,en passant par les séparations ,l'obsession de l'autre et la jalousie ... En toile de fond, la Roumanie, ses légendes et ses fantômes : l'image obsédante de la Reine Rouge, figure symbolique faisant référence à Hélène Ceausescu, l'épouse monstrueuse du dictateur à la fin tragique et en contrepoint son pendant lumineux et positif, la Reine Blanche, liée à un souvenir de Buenos Aires. Deux figures qui renforcent la dimension mélancolique et introspective du roman. Un ouvrage habilement construit, au style intimiste et à la langue poétique qui dépeint avec sensibilisé la fragilité des liens humains, la nature éphémère du bonheur et qui nous appelle à chérir les liens qui nous unissent tant qu'ils sont là et leur souvenir quand ils n'y sont plus. «Tomber amoureux, ce jour-là, foudroyé au contact d’une main, me rendit mes seize ans, exactement mes seize ans à Leningrad. Quiconque aura aimé sait ces choses-là entre mille : étreindre une main, c’est tout donner, d’un coup, sans prudence, sans contrat, sans rien. Tenir la main, tous les enfants le savent, n’est pas seulement s’accrocher au passage : tenir ta main, c’est tenir à toi, tenir de toi. Et plus je serre, plus j’entrecroise nos doigts, les entrelace, plus je te dis mon incommensurable besoin, un besoin tel que ta paume me renseigne sur toi. Sur ta paume, j’ai pu lire que tu étais quelqu’un de bien.» #henrimesquida #cinemaetlitteraturegay
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