Henning Mankell l'homme inquiet polar


Un dernier Mankell qui ne peut que plaire aux amateurs de la série...
Henning Mankell est un écrivain suédois né le 3 février 1948 à Härjedalen, au centre de la Suède
Il est connu internationalement grâce à la série policière des enquêtes de Kurt Wallander. Ce commissaire désabusé est entouré par une équipe de policiers où chacun possède une personnalité soigneusement décrite. Les meurtres sanglants auxquels Wallander est confronté le plongent au fil des romans dans un état de plus en plus dépressif ; l'aspect psychologique est aussi important pour Mankell que l'intrigue elle-même. Toutes ces aventures se déroulent dans la petite ville d'Ystad, en Scanie, dans le sud de la Suède, même si Wallander se déplace une fois en Lettonie (les Chiens de Riga) et enquête sur un meurtre dont les origines remontent en Afrique du Sud (la Lionne blanche) ; le sol du proche Danemark est souvent foulé.
Le beau-père de sa fille a disparu. Sa belle-mère a été assassinée. Et tout semble lié à des sous-marins russes passés dans les eaux territoriales suédoises des années plus tôt, en pleine guerre froide. Au seuil de la retraite, alors que sa mémoire le trahit, Wallander mène sa dernière enquête et amorce sa propre plongée en profondeur

  1. Recueil de cinq nouvelles policières, non traduit en français, dont l'action se situe avant celles des dix romans de la série. La traduction littérale du titre est « La pyramide ».
  2. Meurtriers sans visage ((sv) Mördare utan ansikte1991), trad. Philippe Bouquet (édition française 1994)
  3. Les Chiens de Riga ((sv) Hundarna i Riga1992), trad. Anna Gibson (édition française 2003)
  4. La Lionne blanche ((sv) Den vita lejoninnan1993), trad. Anna Gibson (édition française 2004)
  5. L'Homme qui souriait ((sv) Mannen som log1994), trad. Anna Gibson (édition française 2005)
  6. Le Guerrier solitaire ((sv) Villospår1995), trad. Christofer Bjurström (édition française 1999)
  7. La Cinquième Femme ((sv) Den femte kvinnan1996), trad. Anna Gibson (édition française 2000)
  8. Les Morts de la Saint-Jean ((sv) Steget efter1997), trad. Anna Gibson (édition française 2001)
  9. La Muraille invisible ((sv) Brandvägg1998), trad. Anna Gibson (édition française 2002)
  10. Avant le gel ((sv) Innan frosten2002), trad. Anna Gibson (édition française 2005)
  11. L'Homme inquiet ((sv) Den orolige mannen2009), trad. Anna Gibson (édition française 2010) 6

Quitte à être solitaire, que ce soit loin du bruit, de la ville, du monde. A la soixantaine, un homme se force à prendre une décision : aller vivre à la campagne, ce qui, il le sait, est un saut dans le vide. Il a pour seule compagnie son chien et quelques vieux fantômes qui ne le lâchent pas, quelques démons qui ont pour nom amours mortes, ratages de la vie, infortunes. Il se dit qu'il est temps de songer à la retraite, dire adieu au labeur, à cette part de lui-même. Là il constate le désastre : que lui reste-t-il en dehors du boulot ? Cet homme inquiet, presque à la torture, qui fait le bilan de son existence, qui a confondu vie personnelle et travail, qui, toujours, doute de lui et des autres, c'est Kurt Wallander.
A la soixantaine, sans regret ni amertume, l'écrivain suédois Henning Mankell a, lui aussi, pris une décision : se libérer, tourner la page, en finir avec Wallander. Se quitter bons amis avant de n'avoir plus rien à se dire, plus à rien imaginer ensemble. Un divorce sans commun accord. Le personnage ne peut que se plier à la volonté de son maître, star du polar scandinave, dont l'oeuvre fabuleuse (théâtre, jeunesse, essais, fictions...) est traduite dans le monde entier. Le couple Mankell-Wallander, moins fidèle que Simenon-Maigret, aura quand même tenu une vingtaine d'années, soit neuf romans. Mankell a choisi de faire de son personnage un type des plus ordinaires. En quelques lignes, dans leur dernière aventure, il lui brosse un portrait peu flatteur : « Il appartenait à la génération qui avait fini de grandir dans les années 1960. Mais il n'avait jamais été impliqué dans un mouvement politique, n'avait jamais participé à une manifestation, n'avait jamais réellement compris l'enjeu de la guerre au Vietnam, pas plus qu'il ne s'était intéressé aux luttes de libération dans des pays qu'il aurait eu des difficultés à situer sur une carte. Il était ignorant. »
Mankell, écrivain sensible à la marche du monde, prêt à la critiquer, à prendre position, ne supporte pas l'ignorance - l'aveuglement. Wallander n'est pas son double, plutôt son contraire. Certes, ils ont vieilli ensemble. Certes, ensemble, ils ont affronté meurtres et violences, sont devenus père, puis grand-père... Dans cet ultime roman de pure mélancolie, de vague à l'âme lancinant, peut-être le plus obsédant de toute la série, les vieux compères cherchent à comprendre l'impossible. Henning Mankell utilise son personnage pour nous raconter ses propres inquiétudes, interroger les chaos de notre époque.
L'Homme inquiet se situe en 2003, c'est-à-dire maintenant. Mankell plonge son flic trop bon enfant, un peu lâche parfois, dans un tourbillon d'interrogations, d'enquêtes, aussi intimes que politiques. Avec un rien de romantisme, il lui bâtit, pour son dernier tour de piste, une intrigue qui mêle histoires de famille, amours, disparitions énigmatiques, espionnage. On y sent le temps qui passe. On y devine la peur de la vieillesse. On y lit des souvenirs heureux et des erreurs, les petites choses de la vie comme les grandes énigmes, faits divers ou ruptures politiques : la « pseudo-neutralité » de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale, l'autre guerre, dite la guerre froide, qui n'en finit pas de finir, les espions de tous bords, russes ou américains, l'assassinat toujours non élucidé du ministre suédois Olof Palme (1986), la haine raciale qui, aujourd'hui, enfle en Europe...
Wallander souffre, cherche à démêler le bien du mal. Il a la mémoire qui flanche, des trous noirs, des absences qui finissent par le ronger. Mankell ne lui tend pas la main. L'oubli - le déni de l'Histoire comme des histoires - est pour cet écrivain, qui ne rejette pas le qualificatif « engagé », une faute irréparable.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Lonsam Studio photo gay japon

Bret Easton Ellis : Les éclats 2023.

Jean Desbordes