gore vidal : (una memoria) palimpestre. 1995.

Palimpseste : parchemin dont on a effacé la première écriture pour y écrire un nouveau texte. Sous une forme originale, l'écrivain Gore Vidal convoque ici ses souvenirs et les figures de sa jeunesse : les Kennedy, Anaïs Nin, Truman Capote, Tennessee Williams, Cocteau, Carter, Reagan... Dans un style admirable de finesse, mais sans complaisance, il brosse une superbe galerie de portraits doublée d'une réflexion profonde sur l'Amérique, son puritanisme et ses mœurs. Palimpseste ce sont des souvenirs que Gore Vidal nous livre de façon volontairement désordonné au fur et à mesure qu'ils luis sont revenus pendant les quelques mois qu'il a eu envie de se consacrer à cette tâche. Car il pensait (avec raison)que c'est ainsi que l'on se souvient souvient de sa propre vie quand on veut y repenser. Ici, racontée avec charme et finesse , il nous présente l'histoire de ses quarante premières années : de son enfance à Washington, dans la maison de son grand-père, le sénateur TP Gore, à sa fréquentation des Kennedy(il est apparenté à Jacqueline;..),de l'évocation son seul et grand amour de jeunesse mort à Hiro-Jima, à l'école Pendant la Seconde Guerre mondiale, de ses expériences de jeune prodige littéraire dans les années 1940 et 1950 jusqu'à son entrée en politique dans les années 1960. Palimpseste est une œuvre irrégulière parfois trop hâtivement écrite, avec des esquisses de personnages et des souvenirs à peine élaborés. Mais c'est aussi un fruit mûr, et souvent excellent, du meilleur style controversé et provocateur de son auteur. Gore Vidal, amateur des polémiques et des disputes avec ses contemporains, radical dans ses jugements sur l'"Empire américain" et la corruption morale et politique, se révèle ici dans toute sa splendeur. la liste des grandes figures de la littérature, du cinéma, de la politique, des arts, etc., qui défile dans ces pages et mirobolante ce qui entraîne une belle quantité de commérages, de méchancetés et de révélations qui s'y répandent. Truman Capote et Anaïs Nin sont, par exemple, des menteurs compulsifs ; Tennessee Williams, que Vidal préfère appeler "l'oiseau glorieux", est obsessionnel et jaloux; EM Forster est un homosexuel refoulé qui se comporte comme un mandarin haineux, dédaigneux et offensant envers ceux qu'il considère comme inférieurs, comme Christopher Isherwood ; les Kennedy sont une famille totalement corrompue, et Jack (John Kennedy) surtout un homme froid, superficiel et téméraire ; et ainsi de suite avec des allusions plus ou moins appuyées à des écrivains tels que Proust, Gide, Cocteau et son amant Jean Marais, Bellow, Steinbeck, Faulkner, Mailer, Ginsberg, Kerouac, Burroughs, Paul Bowles, Mary McCarthy, Lionel Trilling, Daphne du Maurier, Evelyn Waugh, Anthony Powell, CP Snow, Noël Coward, Roberto Calasso, Martin Amis, ou –parmi les politiciens et les gens du spectacle– Eleanor Roosevelt, les ducs de Windsor, la reine Elizabeth, Hillary Clinton, Greta Garbo, Mankiewicz, Frank Capra, Alec Guinness, Charlton Heston, Marlon Brando, Paul Newman, Joanne Woodward, etc. Grâce à l'index des noms propres et des titres d'oeuvres et de films en fin d'ouvrage, le lecteur peut facilement trouver toutes sortes de commérages plus ou moins savoureux sur un grand nombre de noms (James Baldwin était appelé par les frères Kennedy « Martin Queen Luther" !). Heureusement, l'ouvrage ne se réduit pas à un recueil d'anecdotes plus ou moins scandaleuses (sa rencontre sexuelle, fellation comprise avec Jack Kerouac, par exemple). Le talent de Gore Vidal s'illustre surtout dans la recréation de son enfance et de sa puberté : l'école, la vie de famille (splendide vision de son grand-père maternel, l'influent sénateur aveugle Thomas P.Gore); le cercle politique qui a entouré la campagne électorale et plus tard l'administration de John F. Kennedy. Non moins intéressants sont le portrait du monde diversifié de Broadway et d'Hollywood, que Gore Vidal a si bien connu dans les années cinquante, ainsi que la description de la vie italienne et surtout de Rome et de sa maison à Ravello, sur une falaise surplombant le golfe de Salerne. Vidal est à son meilleur ici : vif, pénétrant, sentimental parfois, mais toujours direct et suggestif dans ses aveux et ses confidences. Peut-être que l'argument principal qui traverse ces souvenirs est son homoérotisme , qu'il essaie avec insistance de séparer de l'homosexualité, malgré les passages sur la promiscuité qu'il raconte ici et là. En fait, un élément récurrent tout au long de l'œuvre est le souvenir affectueux de son ami adolescent Jimmie Trimble, mort très jeune à la guerre, avec qui il nous dit avoir trouvé l'amour, et avec qui il voulait être entérré! C'est pourquoi il acheta une concession au Rock Creek Park Cemetery à Washington, qu'il partagera avec son compagnon de quarante-quatre ans, Howard Austen ! Les mémoires de Vidal sont vraiment divertissantes et il est étonnant de voir à quel point sa vie semble d'une manière ou d'une autre avoir touché chaque événement et chaque personne importants du XXe siècle. Elles sont remplies de noms et de lieux et traitent assez ouvertement de sa propre sexualité, de ses désirs et de ses conquêtes Son écriture est presque toujours légère, facile et bien écrite et procurent un vrai plaisir de lecture. Son interminable répartie pleine d'esprit n'est sûrement qu'une partie de souvenirs retravaillés et réécrits à la manière d'un palimpseste. A noter que Vidal a donné une suite à ces mémoires qui démarrent donc lors de sa quarantième année et qui s'intitule en français "A l'estime".

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