Sara Gran : la ville des morts


8/10
Il est des livres qui vous hantent et vous accompagnent, et des héros si attachants que vous auriez envie de les rencontrer. C'est le cas de Claire DeWitt, une privée comme on n'en trouve pas. Elle a trente-cinq ans mais dit toujours qu'elle en a quarante-deux parce que personne ne prend une femme de moins de quarante ans au sérieux. Claire DeWitt s'autoproclame avec dérision la plus grande détective du monde, enquêtrice amateur à Brooklyn dès l'adolescence et adepte du mystérieux détective français Jacques Silette dont l'étrange ouvrage, Détection, l'a conduite à recourir au yi-king, aux augures, aux rêves prophétiques et aux drogues hallucinogènes.Claire entretient également une relation intime avec La Nouvelle-Orléans où elle a été l'élève de la brillante Constance Darling jusqu'à l'assassinat de cette dernière. Lorsqu'un honorable procureur néo-orléanais disparaît dans la débâcle de l'ouragan Katrina, elle retourne à son ancienne ville, complètement sinistrée, afin de résoudre le mystère. Les indices la mènent à Andray Fairview, un jeune homme qui n'avait rien à perdre avant l'ouragan et encore moins depuis. Entre anciens amis et nouveaux ennemis, Claire élucide l'affaire, mais d'autres disparus viennent la hanter : sa meilleure amie et co-détective d'enfance, évaporée du métro de New York en 1987, et la propre fille de Silette, Belle, kidnappée dans une chambre d'hôtel et que personne n'a jamais revue.
La Ville des morts marque le début époustouflant d'une nouvelle série aussi originale que vivifiante.
Je vous laisse la critique de
nameless publié dans Babelio.
Tout y est dit .

Ce roman, je l'ai adoré. Il prouve que tout n'a pas encore été fait, dit ou surtout écrit dans le monde du polar. Sara Gran appartient à cette espèce rare d'auteurs qui transfuse un sang nouveau dans un genre que d'aucuns imaginent ronronnant ou figé dans des codes immuables et lassants. Sara Gran innove, Sara Gran est créative. J'aimerais que Sara Gran soit ma copine. Je suis au maximum de mon enthousiasme, là !

Le 29.08.05, Katrina-l'ouragan touche les côtes de la Nouvelle-Orléans avant de la submerger sous 9 mètres d'eau, laissant dans son sillage 2 000 morts approximativement estimés et environ une soixantaine de disparus. Parmi eux, Vic Willing, dont personne n'a plus eu de nouvelles depuis la catastrophe. C'est un an et demi plus tard, que Leon son neveu, recrute Claire DeWitt, détective free lance, pour tenter soit de le retrouver, soit de prouver sa mort ainsi que ses circonstances.

Claire, très chère Claire, comment dire ? le lecteur sent bien que certains neurones de son cerveau n'ont pas été connectés correctement, que certaines pièces ont été montées à l'envers. Ses réactions au cours de l'enquête qu'elle mène, sont quelquefois inadaptées, elle n'est jamais là où l'attend, il y a un décalage à la fois horripilant et jouissif entre ce que l'amateur-lambda-de-polars attend qu'elle fasse conformément aux diktats bien établis du genre, et ce qu'elle fait, novateur, explosif.

Il y a 3 personnages principaux dans ce roman dont le tout premier m'apparaît être Katrina, qui a prouvé de manière hurlante, l'incurie du gouvernement Bush à gérer une catastrophe de cette ampleur. le second est Jacques Silette. Une trouvaille romanesque de Sara Gran qui a inventé un détective français qui aurait écrit un seul manuel, “Détection”, épuisé et introuvable, une bible confidentielle pour tous les apprentis-détectives, auquel bien évidemment se réfère constamment Claire, citant d'absconses citations, interprétables à souhait comme les prédictions d'une voyante, adaptables à chaque situation rencontrée. Enfin, le 3ème personnage est Claire, qu'il faut absolument suivre dans sa perception personnelle, cinglée mais néanmoins attendrissante, du monde et de sa profession. Elle interprète des hexagrammes, elle voit des fractales et des équations du second degré dans le tissu de ses draps, elle relève et analyse des empreintes digitales comme l'aurait fait un détective du XIXème siècle. Mais enfin, est-ce qu'une fille qui se régale avec un oyster loaf, sandwich aux huîtres panées, peut être mauvaise ?

Ce n'est pas l'intrigue policière qui est prépondérante dans La ville des morts mais la déambulation urbaine que nous invite à partager Sara Gran, dans une ville dévastée, plongée dans le chaos et la corruption, parmi des populations oubliées de tous, réduites aux pillages, aux trafics de toutes natures, à la prostitution, à la déshérence, aux soupes populaires servies par des bénévoles qui ne savent pas par où commencer. Les noirs sont les premières victimes de Katrina, puisque cet ouragan a servi de prétexte pour tenter de les éjecter de la Nouvelle-Orléans, où des investisseurs blancs (Donald Trump) ont des projets touristiquement lucratifs à bâtir sur les ruines. Ce roman peut intéresser tous ceux qui aimeraient savoir ce que sont devenus les néo-orléanais, la Louisiane, après Katrina, ainsi bien sûr, que les amateurs de polars. Vérifiez par vous-mêmes, les promesses d'avenir meilleur là-bas comme ici, d'indemnisations, de reconstructions, n'engagent que ceux qui y croient.

“Certaines personnes, constatais-je, s'étaient noyées tout de suite. D'autres se noyaient au ralenti, petit à petit, et continueraient à s'enfoncer pendant des années” (p. 100).

Que puis-je rajouter?
L'atmosphère envoûtante de la Nouvelle-Orléans post-Katrina persiste longtemps après la révélation du sort de de la victime.
la détective, claire, est une enquêtrice de mauvaise humeur, branchée sur l'occultisme et autre pseudo sciences et méticuleuse. Gran réussit à nous donner un sentiment d'anticipation addictif avec un cadre fantastique. "
J'ai adoré ce livre. C'est la première voix littéraire "fraîche" que j'entends depuis des années. Sara Gran recombine tous les éléments d'une bonne et solide narration policière noire et l'élève vers quelque chose de profondément original.



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