Tom Wolf : Blood Miami



Une invasion armée, c'est une chose, évidemment. Mais Miami est la seule ville d'Amérique – et même du monde, à ma connaissance – ou une population venue d'un pays étranger, dotée d'une langue et d'une culture étrangères, a immigré et établi sa domination en l'espace d'une génération à peine – par la voie des urnes. Je veux parler des Cubains de Miami. Dès que j'ai pris conscience de cette réalité, j'ai trépigné d'impatience : il fallait que j'y aille. C'est ainsi que j'ai passé deux ans et demi dans la mêlée, en plein coeur de l'immense foire d'empoigne qu'est Miami. Il faut le voir pour le croire ; ou bien (oserais-je le suggérer ?) le lire dans Bloody Miami. Dans ce livre – ou il n'est pas question d'hémoglobine, mais de lignées –, Nestor, un policier cubain de vingt-six ans, se retrouve exilé par son propre peuple de la ville d'Hialeah, la véritable « Little Havana » de Miami, pour avoir sauvé de la noyade un misérable émigrant clandestin de La Havane ; Magdalena, sa ravissante petite amie de vingt-quatre ans, leur tourne le dos, à Hialeah et à lui, pour des horizons plus glamour en devenant la maîtresse d'abord d'un psychiatre, star des plateaux télé et spécialiste de l'addiction à la pornographie, puis d'un « oligarque » russe dont le plus grand titre de gloire est d'avoir donné son nom au Musée des beaux-arts de Miami (en lui vendant des faux pour soixante-dix millions de dollars...) ; un professeur haïtien risque la ruine pour que ses enfants mulâtres soient pris pour des Blancs ; un chef de la police noir décide qu'il en a assez de servir d'alibi à la politique raciale du maire cubain ; le rédacteur en chef WASP de l'unique quotidien anglophone encore publié à Miami, certes diplômé de Yale mais qui ne comprend rien aux contradictions intrinsèques et complètement cinglées de cette ville, meurt de peur de perdre sa place – et ses privilèges ; tandis que son jeune reporter vedette, également sorti de Yale – mais qui, lui, a tout compris –, s'échine (avec succès et avec l'aide de Nestor, notre jeune policier cubain) à traquer le scoop qui lui permettra de se faire une place à la hauteur de son ambition... et je n'évoque là que neuf des personnages de Bloody Miami, qui couvre tout le spectre social de cette mégapole multiethnique. J'espère qu'ils vous plairont. C'est un roman, mais je ne peux m'empêcher de me poser cette question : et si nous étions en train d'y contempler l'aurore de l'avenir de l'Amérique ?

Tom Wolfe est à l'origine du nouveau journalisme, son modèle est Emile Zola. Et ça se sent.
Chaque chapitre, extrêmement documenté, nous fait découvrir un nouvel aspect de Miami, qu'on a rarement vu comme ça.
Et même si certaines situations flirtent avec le cliché, ce n'est pas grave puisque ce que décrit Wolfe c'est justement une société de l'image hyper friquée que contemplent en rêvant d'en faire partie des gens d'extraction modeste.
Le portrait de Miami, la main mise sur la ville par les Cubains, les conflits raciaux entre Cubains, Blacks et Americanos est parfaitement décrit.
on est emporté par le récit, c'est dynamique, tonique, enlevé, pertinent ; l'écriture s'empare de grommelots et d'onomatopées pour se dynamiser et nous faire entrer dans les pensées des personnages, l'utilisation de la ponctuation crée un effet "parole exprimée/pensée" extrêmement judicieux.
Bref, c'est de l'excellent Tom Wolfe.

A Miami, éclate une altercation entre la petite amie d'un directeur de journal et une riche cubaine pour une simple place de parking... Nestor, un policier d'origine cubaine, réussit l'exploit d'arrêter un immigré clandestin cubain juché en haut du grand mât d'un schooner... Koroliov, un oligarque russe fait don au musée de Miami d'une série imposante d'oeuvres d'art estimées à 72 millions de dollars... Lors de la neutralisation mouvementée d'un dealer, Nestor et son collègue, dans le feu de l'action, sortent quelques insultes racistes qui malheureusement pour eux sont filmées et postées sur YouTube... Un professeur est accusé à tort d'avoir frappé un élève, en réalité un petit chef de bande qui terrorise toute la classe...
Il avait fallu attendre 7 longues années avant de pouvoir lire le nouvel opus de Tom Wolfe. Cette patience a été récompensée car on n'est pas déçu du voyage au coeur de cette ville étrange de Miami, la seule ville des Etats-Unis, et peut-être du monde où, en l'espace d'à peine une génération, une population immigrée, cubaine en l'occurrence, est devenue majoritaire et a établi sa domination dans tous les secteurs de la société. C'est une impression de voyage au bout de l'enfer, de plongée dans les turpitudes sexuelles et les haines communautaires qui se dégage de ce livre majeur. A chaque nouvel ouvrage,Tom Wolfe choisit un sujet sociétal (la vie à l'université dans « Moi, Charlotte Simmons », le monde des traders de Wall Street dans « Le bûcher des vanités », l'armée dans « embuscade à fort bragg » tout comme il avait précédemment enquêté sur le mouvement hippy avec « Acid Test » ou la conquête de l'espace avec « L'étofffe des héros »). Ici, il s'agit des conséquences souvent paradoxales de ces affrontements communautaires. Par exemple, le pauvre Nestor, qui n'a fait que son devoir, se retrouve dans la peau du traître dans l'histoire du clandestin cubain puis dans celle du raciste dans l'arrestation du dealer noir. Et ceci n'est qu'une des nombreuses situations ubuesques qui vont beaucoup plus loin que la simple intrigue romanesque. Un livre qui fait réfléchir sur les grands problèmes et le devenir de nos ultra-modernes sociétés. Ce qu'on y découvre peut même faire froid dans le dos. A la limite de l'enquête journalistique (excellemment documenté comme d'habitude), du thriller, du reportage, et du roman, en un mot c'est du Tom Wolfe, c'est à dire de l'inimitable. Seuls petits reproches : c'est un gros pavé (plus de 600 pages qui ne sont pas toutes indispensables

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