Arnaldur Indridason : le livre du roi



Un roman tout à fait i,teressant.
En 1955, un jeune étudiant islandais arrive à Copenhague pour faire ses études. Là il va se lier d’amitié avec un étrange professeur, bourru, érudit et buvant sec, spécialiste des Sagas islandaises, ce patrimoine culturel inestimable qu’ont protégé les Islandais au long des siècles comme symbole de leur nation.
Il découvre le secret du professeur, l’Edda poétique, le précieux Livre du roi, dont les récits sont à l’origine des mythes fondateurs germaniques, lui a été volée pendant la guerre par des nazis avides de légitimité symbolique.

Ensemble, le professeur et son disciple réticent, qui ne rêve que de tranquillité, vont traverser l’Europe à la recherche du manuscrit. Un trésor pour lequel certains sont prêts à voler et à tuer. Un trésor aussi sur lequel on peut veiller et qu’on peut aimer sans en connaître la valeur.

Une histoire inhabituelle et une aventure passionnante sur ce qu’on peut sacrifier et ce qu’on doit sacrifier pour un objet aussi emblématique qu’un livre.

Arnaldur Indridason met son talent et son savoir-faire de conteur au service de son amour des livres. Et de ce livre mythique en particulier.
Ce roman, sorte de polar atypique, nous entraîne en 1955 sur les traces d'un duo improbable : un étudiant islandais, Valdemar, féru de textes et parchemins anciens, dont le latin et le grec sont pratiquement ses langues maternelles qui part à Copenhague poursuivre ses études auprès d'un professeur fantaisiste, fantasque, avec un penchant certain pour l'alcool…
Le moins que l'on puisse dire c'est que leurs premières rencontres ne manquent pas de sel… avant que la grande aventure ne commence : le professeur est un spécialiste du Livre du roi qui est censé être entre ses mains, sous sa protection à l'université alors qu'il lui a été extorqué par un dignitaire nazi, Erich von Orlep (qui mystérieusement réussira à échapper aux mailles du filet pour se réfugier en Amérique du sud) lors d'un interrogatoire sadique.
Il veut remettre la main dessus ainsi que sur un fascicule de huit pages qui manquent dans ce fameux livre. Ce fascicule, qui donnerait un pouvoir particulier à celui qui l'aurait entre les mains, a été enfoui dans une tombe…
On va suivre ce duo à travers l'Europe sur les traces du fascicule, mais aussi pour récupérer le livre et évidemment d'anciens nazis sont à l'affut… on va ainsi assister à une lutte entre les nostalgiques du nazisme, notamment le fils de ce Orlep qui a torturé le professeur pendant la guerre, et ses sbires qui se regroupent sous le terme de « Wagnérianistes » qui rêvent toujours d'un monde nouveau et de la race supérieure.
Ce n'est un secret pour personne, tout ce qui tourne autour du nazisme me passionne, mais c'est aussi le cas des manuscrits perdus, des légendes et de l'Histoire, et ce roman m'a permis d'en savoir plus sur l'Islande, notamment l'emprise de type « coloniale» que le Danemark a exercé sur elle, pillant ses manuscrits anciens sur lesquels les nazis feront main basse en envahissant le Danemark.
L'attachement du professeur à ce trésor culturel qu'il voudrait tellement restituer à l'Islande est touchant… et sa quête m'a plu même si parfois la manière d'opposer les bons et les méchants devient un peu trop caricaturale et comment résister à cette phrase que nous glisse au passage Arnaldur Indridason:
« Importants ou non, les livres voyagent partout. Bons ou mauvais, ils ne choisissent pas leurs propriétaires, pas plus que le genre de maison dans laquelle ils vont se trouver ou l'étagère sur laquelle on les rangera. » P 270


Le livre du roi est un roman d’aventures historiques, qui fait penser aux romans de Jules Verne. Outre sa formation d’écrivain, Arnaldur Indriðason puise dans sa formation d’historien et dans ses lectures des textes anciens.

