Pierre Yves Leprince : les enquêtes de Monsieur Proust.



«C'est à la fin de 1906, à Versailles. Je suis minuscule (j'ai dix-sept ans mais l'air d'en avoir treize), je gagne ma vie comme coursier. Un jour, le portier d'une grand hôtel me demande de retrouver un cornet qu'un riche client a perdu. Je me dis qu'il doit s'agir d'un sourd, je monte à sa chambre et frappe avec force, on m'ouvre.
J'attendais un vieillard, je vois un homme encore jeune, mal rasé, pâle et inquiet. Il se penche vers moi et me dit d'une voix plaintive : "Pourquoi frapper si fort, mon enfant?
– Je ne suis plus un enfant, Monsieur, je frappe fort parce que vous avez perdu votre cornet.
– Mon cornet? Quel cornet?
– Votre cornet acoustique, Monsieur."
Monsieur Proust, c'était lui, pousse un cri aigu, court se rouler sur un canapé couvert de papiers et de journaux. Il râle, gémit, va s'étouffer, j'ai peur. Non, il rit, je l'imite.
Il est écrivain, il n'a pas quarante ans, je n'en ai pas vingt, ni lui, ni le gamin que je suis, ni personne ne peut imaginer le futur, pour le moment nous rions. Nous suffoquons ensemble, nous sommes heureux, le temps de ce qu'il appellera toujours "nos secrètes enquêtes" a commencé.»

Le narrateur âgé d'une centaine d'années est en train de rédiger un livre de souvenirs dont le sujet traite de sa rencontre en 1906 à Versailles avec Marcel Proust qui à cette date n'en est encore qu' à ses balbutiements en littérature. l'es connu certes mais n'a pas commencé " La Recherche". Noël, le narrateur est coursier dans un grand hôtel où séjourne Proust; à l'occasion le jeune homme qui a dix-sept ans mais n'en paraît guère plus de treize, officie comme détective dans une agence pour arrondir des fins de mois difficile (il est issu d'un milieu très modeste).
Un hasard heureux fait égarer à Marcel Proust un carnet. la rencontre sera l'occasion de quiproquos et autres surprises assez fines et plutôt drolatiques. le jeune Noël avec sa candeur et son bon sens d'homme issu du peuple retrouve le carnet. Joie de l'un pour qui la perte relevait du désastre , fierté de l'autre de pouvoir accéder à un monde autre. Une amitié va naître, une amitié vraie qui ne sera même pas particulière - l 'auteur n'occulte pas les attirances homosexuelles de Proust, mais là n'est le sujet-
Pour nous parler de son admiration inconditionnelle pour Proust, P. Y. Leprince nous amène sur les voies anecdotiques de plusieurs affaires policières. Noël et Monsieur Proust, observateurs avertis, amoureux du moindre détail vont devoir élucider des mystères allant du mensonge au sein d'un couple, en passant par une affaire frisant le paranormal - fait resté dans L Histoire-. L'Hôtel sera même le lieu d'un crime.
Les thèmes récurrents chez Proust sont bien présents ( Mémoire, le temps qui passe...)
Nul besoin d'être un fada de Proust pour aimer ce livre. c'est un livre léger, drôle, plein de sensibilité; il faut juste se laisser porter sans apriori. le ton est précieux, sans excès, juste comme on peut s'imaginer ce qu'était la vie facile cette époque dans cette classe sociale que fréquentait l'auteur de cette magnifique, que j'ai découverte bien tard parce que présentée lorsque j'étais enfant par des professeur qui aimait mal - pas qui ne l'aimait pas, j'ai bien dit mal, maladroitement. Après bien-sûr, il y a cette mode qui veut que Proust , ma foi, c'est long, c'est emberlificoté ...,
Bien sûr, vous l'avez compris, j'aime Proust et je pense que si des jeunes prennent le temps de lire le livre de J.Y. Leprince, ça leur donnera peut-être envie de découvrir celui qui par son écriture si fine est un des grands auteurs qui font aimer la langue française. Et même s'ils ne sont que quelques dizaines à le lire ce sera déjà très bien. Je crois que c'est une bonne amorce pour avoir envie de découvrir cette oeuvre, ce pavé magnifique .

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Lonsam Studio photo gay japon

Bret Easton Ellis : Les éclats 2023.

Jean Desbordes