Alexandre Dumas : les 45



"Les Quarante-Cinq" constitue le troisième volet du grand triptyque que Dumas a consacré à l'histoire de France de la Renaissance.
Il achève le récit de cette décadence de la seigneurie commencé par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette époque déchirée, tout se joue sur fond de guerre: guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les héros meurent-ils plus souvent sur l'échafaud que dans leur lit, et les héroïnes sont meilleures maîtresses que mères de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache.
D'où l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le célèbre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tiré ce personnage entièrement de son imagination? Mais sa véracité lui permet d'évoluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achevé son roman à la veille de la révolution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.

Même si ce dernier volet est aussi riche en péripéties et rebondissements que les deux autres volumes, et que l'on prend plaisir à retrouver de vieilles connaissances (Chicot, Diane de Méridor et Rémy le Haudoin, le moine Gorenflot, Henri de Navarre et Margot....), c'est cependant le moins réussi des trois. La raison tient à la multiplication des intrigues et au fait que le roman n'est pas véritablement achevé : Dumas prévoyait une suite, qui ne fut en fait jamais écrite.
Dumas nous fait partager les amours malheureuses de Henri, comte du Bouchage, dédaigné par Diane de Méridor, puis le voyage de celle-ci avec Rémy pour accomplir sa vengeance contre le duc d'Anjou, responsable de la mort de Bussy. Nous suivons également les pérégrinations de Chicot, alias Robert Briquet, en mission pour le roi, et enfin, les aventures du séduisant Arnauton de Carmainges, en bute à la jalousie de certains de ses compagnons gascons, et occupé à ses intrigues amoureuses avec la duchesse de Montpensier.

On ne peut suivre véritablement ces quatre histoires sans se disperser. De plus, cet éclatement de l'intrigue est cause d'un manque d'épaisseur de certains personnages. Les frères Joyeuse sont légèrement traités et l'amoureux transi de Diane peut paraître un peu fade, Arnauton ne parvient pas à se hisser au niveau de Bussy et fait contre-emploi avec Joyeuse.

Reste néanmoins Chicot, très bien exploité (et on sent bien l'affection de l'auteur pour ce personnage), Henri III égal à lui-même, et l'élément comique apporté par l'inénarrable Gorenflot, qui a pris du poids et de l'ascendance (Dumas en profite pour nous allécher en énumérant les copieux repas de l'imposant personnage).

Une succession de «seconds rôles» savoureux vient gommer ce sentiment de déception (ah, la grande idée de Dumas de nous faire rencontrer le moinillon Jacques Clément, plein d'ardeur et de juvénile enthousiasme, et pourtant futur assassin de Henri III !), et surtout, avouons-le, on est quand même bien content que le perfide d'Anjou paie ses crimes, et meurt de la main de la belle Diane.

Au final, cela reste un bon roman, indispensable de toute façon à la compréhension du cycle des guerres de religion.


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