Jacques Spitz : la guerre des mouches



Une épaisse couche de mouches grouillantes recouvrit tout le village sans laisser libre le plus petit espace. Le bourdonnement avait cessé, la lumière du soleil avait reparu, mais la vision de cette marée de patte et d'ailes agitées de frémissements n'en était que plus horrible. La couche d'insectes gantait uniformément les cabanes, la camionnette, les hommes, comme si un voile noir fût tombé du ciel. Les mouches grouillaient sur les habits, les mains, le visage, traînant sur la peau leur abdomen froid, et tâtant de la trompe tous les pores. L'impression de chatouillement était atroce, et un insurmontable frisson de répulsion vous secouait les nerfs. En vain cherchait-on à se débarrasser les yeux, le visage, de cette ignoble purée vivante, la place nette était aussitôt recouverte de nouvelles venues refluant comme le flot sur un récif. "Et si la terre se muait en un immense essaim de mouches s'envolant dans l'espace."

Jacques Spitz joue à la fois sur les ressorts du roman catastrophe et sur ceux de la satire. Sa grande force réside, sans aucun conteste, dans son ton. A la manière d’un entomologiste, l’auteur dépeint les derniers mois (peut-être) d’une civilisation humaine pour laquelle il ne semble nourrir aucune affection. Car cette humanité ne s’efface pas paisiblement. Elle s’entête à résister et ses grouillements de survie ne contribuent qu’à aggraver les destructions. Et le lecteur de rire (jaune) de l’absurdité des tentatives des hommes pour endiguer la marée inexorable des mouches. Nul corps social ne sort indemne de ce récit implacable qui est, au final, tout simplement jubilatoire.

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