catherine David : l'homme qui savait tout. Le roman de Pic de la Mirandole



Pic de la Mirandole, c'est d'abord un nom chargé de poésie et de mystère, derrière lequel on trouve la silhouette d'un jeune prodige, étoile filante du Quattrocento italien, comblé de tous les dons. Mais il disparaît à trente et un ans dans des circonstances étranges, au moment même où la cité de Florence, où il s'est épanoui, bascule dans le chaos, entraînant avec elle la première Renaissance. Catherine David imagine ses derniers jours au fond d'une cellule du couvent de San Marco, où les souvenirs de sa vie éclatante se mêlent à l'angoisse : il attend son vieil ami, le moine Savonarole, pour le mettre en garde contre les excès de sa foi. Mais Savonarole est en train de conquérir Florence et il a d'autres projets... Un roman de lumière et d'ombres où le drame du héros et celui de Florence se rejoignent.

Pic de la Mirandole (1463-1494) était un philosophe et humaniste italien qui, très jeune, força l'admiration de ses pairs dans toute l'Europe par son érudition et sa capacité à discuter de tous les systèmes philosophiques et religieux connus (ou méconnus) en cette fin du XVe siècle. Il rêvait de réaliser une synthèse entre les thèses de Platon et celles d'Aristote. Ce roman très documenté nous raconte sa vie et en particulier la confrontation qu'il eut (ou qu'il put avoir) avec Savonarole lorsque celui-ci appela les Florentins à brûler les "mauvais" livres. Humanisme contre fanatisme, cette histoire n'est pas sans échos encore aujourd'hui.«Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes.» Cette pensée d'Heinrich Heine que Catherine David a placée en exergue de son roman L'homme qui savait tout, illustre parfaitement le propos de son récit mettant en scène l'affrontement philosophique entre Giovanni Pico della Mirandola et Jérôme Savonarole.

Nous sommes à Florence en novembre 1494, au moment où le roi de France Charles VIII s'apprête à conquérir l'Italie. Epris d'humanisme, Pic de La Mirandole, qui a appris la sagesse platonicienne auprès de son maître Marsile Ficin, va tenter d'arrêter le bras vengeur de son ami d'enfance Savonarole, qui annonce un grand bûcher des vanités où seront sacrifiés les livres scélérats. Il est d'autant mieux placé pour «tarir le flot de paroles assassines» prononcées par son ancien camarade devenu ce moine fou qui fascine les Florentins que Pic de La Mirandole consacre sa vie à puiser dans sa bibliothèque des étincelles de vérité, comme «le chercheur extrait les pépites dans le flot du torrent».
Et dans une austère cellule du couvent de San Marco le rendez-vous de la tolérance et du fanatisme aura des allures de tragédie antique. Ecrit sous l'ombre tutélaire des larmes de Fra Angelico et du Printemps de Botticelli, ce roman érudit sans être pesant possède la grâce narrative des propos de La Mirandole. Catherine David restitue ici un monde bariolé, fascinant, véritable métaphore sur les vertus du langage et dont certaines résonances politiques exhalent un parfum d'inquiétante universalité.

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