Stephen Page : « Spear ». 2015
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Stephen Page est le directeur du célèbre « Bangarra Dance Theatre » d'Australie.
Il est rare que la danse contemporaine soit utilisée au cinéma. C'est encore plus rare que ces deux médiums puissent fonctionner ensemble.
Je me suis alors rappelé cet autre film qui n’est pas à proprement parler Gay mais qui est, entre autres, une célébration du corps masculin : La danse implique un entraînement et une discipline stricts du corps et on retrouve ici, une charge érotique indéniable que suscitent ces corps parfaits et magnifiques se déplaçant sur scène ou à l’extérieur.
Je vous en est donné un exempla avec le formidable et très gay "Dead Dreams of Monochrome Men" de David Hinton. 1989, il y a quelques jours
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Regarder Spear, le premier long métrage de Page, est une expérience palpitante, et cette exaltation est en grande partie due aux performances affirmées des danseurs à l'écran. Spear est porté par sa chorégraphie et sa corporalité sensuelle, racontant l'histoire largement non linéaire d'un jeune homme, Djali, jeune aborigène, interprété par Hunter Page-Lochard, qui doit gérer son passage à l'âge adulte en conciliant son allégeance à sa culture traditionnelle avec la réalité de la vie urbaine en Australie. L'initiation est la métaphore qui guide et centre le récit.
Spear est un véritable enchantement expérimental, un exercice d'expression physique, visuelle et auditive.
Voir comment l'histoire troublée des peuples autochtones d'Australie est retravaillée sous forme d'idée sensorielle (à travers le corps, l'âme, la peinture, les émotions et le mouvement) est fascinant.
L'utilisation de l'iconographie traditionnelle et des sons aborigènes fusionne également en un ensemble exaltant.
Par moment Djali semble en transe, et on a l’impression de l’être aussi.
Dansé, le film est pratiquement sans dialogues.
L’environnement extérieur (au lieu et place d’un décor scénique), métros, chantiers navals, plages et rues.
Les préoccupations de Page sont à la fois directes et complexes. « Spear » n'est pas une célébration de la culture aborigène, qu'il s'agisse de danse ou d'art. Il s'agit d'une expression violente des pressions qui pèsent sur une communauté porteuse d’une culture rebelle, vue à travers le regard d'un jeune homme aux prises avec deux vies…
Page ne cherche nullement à romancer le monde arborigène contemporain, il jette à l'écran l'indignation et la privation de droits pour tenter de briser la distance embellissante de l'art.
Par moments qui sont comme des interludes, le prophète de rue virulent « Aaron Pedersen », crache des accusations tandis que des hommes blancs se pavanent aveuglément, et s'attaque en profondeur aux relations raciales contemporaines en Australie.
La chorégraphie accusatrice de Page donne à « Spear » une immédiateté mordante, qui, transcende le manque de langage verbal.
Dans Spear, la masculinité est au cœur du film. C'est peut-être la primauté de la danse comme langage qui explique que la sexualité du film ne soit pas simplement hétérosexuelle. En observant les danseurs, même lorsqu'ils expriment colère ou mélancolie, on perçoit toujours la beauté de leurs corps et la sensualité de leurs mouvements. Les danseuses, en revanche, sont limitées par leur représentation de rôles maternels et sacrés archétypaux, et tant sur le plan conceptuel que chorégraphique, les danseuses semblent contraintes.
Hhenri Mesquida pour le groupe Facebook : cinemaetlitteraturegay
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