Michel Onfray : Cosmos






Qu’est-ce qui réunit la mort d’un père sous un ciel sans étoiles, un jardin d’enfance, l’enfouissement d’un spéléologue, les fragrances d’un champagne de 1921, le hérisson des tziganes, la coquille d’un mollusque, l’anguille des Sargasses, un ver parasite, le vin biodynamique, la poésie des peuples sans écriture, un masque africain, des haricots sauteurs, des acacias qui communiquent, un philosophe zoophile, des végétariens exploiteurs de poules, des porcs en batterie, des toréadors habillés en femmes, un curé athée, un matérialiste mort d’une indigestion de pâté de faisan, une peinture pariétale, un alignement de pierres, une fête du soleil indienne, une église catholique, les anges et les comètes, les trous noirs, un haïku, une toile d’Arcimboldo, le Land Art, la musique répétitive, entre autres fragments d’une Brève encyclopédie du monde ? Le cosmos.

Cet ouvrage, dont Michel Onfray écrit qu’il est « son premier livre », propose une philosophie personnelle de la nature. Contempler le monde, comprendre ses mystères et les leçons qu’il nous livre, ressaisir les intuitions fondatrices du temps, de la vie, de la nature, telle est l’ambition de Cosmos, qui renoue avec l’idéal païen d’une sagesse humaine en harmonie avec le monde.

Dans la Brève Encyclopédie du Monde qui est composé de Cosmos, Décadence et de Sagesse, Cosmos est une forme d'introduction, de "méthode", de préliminaire. Je mentirais si je ne disais pas que je préfère grandement Décadence à Cosmos. Cependant, c'est un livre important car il annonce un point de vue rare dans l'intelligentsia française : le matérialisme. Ce mot ne signifie pas comme on peut beaucoup l'entendre une consommation éperdue. Non, il s'agit d'un courant antique philosophique qu'Epicure et Lucrèce (dans De Nature rerum) ont défendu. Il date de nombreuses civilisations antérieures et païennes qui faisaient de l'homme une partie de la nature, et non son maître. Elle se fonde sur l'immanence et rejette la transcendance. C'est le court terme, la vie concrète, les choses de la matière et du corps qui ont leur importance et non des idéaux.

Car, en effet, depuis l'installation du judaïsme dans le berceau de la Mésopotamie, après l'avènement du Christianisme par l'acte politique de l'Empereur Constantin qui réunit un héritage grec et un patrimoine hébraïque, puis pendant l'installation de l'Islam, c'est la conception platonicienne qui impose ses règles, un monde dualiste au service de l'Homme, avec un au-delà qui explique et impose un mode de vie à suivre dans l'ici-bas. Pourtant, cette façon de voir le monde est reprise par ceux qui sont censés la combattre : les cartésiens et même les athées stalinistes, les nazis et les fascistes. Ainsi, à quoi sert Cosmos, le livre de Michel Onfray dans ce contexte ?

Ce livre permet de répondre aux grandes questions philosophiques à travers le prisme de cette façon de pensée (que je partage au demeurant). Comment appréhender le temps ? L'univers ? La vie ? Le cosmos ? Les animaux ? Comment peut-on affronter la vie, la nature, le deuil, la sensualité et l'art en étant épicurien, en favorisant la nature à la religion ? Ainsi, ce livre a des défauts mais à la qualité plus importante de représenter un mode philosophique disparu dans l'Occident actuel depuis la chute du paganisme et des spiritualités animistes du néolithique. Il est une bonne introduction à Décadence qui va appliquer cette philosophique à la politique.

Cosmos a un style plutôt accessible, bien que parfois un peu complexe. Il se fonde de manière très agréables sur des exemples très concrets comme par exemple le peuple tzigane, l'anguille ou la tauromachie. Michel Onfray prend des positionnements politiques en faveur d'une anarchie de coopération, d'un darwinisme politique et d'une justice sociale de proximité. Parfois, l'auteur se laisse aller à ses deux défauts les plus importants : la caricature (dire de Monsieur Singer que son positionnement antispéciste se réduit à la zoophilie est un peu osé) et l'invective de celui qui n'est pas d'accord avec lui. Cependant, sa volonté de démocratisation, du partage et de la bienveillance naturelle font plaisir à lire. C'est un livre qui nécessite du temps (au moins deux bonnes semaines pour savourer chaque chapitre), de la concentration et de l'ouverture à la perception, aux synesthésies fréquentes et à l’œnologie dès la premier chapitre.



Evidemment tous ler arguments d'Onfray sont discutables. Il agace un peu à force de vituperer.
je n'aime pas personnellement le côté" retour à la terre : Et d'ailleurs, comme l'auteur nous l'affirme dès la p. 79 : "pourquoi apprendre à lire et à écrire puisque la lecture et l'écriture nous éloignent du monde véritable ?" C'était tellement mieux pendant la préhistoire... et avant l'électricité (p. 382-387). Car Onfray nous refait le coup (entre autres innombrables exemples, voir p. 206, 265 pour y revenir pp. 480-482) de l'homme primitif qui vivait tellement mieux puisqu'il était en plein accord avec la belle, grande et doulce Nature (de natura rerum, n'est-ce pas ? pp. 399 et seq).

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