Albert Camus : Le malentendu



Rêvant de faire fortune et d'aller vivre au soleil, Martha et sa mère assassinent pour les dépouiller les clients de leur auberge.
Le frère de Martha, parti depuis vingt ans et revenu incognito, sera leur dernière victime : quand elles découvrent qui elles ont tué, les deux femmes se suicident. D'un malentendu, Camus a fait le sujet d'une " tragédie moderne ". Le malheur y vient moins de l'aveuglement, propre aux tragiques grecs, que d'une éperdue volonté de bonheur soutenue par une énergie capable d'aller au crime. Déjà mise au jour par Le Mythe de Sisyphe, l'absurdité de la condition humaine donne au Malentendu d'étranges résonances, moins proches des tragédies d'Eschyle, parfois, que du théâtre d'Ionesco.




Le Malentendu est une pièce de théâtre en trois actes écrite par Albert Camus, elle fait partie du cycle de l'absurde. Sa première représentation date du 24 juin 1944, au théâtre des Mathurins, dans une mise en scène de Marcel Herrand.Midi. La salle commune de l'auberge. Elle est propre et claire. Tout y est net.

Jan, jeune homme à qui la vie a réussi, riche et amoureux, décide de renouer le lien avec sa famille, qu'il a quittée des années auparavant. C'est ainsi qu'il retourne dans son village natal et plus précisément dans l'auberge tenue par sa mère et sa sœur. Ne sachant comment informer de sa vraie identité, Jan séjourne dans l'auberge, attendant une occasion propice à sa déclaration. Maria, sa femme, tente de dissuader son amant et se justifie par ses inquiétudes et l'absurdité du comportement de Jan; celui-ci d'ailleurs ne l'écoutera pas. Cependant, même si les inquiétudes de Maria sont infondées, elles ne sont pas moins justes. En effet, la mère et sa fille Martha ont pris l'habitude de tuer pendant leur sommeil les voyageurs qui séjournent auprès d'elles afin d'obtenir les moyens pour fuir cette région grise et trouver des terres plus ensoleillées. Jan, ne dévoilant pas son identité, souffrira du malentendu et sera victime du stratagème devenu mécanique.
Amour et manque d'amour constituent un thème central de la pièce. Qu'il s'agisse de l'amour filial, dont manque la mère, ou de l'amour dans le couple, dont débordent Jan et Maria, et dont Martha n'a jamais connu le frisson, ce sentiment fort est continuellement présent dans le discours. L'amour maternel défaillant se trouve également traduit par le suicide de la mère lorsqu'elle comprend qu'elle vient de tuer son fils, laissant ainsi sa fille seule.
Cette solitude, doublée du sentiment d'abandon, constituent la base de ce malentendu, et se trouvent perpétués au fil des événements tragiques.
Malentendu et incompréhension, tentative d'exprimer l'indicible ou impossibilité de réagir face à l'innommable… Ces difficultés sont à l'origine de tout le drame de la pièce - Jan ne sachant trouver les mots pour annoncer son retour. Elles perdureront tout au long de la pièce, les échanges devant se limiter aux conventions1 imposées par une définition de rôles erronée du fait du malentendu, une relation d'hôte à aubergiste que Jan essaye malgré tout de transgresser afin de se faire connaître de sa famille. Ces difficultés trouvent leur illustration finale avec l'apparente apathie de Martha lorsqu'elle comprend qu'elle a tué son frère.
Le voyage se trouve en toile de fond, les unes le rêvant, n'ayant jamais quitté leur contrée natale, les autres le vivant, tentant maladroitement d'apporter ce bonheur dans l'auberge triste et morne.
La puissance divine, en effet à l'extrême fin de la pièce, Maria qui appelle Dieu et est interrompue par le domestique qui entre dans la pièce, elle lui demande de l'aide et il répond : « Non ! ». Ainsi le domestique est assimilé à la puissance divine et la fin montre qu'il n'aide pas. On pourrait rapprocher cela de l'existentialisme qu'approuvait Jean-Paul Sartre. Cependant, Camus a dit lui-même qu'il ne l'était pas.
Cette histoire noire, comme un polar ou un drame antique. Cette absurdité de la vie et du destin. Ne l'auraient-elle pas tué le frère, le fils même si elles l'avaient reconnu ? d'ailleurs on peut s'interroger... Avides et démunies dans leur trou glauque où elles vivent. Où rien ne semble bouger. Ces êtres révoltés et bâillonnés par la fatalité qui se cognent à leur destin comme des papillons de nuit à une lampe à pétrole.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Lonsam Studio photo gay japon

Bret Easton Ellis : Les éclats 2023.

Jean Desbordes