Albert Camus : l'envers et l'endroit




"L'envers et l'endroit" est un recueil d'essais, prenant parfois la forme narrative de la nouvelle, composé entre 1935 et 1936. La vive acuité et la sensibilité du futur prix Nobel sont déjà perceptibles chez ce jeune homme (il n'a alors que vingt-deux ans !), donnant à cet ensemble une valeur particulière, comme si j'avais eu sous les yeux une sorte d'écrit préparatoire de l'oeuvre futur d'Albert Camus.
A travers une observation lucide et minutieuse de son univers quotidien en Algérie, ponctué par une expérience du voyage : à Prague, en Italie, aux Baléares, Albert Camusévoque sa volonté de ne pas désespérer de l'absurdité de l'existence. Il souhaite vivre pleinement dans la conscience permanente de la matérialité du monde, seule perspective possible pour un homme lucide d'éviter de vivre en préparant sa mort.

L'Envers et l'Endroit est la première œuvre d'Albert Camus, publiée à Alger en 1937 par Edmond Charlot et constituée d'une suite d'essais sur le quartier algérois de Belcourt ainsi que sur deux voyages, le premier aux Baléares et le second à Prague et Venise.
Préface.
L'ironie.
Entre oui et non.
La mort dans l'âme
Amour de vivre
L'Envers et l'Endroit


Albert Camus dira de cette œuvre de jeunesse qu'elle est la source secrète qui a alimenté toute sa pensée : « Pour moi, je sais que ma source est dans L'Envers et l'endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j'ai longtemps vécu et dont le souvenir me préserve encore des deux dangers contraires qui menacent tout artiste, le ressentiment et la satisfaction. » Camus est alors âgé de vingt-deux ans et entreprend l'écriture de ces cinq nouvelles très fortement autobiographiques : le quartier algérois de Belcourt et le misérable foyer familial dominé par sa terrible grand-mère qui règne sur une mère mystérieuse dont le jeune garçon garde le souvenir de son effacement et surtout de ses silences, personnage principal de la nouvelle entre oui et non. Il évoque son voyage aux îles Baléares, berceau de sa famille maternelle ainsi que le voyage à Prague dans la mort dans l'âme. Il y décrit les vies étroites de son quartier, dominées par le travail et la dureté de l'existence, qu'on retrouve dans L'Étranger : « Ce quartier, cette maison! Il n'y avait qu'un étage et les escaliers n'étaient pas éclairés. Maintenant encore, après de longues années, il pourrait y retourner en pleine nuit. Il sait qu'il grimperait l'escalier à toute vitesse sans trébucher une seule fois. Son corps même est imprégné de cette maison. Ses jambes conservent en elles la mesure exacte de la hauteur des marches. Sa main, l'horreur instinctive, jamais vaincue, de la rampe d'escalier. Et c'était à cause des cafards. »

Meursault vit dans le même quartier, dans son petit appartement sans confort et n'a guère comme loisirs que les amis et la plage. Il décrit cette compassion qu'il éprouve par cette mère qui fait de durs travaux toute la journée et qui, le soir venu, met sa chaise près de la fenêtre et contemple, silencieuse, le va-et-vient de la rue, bouleversé par « l'admirable silence d'une mère et l'effort d'un homme pour retrouver une justice ou un amour qui équilibre ce silence ».

L'Envers et l'Endroit, c'est un peu le Entre oui et non de sa nouvelle, où l'Envers est synonyme d'angoisse face à l'étrangeté et au silence du monde, l'absence apparente de prise sur ce monde, l'Endroit symbolisant la beauté, l'acceptation de ce monde incompréhensible. Un personnage comme Meursault dans L'Étranger est partagé entre ces deux pôles, comme Camus aussi écrivant qu'« il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre » dans Entre oui et non. Comment expliquer, traduire la beauté éphémère d'un coucher de soleil, sinon par cette bascule entre va et vient, entre l'endroit et l'envers, seule par exemple la solidarité dans La Peste permet de lutter contre la solitude et rend les hommes plus forts. Ici, dans ces différentes nouvelles, les vieillards surtout, comme cette femme dans le dernier texte qui a donné son nom à l'ouvrage, font eux-mêmes leur propre malheur, basculent dans 'l'envers' sans même en avoir conscience.


Dans une importante préface écrite en 1958, Albert Camus situe ces textes dans la perspective générale de tout ce qu'il a écrit, concluant par cette formule : « Si j'ai beaucoup marché depuis ce livre, je n'ai pas tellement progressé » . C'est avec beaucoup de réticences qu'il a consenti à sa réédition avec cette préface qu'il mettra plusieurs années à peaufiner, car il estimait que, malgré les imperfections de forme, tout le monde devrait avoir accès à ce texte et pas seulement quelques privilégiés qui possédaient le texte original, ceci d'autant plus que sur le fond, se trouvaient dans cet essai les thèmes majeurs que Camus développera ensuite sous d'autres formes. C'est l'endroit ?


Les essais qui sont réunis dans ce volume ont été écrits en 1935 et 1936, lorsque Camus avait vingt-deux ans. On a pu dire que ce petit livre contient ce que Camus a écrit de meilleur. Dans une importante préface qui date de 1958, Albert Camus situe ces essais dans la structure générale de son œuvre et il conclut que, "si j'ai beaucoup marché depuis ce livre, je n'ai pas tellement progressé ". On trouve, en effet, tous les thèmes majeurs de l’œuvre de Camus dans ces premières pages qu'il a écrites.

Source : Gallimard

4e de couverture Folio 1986:

L'envers et l'endroit est le premier livre d'Albert Camus. Il paraît à Alger en 1937.

"A la fin de sa vie, Camus verra dans cette œuvre de jeunesse la source secrète qui a alimenté ou aurait dû alimenter tout ce qu'il a écrit. L'envers et l'endroit livre l'expérience, déjà riche, d'un garçon de vingt-deux ans : le quartier algérois de Belcourt et le misérable foyer familial dominé par une terrible grand-mère ; un voyage aux Baléares, et Prague, où le jeune homme se retrouve «la mort dans l'âme» ; et surtout, ce thème essentiel : «l'admirable silence d'une mère et l'effort d'un homme pour retrouver une justice ou un amour qui équilibre ce silence»."

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