Le premier chapitre du livre se situe en 1863. On assiste à une scène mystérieuse. Les vingt-sept chapitres suivants se déroulent, eux, en 1955. Un jeune étudiant islandais de l’université de Copenhague raconte, à la première personne, sa rencontre avec un grand professeur, spécialiste des manuscrits anciens, avec qui il se lance dans une folle aventure, à la poursuite d’un des manuscrits les plus sacrés de l’Islande, Le livre du roi. On aurait pu en rester là et suivre ces deux aventuriers, à travers l’Europe. Mais, comme à son habitude, Arnaldur revient sur le passé. Que ce soit avec les conditions de transmission de cette relique littéraire, il y a plusieurs siècles, ou avec le passé trouble du professeur, à l’époque de la guerre. Comme à son habitude aussi, il nous fait pénétrer dans la personnalité des deux personnages, leurs doutes et leurs blessures. Mais bientôt, les cadavres s’accumulent et jonchent le parcours de nos deux héros. L’aventure historique bascule alors dans le polar, ou plutôt dans le thriller. En effet, on connaît les criminels. L’enjeu n’est donc pas de mener une enquête, pour retrouver des coupables, mais de savoir si les deux protagonistes du roman vont leur échapper. La seule véritable enquête est celle qui conduit sur la piste, ou plutôt les pistes, fausses parfois, du Livre du roi. Il est cependant dommage qu’on s’embrouille un peu dans les différents manuscrits du passé et les différents personnages historiques. Certes, pour un Islandais, tout cela doit être clair ; ça l’est moins pour quelqu’un qui est peu impliqué dans la culture du pays.

Qu’à cela ne tienne, la lecture et la compréhension du roman n’en sont pas altérées pour autant.
L’auteur mène aussi une réflexion sur la place de l’individu face à des événements ou à des objets dont le symbole les dépasse. Ce n’est ni pour la gloire, ni pour réhabiliter son image, ni pour lui-même, que le professeur veut, à tout prix, récupérer le manuscrit. C’est parce que la place du Livre du roi est en Islande et nulle part ailleurs. Et peu importe ce qu’il en retirera, de positif ou de négatif. Peu importe s’il connaîtra la gloire ou l’anonymat, par cette affaire. Ce n’est pas l’homme qui compte, mais le manuscrit précieux et sacré. Toutefois, on ne doit pas sacrifier, pour autant, la vie d’innocents. C’est pour sauver une jeune résistante, que le professeur accepte de se délester du livre. Il est important d’alerter une mère de famille, des dangers qu’elle court, quitte, pour cela, à laisser filer l’homme qui détient le manuscrit.

Arnaldur profite aussi du livre, pour rendre hommage à son père, Indriði Þorsteinsson, écrivain lui aussi. Non seulement, il lui dédicace son roman : « En mémoire de mon père, Indriði G. Þorsteinsson. » mais il cite même, dans le texte, l’un de ses livres: « Je me couchai de bonne heure avec deux romans récents que j’avais emportés avec moi d’Islande. Il s’agissait de Taxi 79 à partir de la station […]. » Il ne se contente pas de cela, puisque son père, bien qu’il ne soit pas nommé, fait une apparition directe dans le roman, au chapitre 21 :
« – Tu es donc journaliste ? reprit le professeur […]
– Je travaille au Tíminn, dit l’homme.
(Le père d’Arnaldur fut effectivement journaliste au quotidien Tíminn)
[…] Je me souvins soudain de lui. C’était un écrivain, l’auteur d’un roman qui avait fait l’objet de beaucoup de discussions au printemps, en Islande, en raison de sa manière d’aborder le sujet et par son franc-parler. C’était l’un des deux livres que j’avais achetés à Reykjavík le jour de mon départ et que j’avais emportés avec moi à Copenhague. »
Bel hommage à ce père, qui a certainement inspiré l’œuvre de son fils. Vous trouverez plus d’informations en suivant le lien plus bas.

On retrouve, dans ce roman, le gout d’Arnaldur pour l’histoire de son pays et pour les manuscrits anciens. On y croise le grand romancier islandais, prix Nobel de littérature, Halldór Laxness. C’est un bon thriller historique, qui se lit comme une enquête et permet d’ailleurs de pénétrer cet univers des sagas et des textes mythologiques islandais. (article repris en partie du blog "le site des glaces")

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