"Babel" de "Damien Chazelle"; Film de 2022.

Coup de coeur. 8/10 Los Angeles des années 1920. Récit d'une ambition démesurée et d'excès les plus fous, l'ascension et la chute de différents personnages lors de la création d'Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites. Babylone signe le retour du grand "Damien Chazelle" dans le monde de la musique, du divertissement et des histoires hollywoodiennes (après la parenthèse "first man" que personnellement j'ai beaucoup aimé aussi).Cette fois-ci, il nous raconte l'histoire d'une paire de brillantes stars du cinéma muet -jouées par Margot Robbie et Brad Pitt, tous deux extraordinaires, qui se retrouvent confrontés aux problèmes du passage du cinéma muet au parlant (on pense tout de suite à Chantons sous la pluie et Chazelle aussi comme vient le confirmer magistralement la dernière scène du film...)avec tout ce que cela va signifier pour leur carrière et la façon dont ils effectuent leur travail. Les deux protagonistes Nellie LaRoy et Jack Conrad, ainsi qu'un troisième personnage nommé Manny Torres joué par l'acteur mexicain Diego Calva tout aussi excellent constituent les trois rôles principaux du film qui servent de fils conducteurs à des intrigues qui s'entremêlent mais se développent en parallèle, composant une large mosaïque de situations qui, en même temps qu'elles décrivent les protagonistes et leurs aventures, dévoilent un monde hollywoodien qui oscille entre illusions, folie et sordide, entre succès et décadence. Les acteurs secondaires font également du très bon travail et plusieurs ont leur petite histoire, comme celle divers personnages celle du trompettiste de jazz Sidney ou la merveilleuse Lady Fay Zhécrivaine d'intertitres et artiste lesbienne flamboyante. Le film se scinde en deux parties bien distinctes. Dans sa première heure et demie, plus ou moins, on assiste à la grande fête hollywoodienne dans toute sa démesure. On assiste d'ailleurs métaphoriquement à une séquence de fête d'environ trente-cinq minutes où Chazelle fait briller sa caméra de mille feux : plans séquences, mouvements impossibles, jeux de flous, etc. - et on nous montre le monde des excès, de la drogue, de la débauche et du sexe débridé dans lequel vécurent de nombreuses stars qui trônaient sur les couvertures des magazines de la période du cinéma muet. On enchaîne toujours avec la même maestria avec une séquence de tournage de film muet tourné au milieu d'un grand terrain ou d'autres dizaines de films sont tournés en même temps où l'on voit beaucoup d'acteurs partir sans avoir dormi, drogués et complètement hors de contrôle. Toute cette première moitié du film a un rythme absolument effréné et diabolique et nous montre quelques-unes des misérables réalités cachés derrière les faste d'Hollywood (que vous connaissez déjà si vous avez lu le "Hollywood Babylon" de "Kenneth Anger", une grande inspiration avoué du cinéaste. Mais Chazelle n' pas souhaité seulement nous raconter une histoire de fêtes et de tournages chaotiques, surréalistes et sauvages. Il a voulu après les fastes nous raconter la chute de cet empire du silence : Un changement de paradigme qui correspond à la deuxième heure et demie du film Car un nouveau royaume est né; celui du cinéma parlant. Pour témoigner de cette chute, le film va nous montrer de façon parabolique, la chute des stars elles-mêmes dans un Hollywood qui a vécu dans l'abondance et qui doit maintenant s'adapter, ou mourir en essayant. Cette deuxième partie est évidemment beaucoup plus dramatique que la première avec même des touches de terreur ou de thriller (Voir la scène de Maguire dans le donjon et le moment où Diego Calva est "pardonné "ou on est dans un univers à la Tarantino) Plus sérieuse aussi, mature et parfois cruelle avec ses personnages. C'est pourquoi j'ai le sentiment que cette deuxième partie risque de ne pas plaire à tous les téléspectateurs qui étaient perchés sur le nuage de fun et de débauche de la première partie et qui, comme les personnages, vont en redescendre d'un coup. Pour entrer dans Babylone et l'embrasser pleinement, il faut partir du principe qu'il s'agit bien d'une histoire de l'ombre d'Hollywood. De jouets cassés. Et des morts que l'industrie a toujours mis sous le tapis pour continuer avec son "Show must go on" si particulier. « La la land » touchait à cet ombre de manière beaucoup plus nostalgique . Ici il s'agit d'une véritable descente aux enfers claire et évidente qui rappelle presque plutôt le ton décadent que "Darren Aronofsky" Je pense sincèrement que "Babylone" est un grand film. Et, en même temps, je suis conscient que c'est un film qui va provoquer la division et le débat. Et, comme Chazelle lui-même l'a dit ces jours-ci, je pense que c'est sain qu'il le fasse puisque c'est un film qui se plaît à nous balader entre deux extrêmes. Le film utilise ces changements de ton et de forme à la manière dont il frappe si fort ses personnages. En tant que spectateur, il n'est pas étonnant que nous puissions tous nous sentir confus et/ou dégoûtés par ce que nous venons de voir à l'écran. Moi, j'ai retrouvé assis dans mon fauteuil cette sensation de ravissement, le sourire et les yeux brillants de l'enfant que je redeviens parfois devant certains films( je pense au petit Spielberg découvrant l'accident du train de sous le plus gros chapiteau du monde dans le Fabelmans de Spielberg; impression de magie que l'on retrouve ici dans la dernière scène ou la caméra quitte le héros survivant qui pleure dans une salle de cinéma pour se balader parmi le reste du public émerveillé ). Juste avant le générique il y a une dernière mini partie éblouissante ou l'on voit une mer d'images de moments clés du cinéma comme dans un espèce de rêve prémonitoire du personnage qui a elle seule vaudrait le déplacement. Avec des personnages fictifs mais inspirés de personnes réelles comme la star controversée de la "it girl" "Clara Bow" ou le charismatique leader romantique du film muet "John Gilbert" face au coup que lui porte l'arrivée du son, les vies fusionnées entre celluloïd et papier couché sont réunis par Chazelle avec fantaisie et plus de drame que de joie dans ce blockbuster hollywoodien contemporain sur le vieil Hollywood, où les lumières, la caméra et... l'action restent éternelles !

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