michel Onfray : Sagesse



Comment se comporter dans une civilisation qui menace de s’effondrer ? En lisant les Romains dont la philosophie s’appuie sur des exemples à suivre et non sur des théories fumeuses.
Sagesse est un genre de péplum philosophique dans lequel on assiste à la mort de Pline l’Ancien et à des combats de gladiatrices, à des suicides grandioses et à des banquets de philosophes ridicules, à des amitiés sublimes et à des assassinats qui changent le cours de l’histoire. On y croise des personnages hauts en couleur : Mucius Scaevola et son charbon ardent, Regulus et ses paupières cousues, Cincinnatus et sa charrue, Lucrèce et son poignard. Mais aussi Sénèque et Cicéron, Épictète et Marc Aurèle.
Ce livre répond à des questions très concrètes : quel usage faire de son temps ? Comment être ferme dans la douleur ? Est-il possible de bien vieillir ? De quelle façon apprivoiser la mort ? Doit-on faire des enfants ? Qu’est-ce que tenir parole ? Qu’est-ce qu’aimer d’amour ou d’amitié ? Peut-on posséder sans être possédé ? Faut-il s’occuper de politique ? Que nous apprend la nature ? À quoi ressemble une morale de l’honneur ?
Dans l’attente de la catastrophe, on peut toujours vivre en Romain : c’est-à-dire droit et debout





Voilà un essai qui contient de bons principes et des passages instructifs, mais dont le résultat n'est pas à la hauteur des ambitions, de ce qu'on est en droit d'attendre d'un livre de sagesse, L'intention première de Michel Onfray est louable : mettre en relief la philosophie romaine en tant qu'école de vertu, par l'évocation de diverses figures qui incarnent de nobles qualités, à savoir le courage, la volonté, la loyauté, la fidélité, la frugalité, la dignité, toutes les valeurs grâce auxquelles un individu peut se tenir débout, droit, en marche vers la grandeur. À la différence de la philosophie grecque, jugée plus spéculative ou métaphysique, la philosophie romaine se veut une pratique des vertus, ce dernier mot désignant en latin les qualités viriles, propres à l'homme, faisant de lui un être qui travaille à l'accomplissement de son humanité par l'exercice de ces qualités qui ne sont pas des possessions, mais des biens immatériels. Chez ce peuple de guerriers, le sens de l'honneur commande de ne pas se refuser au combat, mais d'y mettre toute son ardeur, sous peine d'être déshonoré et acculé à la honte et même au suicide. La belle vertu qu'est la fides, mot dont sont dérivés en français la foi, la fidélité et la confiance et que Cicéron place au coeur de l'amitié véritable, est une qualité hautement estimée, un lien invisible entre seuls les gens de bien, et elle n'est pas dissociable du respect de la parole donnée, car la parole engage dès lors qu'elle est expression de l'être. Les Romains dignes d'admiration sont aussi des personnes vivant dans la sobriété, non affalés sur des coussins lors de banquets à la Pétrone, et sachant manier aussi bien le glaive que les instruments utiles à la culture des champs. Il faut reconnaître à Michel Onfray une démarche qui ne manque pas de volonté de grandeur, parce que les modèles donnés restent, après deux millénaires, des exemples à méditer et imiter. En effet, rien ne forme mieux une personne que le récit de la vie d'hommes et de femmes illustres, parfois connus pour un seul geste, mais un geste qui revêt une valeur d'édification, sans moraline ni catéchisme. Il faut aussi reconnaître que l'auteur a un certain talent de conteur et d'historien lorsqu'il narre les épisodes de la vie de Caton l'Ancien, de Scaevola, des Gracques... Son ouvrage se révèle à mes yeux le plus intéressant dans ces parties narratives et historiques et dans les portraits, servant d'intermèdes, des principaux philosophes romains : Cicéron, Lucrèce, Sénèque (les pages décrivant sa « double vie » sont assez savoureuses), Marc Aurèle, Épictète, Plutarque et Lucien de Samosate (quoique ces derniers aient écrit en grec…). Aujourd'hui, comme hier, l'importance des Romains est majeure en termes de modèle de civilisation et de noblesse individuelle et devrait justifier l'étude rigoureuse de leur culture, leur droit et leur langue : ce devrait être au programme de toutes les bonnes écoles, quoi qu'en pensent nos ministres et experts en management.
Cet essai, qui débute par le souvenir de l'éruption du Vésuve en guise d'allégorie nous invitant à savoir vivre au pied d'un volcan, du péril et de la destruction, est construit en trois grandes parties, intitulées « Soi – Une éthique de la dignité », « Les Autres – Une morale de l'humanité » et « le Monde – Une écosophie des choses », parties elles-mêmes divisées en plusieurs chapitres dont les titres sont formés d'un verbe seul : « Penser », « Exister », « Contempler », « Rire », etc. Chaque chapitre s'appuie sur l'histoire d'une grande figure romaine pour donner matière à des réflexions philosophiques, par exemple le viol de Lucrèce pour mettre en exergue la vengeance en lien avec la quête d'honneur familial et de pureté retrouvée. Il peut sembler très ambitieux de vouloir traiter autant de sujets (l'amitié, l'amour, le suicide, la mort, la consolation, la croyance, l'action politique, etc.) en seulement une vingtaine de pages par thème. Si l'ambition est de dresser un vaste panorama des attributs de la sagesse, l'impression regrettable est de survoler ce qui ne peut être envisagé avec superficialité, ce qui mérite d'être approfondi pas nécessairement en noircissant des pages et en publiant cinq ou six livres par an, mais en creusant plus encore des questions essentielles avant de partager les fruits de sa recherche philosophique – et la profondeur ne dédaigne pas la concision. Michel Onfray semble avoir écrit plus pour des étudiants et des amateurs de philosophie que pour de fins lettrés et de vrais philosophes, d'où des répétitions, des explicitations didactiques et des lourdeurs de style ; et sa thèse selon laquelle le judéo-christianisme a mis fin aux vertus romaines et qu'il importe de renouer avec celles-ci pour sortir du nihilisme pourrait s'énoncer comme je viens de le faire, sans besoin de l'assener jusqu'à la rendre pénible



Et surtout Une question que Michel Onfray ne traite guère et qui me semble fondamentale est celle-ci : peut-on aujourd'hui être Romain ? N'y a-t-il pas des obstacles à la réalisation d'une vie selon ces grandes valeurs, des obstacles autres qu'un manque de volonté ? Comment appliquer cette recette de la sagesse à la romaine dans notre monde qui n'a plus rien de romain? Comment applique de nos jours une sagesse qui était celle d'il y a 2000 ans?



Là Pas de réponse. Hors c'est bien cela qu'on pouvait espérer de ce livre. Pa juste un c'était mieux avant;

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